Jean Nipon : « Une croupe, c’est un peu le paradis pour moi »
Jean Nipon, producteur, dj, remixeur, batteur, breton-parisien, ex-DA du club Régine et digne représentant des polos Fred Perry, parcourt depuis des années Paris et la France sur son truck à grosses basses et vient de sortir un nouvel ep chez ClekClekBoom. On lui a donné rendez-vous au bien nommé bistrot « Les Parigots » entre le chapon de Noël et les huitres marinées aux herbes du Réveillon pour en savoir plus sur sa passion des boulis qui rebondissent. Il émergeait d’une soirée épique au Social Club avec la team Sound Pellegrino, il était donc à point pour répondre à nos questions.
T’es obsédé par les basses et le niveau sonore des clubs, tu as besoin que le clubbing soit physique ?
Ouais parce que je suis un peu vieux. J’ai le souvenir qu’avant la législation des 105db, voire 102db, on avait vraiment des basses dans les concerts ; jusqu’en 97-98, j’avais un vrai voyage physique. Par exemple, si tu allais voir un vieux DJ de Jamaïque qui mettait du dub, style 45 tours, un disque à la fois, avec un vieux tourne-disque pété, les basses te faisaient sortir les poumons. J’ai vu des amis avoir leur plombage dentaire sauté, parce que c’était un truc de malade ; d’où le côté un peu danger d’aller là-bas, c’était hyper risqué, des grosses fréquences, c’est tellement organique, fondamental. Maintenant, les kids sont habitués à un son médium-aigu, ces fréquences qui t’agressent, limite ils gueulent si jamais ils se retrouvent dans une config par accident avec des basses.
Les basses finissent le morceau, elles enrobent, elles donnent la vraie expérience unique de la musique, qui doit être physique, physique, physique…
Je vois les grosses basses comme des gros boules. T’es amateur de bubble butts ?
Je trouve ça fabuleux et j’ai depuis très longtemps cette fascination de Blanc pour les bootys de meufs noires d’Atlanta, c’est limite comme Crumb qui dessinait ces grosses meufs juives avec des rollers, des gros mollets et des fesses où tu peux faire un tenir un pichet dessus. Une croupe, c’est un peu le paradis pour moi, plus que les seins ou n’importe quel fétichisme du corps. C’est doux, c’est caché… Je suis fasciné.
Tu penses qu’on peut faire jouir une fille en envoyant un maximum de sub dans un club ?
Je pense que tu peux plus ou moins la forcer inconsciemment à faire “putain…” [il imite une fille en train de kiffer sur du son]. Les femmes ont plus ce rapport au corps ; ça les connecte sur un truc primaire plus que nous, où on a tendance à être un peu coincé… [il imite un mec accoudé au bar qui hoche la tête mollement].
Qu’est-ce que tu retiens de ton année chez Régine ?
Beaucoup de travail, beaucoup de stress, en fait je faisais quasiment tout et c’était hyper dur. J’arrivais à obtenir des bons artistes pas chers parce que c’était des amis, mais les patrons disaient — « ouais c’est trop cher, pas assez commercial », — « whuuut ? « . Alors que pendant un an tout Paris disait qu’on était bien chez Régine. Donc c’est partagé, j’avais une partie de l’équipe hyper contente, et puis les financiers qui faisaient : “euh c’est un peu chelou ton truc”.
Tu ne faisais plus la fête ?
Non, j’étais comme ça [il tremble], je me demandais si j’allais avoir assez d’argent, et là tu bascules, tu deviens producteur au lieu d’être artiste. Mais bonne expérience sur certaines soirées, le meilleur souvenir que j’ai, c’est quand on a réussi à faire Phoenix live, gratuit, c’était une vraie rencontre, j’étais ultra fier, juste avant qu’ils gagnent les grammy awards.
T’as croisé Régine ?
Oui, un peu la vieille reine, “tu comprends pas ce que c’est, la fête c’est bibi, Gainsbourg, il était là”, au début j’étais : “wouah, Gainsbourg, légende…”, puis après : “Régine… tu peux aller te reposer chez toi ?”. Elle est quand même ultra violente, c’est une force de la nature, bull-dog, respect… mais difficile si tu dois bosser avec elle je pense.
Tu penses quoi du tag granny ?
Il faut que ce soit vraiment bien fait, il y a quelques publications anglaises qui sont bizarrement spécialisées là-dedans, genre granny slut… Il faut soit être hyper jeune, soit tiens y’a HPG qui passe… [véridique, il traverse la rue à ce moment-là], ou alors, être hyper ivre sur le web… Non, mais c’est pas mon truc.
T’as jamais pensé à partir de France ? Ou c’est un truc de lâches vu que c’est un peu le thème en ce moment ?
Aime-la ou quitte-la. En fait Paris pour moi au tout début, ça a été ce fantasme Godard, Truffaut comme beaucoup de jeunes existentialistes un peu beaux-arts… J’étais hyper à fond dans la scène Elli et Jacno ; Palace ; ces fantasmes dandy. Même si maintenant Paris c’est plus trop ça, y’a quand même des superbes gueules cassées. J’aime ce truc, des bons quartiers, des bars ratés. J’adore New York, Tokyo, mais bizarrement ce pays quand t’es loin, tu te dis que tu l’aimes bien…
Ça ressemble à quoi une bonne fête, c’est un mélange de filles, de défonce ?
Une bonne fête — même si ça va faire geek pété — c’est des meufs super bonnes qui me disent : “mec, est-ce que tu pourrais jouer ce morceau de Brian Eno de 1974 ?” et là je fais “wouah, mais t’es une meuf bonne et tu kiffes ça…” mais bon ça n’arrive jamais. Ça, plus de la vodka en veux-tu, en voilà, pas de drogue et plein de gens qui comprennent que le sport c’est vraiment bien, mais qui peuvent quand même se bourrer la gueule comme des fils de pute.
Vodka pure ?
Pure, pas de mélange bizarre ou chimique. Glaçons, vodka, t’as pas de gueule de bois et t’as une haleine fétide mais correcte.
Finalement baiser bourré, ça sert vraiment à quelque chose, vu qu’on se souvient de rien ?
C’est génial jusqu’à 20 ans, ça fait partie de l’école de la vie, mais après un certain cap, c’est plus pathétique pour toi.
Ne devrait-on pas se filmer à ce moment-là, pour voir ce que ça donne ?
Tu dois avoir un souvenir de “c’était