Faites monter : 15 chansons sexuelles de Bashung
Voilà plus de trois ans que Bashung nous a laissés orphelins, refermant derrière lui trente années dédiées au rock et à la chanson française. À travers sa musique, c’était le blues, la nuit, le doute, la passion qui s’exprimaient. En filigrane les femmes, le sexe, les corps, l’envie. La musique de Bashung est terriblement sexuelle ; c’est une musique d’homme avec ses forces et ses faiblesses, entière, où les différentes lectures s’entrecroisent en une poésie rock qui sonne pour prendre sens.
Délicat exercice que de parler de ses morceaux, surtout quand on lui voue un culte, mais les bonnes choses devant être partagées, voici donc quinze chansons sexuelles de Bashung.
Vertige De L’Amour (1981 – Pizza)
Deuxième gros succès de Bashung après Gaby Oh Gaby et des années de galère. On retrouve un thème qui sera le fil conducteur de toute sa discographie : l’insatisfaction. Gisèle n’est pas à la maison et Bashung s’accroche au canapé pour ne pas sauter sur la rouquine carmélite. Toujours entre deux eaux, entre son mojo infernal et sa froideur apparente, il tente de se maintenir pour ne pas sombrer.
Coeur transi reste sourd
Aux cris du marchand d’glacesBoris Bergman / Alain Bashung
Trompe D’Erection (1982 – Play Blessures)
Tiré du très personnel Play Blessures en collaboration (tardive) avec Gainsbourg, Trompe D’Erection joue sur l’ambiguïté d’une relation qui banderait amer, sujet tout aussi récurrent chez Bashung. L’interprétation du texte est libre, on peut y voir une relation froide et sado-maso, de la frustration, de la perversité, du voyeurisme, et surtout une fille entourée d’hommes dans des coins sordides. Le tout est appuyé par un arrangement en balançoire entre rock and roll (proche de son vrai premier album Roulette Russe) et cold wave anglaise. C’est fiévreux, mais loin d’être au niveau de Novice.
T’aimes plus que j’t’attache
Au radiateur
Tu veux plus que j’t’arrache
L’papier à fleursSerge Gainsbourg / Alain Bashung
S.O.S. Amor (1984 – single)
Jouer avec les mots et les allitérations pour parler de cul, encore un grand classique. Pur exercice de style en faims de loop et shalala chaloupé.
Quatre et quatre ça fait coït
Je me retiens ça fait coyoteDidier Golemanas / Alain Bashung
L’Arrivée Du Tour (1986 – Passe Le Rio Grande)
Dans Passe le Rio Grande, Alain cherche une nouvelle voix, l’Arrivée du Tour est une sorte de S.O.S. Amor un poil raté qui frôle le graveleux, ce qui est très étonnant pour du Bashung, le morceau ne doit sa place ici qu’à son clip réalisé par Kiki Picasso et à quelques jeux de mots bien sentis.
Ouvrez, ouvrez la charentaise
Touche-moi le pompon tu auras une rime en aiseBoris Bergman / Alain Bashung
Intrépide Malgré La Fièvre (1989 – Novice)
Novice marque le passage de relais entre Bergman – son parolier depuis le début – et Jean Fauque qui l’accompagnera jusqu’à son avant-dernier album. C’est également un album de rupture et de doutes, les thèmes abordés tournent tous autour d’un amour en suspension. Les textes ne sont pas explicitement sexuels mais tout l’atmosphère l’est terriblement. Ça sent l’alcool, l’envie, la nuit, les cris. Fiévreux et sombre, parfois poisseux, une des plus grandes réussites qui introduit le passage vers la seconde partie de sa carrière marquée par un sans faute magistral. Intrépide Malgré La Fièvre n’est qu’un exemple, on pourrait citer Étrange Été, Elle fait l’avion, Légère Éclaircie… À redécouvrir également sur ses différents live.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=QP93CfDCfk0[/youtube]Une info pour ses petites ondes
Le matin dans la rosée
Un phare piqué au bout du mondeBoris Bergman / Alain Bashung
Osez Joséphine (1991 – Osez Joséphine)
Au début de sa carrière, Alain avait déjà la classe quand il s’efforçait de ne pas perdre le feeling, mais ce fut un bide. Il se venge en troquant sa Cadillac pour une Dauphine, avec une pépée en plus, ça donne Osez Joséphine qui tournera sur les ondes tout l’été ‘91. Énième allitération, énième jeu de mots, encore un hommage à ses démons (Link Wray, Johnny Cash, l’Amérique des grands espaces et des motels crados) et une écriture qui noue le français à la pop comme seul Gainsbourg savait le faire. Album magistral, enregistré à Memphis aux studios Ardent avec entre autres Sonny Landreth et Bernie Leadon (The Eagles).
À l’arrière des dauphines
Je suis le roi des scélérats
A qui sourit la vieJean Fauque / Alain Bashung
J’Ecume (1991 – Osez Joséphine)
Plus loin dans le blues, le sexe, le désir et les corps fumants.
J’ai qu’une idée
Éternuer
Te retourner le canoëJean Fauque / Alain Bashung
Madame Rêve (1991 – Osez Joséphine)
Allégorie du désir, du vice et de l’envie. Arrangements noirs et oniriques, et érotisme trouble. On plane haut.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=TeaToYHqOfE[/youtube]Rêve de fougères
De foudres et de guerres
À faire et à refairePierre Grillet / Alain Bashung
Volutes (1991 – Osez Joséphine)
Les bons mots ne sont pas juste un prétexte pour faire sonner les mots, ils ont aussi un sens. Ici, baise lascive, au fond d’une chambre sur un nuage de fumée, tout en jouant sur le double sens volutes/vos luttes. Comme il le chantera quelques années plus tard dans Sommes-Nous « Seul m’ont laissé, les passions immortelles”, en voici déjà une.
Et mon corps de se vouer
À des lunes surdouées
Aux courbes souveraines
Pleines pleinesJean Fauque / Alain Bashung
Les Grands Voyageurs (1995 – Confessions Publiques)
On pourrait citer tout l’album Osez Joséphine tellement il suinte par toutes les plages. Les Grand Voyageurs rend hommage aux hommes de passage, ceux qui agissent par pulsion et repartent sans se retourner, dans le froid d’une relation qui n’a de sursaut que le temps d’une parenthèse enflammée. Ici dans une version live.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=RybRq1ipH9U[/youtube]Les grands voyageurs
Se posent sur le ventre d’une âme soeur
Ne respectent pas les consignes
Ne font pas de cadeau
Sinon des solitaires à des égéries en souffranceLaurent Petitgand / Jean Fauque / Alain Bashung
Après D’Âpres Hostilités (1994 – Chatterton)
Les pieds bien calés dans les 90s, la production continue à s’éloigner du froid relatif des productions 80s pour s’enfoncer un peu plus dans l’organique. Ses meilleurs albums sont certainement ceux où il semble célibataire ou dans une mauvaise passe. Après D’Âpres Hostilités met le doigt sur la tension retrouvée après une rupture, la passion, la pulsion, l’attaque sans raison. Les moments d’une vie quand, sans penser au lendemain, on replonge.
Après d’âpres hostilités
Tu m’arrivais comme un torrent
Dans l’estuaire
Tu me disais
C’est des ragots
Du fiel
Le venin d’un ver de terreJean Fauque / Alain Bashung
Ma Petite Entreprise (1994 – Chatterton)
Secret de polichinelle, le second hit de bashung dans les 90s est une métaphore filée sur sa quine, et rien à voir avec la crise en France, n’en déplaise au film de Pierre Jolivet.
La collaboration avec Jean Fauque fait des émules, les allitérations pleuvent, les punchlines s’accumulent, tout défile en seconde lecture. En 1994, on écoutait ça dans la voiture des parents, et ils priaient pour qu’on ne comprenne pas trop vite le sens, trop tard, le venin coulait déjà dans nos oreilles.
Ma petite entreprise
Ma locomotive
Avance au mépris des sémaphoresJean Fauque / Alain Bashung
Malaxe (1998 – Fantaisie Militaire)
Fantaisie Militaire doit son succès à La Nuit Je Mens, sommet de la chanson française qui fut ruiné quelques années plus tard par Nikos Aliagas et Nolwenn Leroy (document choc), qui vraisemblement n’avaient pas compris la subtilitié du texte, passons… Malaxe introduit l’album, superbement arrangé et réalisé par Jean Lamoot, un des rares réalisateurs français dont le travail est exemplaire. Précurseur du chef-d’œuvre à venir : L’Imprudence, l’album amorce un net virage vers la noirceur. Malaxe est la renaissance par la relation, la femme-pygmalion, il n’est pas explicitement sexuel sauf si l’on se laisse porter par la mollesse de l’arrangement qui se balance comme la trompe d’un éléphanteau. Possible que le texte soit dédié à sa rencontre avec Chloé Mons, qui deviendra sa femme en 2001.
Entre tes doigts l’argile prend forme
L ‘homme de demain sera hors normes
Un peu de glaise avant la fournaise
Qui me durciraJean Fauque / Alain Bashung
Faites Monter (2002 – L’imprudence)
Point culminant de sa carrière, œuvre magistrale à tous les niveaux, des textes aux morceaux, en passant par l’arrangement, l’enregistrement, la réalisation (Jean Lamoot) et le mixage, L’Imprudence se place sans problème dans les 100 plus grands albums de tous les temps (si tant est qu’on pige quelque chose au français).
Faites Monter cherche l’alchimie de l’amour (qui s’étiolera tout le long de l’album dans une noirceur et une profonde dépression) sans vraiment y croire, par dépit, par vengeance. La raison de tels textes est peut-être à chercher du côté de la maladie alors qu’il continuait à saigner la nuit, et à mettre en joue ses démons. Il apparaît d’ailleurs dans ce clip, bouffi par la cortisone. Triste.
Dans les faubourgs
Je décante
Le soir à la lune montante
Au matin je reprends connaissanceJean Fauque / Alain Bashung
Lunatic Asylum (2011 – L’homme À Tête De Chou)
On passera sur l’album Bleu Pétrole, douzième et dernier album studio de Bashung qui mettra fin à sa collaboration avec Jean Fauque. Alain n’a pas vraiment la tête aux corps, rongé par la maladie, sauf peut-être quand il regarde par la fenêtre pour chanter l’érotisme sous-jacent de Venus (écrit par Manset). Il prend tout de même le temps de démarrer une collaboration avec l’arrangeur Denis Clavaizolle pour reprendre le chef-d’œuvre de Gainbourg : L’Homme À Tête De Chou. Si le spectacle mis en scène par Jean-Claude Gallotta est une réussite, l’album, lui, est décevant. Il a juste eu le temps de poser une maquette, et ça se ressent nettement dans son phrasé. Cependant, Lunatic Asylum se dégage des autres titres par sa cohérence et sa réécriture qui ne trahit pas l’œuvre originale, où la fièvre et la folie dansent autour de la jalousie destructrice de Gainsbourg envers Marilou.
Marilou Marilou
Le petit lapin de playboy,
Ronge mon crâne végétalSerge Gainsbourg
Alain Bashung nous a quittés le 14 mars 2009.
Version Deezer de la playlist disponible ici.
Je t’aime de nouveau, comme jamais.
Sans oublier Bijou Bijou :
Puis tu prends ton bain
Avec de drôles de joujoux
Bijou, bijou
Je pourrai pas te dire au revoir, ce matin j’ai pas le bambou
Putain ce que t’as été belle
Quand tu te mettais à genoux
mais ouais ! C’est pas compliqué, il parle que de femmes ou de cul
Article / Playlist parfait(s).
Ma petite contribution: « Tant de nuits ».
http://www.youtube.com/watch?v=-0hSkQ_F5yU
Sur son lit de mort, Bashung se repasse le film, les ombres équivoques des liaisons passées.
Oh merde, ça cite Link Wray, je vais être obligé de me mettre à Bashung.
J’ai trouvé cet article chiadé, bien senti, très cool. Une imbrication réussie du fond et de la forme. Une lecture très plaisante. Bravo !
Chapeau mec,tu te balades bien dans sa disco et ravi aussi que tu defendes Novice qui ne fait pourtant pas l unanimite
Par contre une petite reserve ca ne parle pas que de femmes et de cul(reecoute Angora)
amities
T’as oublié Aucun Express !!!
Une des plus belles chanson qui existe sur la sodomie, pourtant …
« J’ai longé ton corps
Epousé ses méandres
Je me suis emporté
Transporté
Par delà les abysses
Par dessus les vergers
Délaissant les grands axes
J’ai pris la contre-allée
Je me suis emporté
Transporté »
Merci d’évoquer » Aucun express » , qui reste pour moi la plus bouleversante, celle qui vous arrache les larmes…
Mention à » Madame rêve » et à « Malaxe », délicieusement troublantes…
Quelle poésie et quelle grâce dans ses textes…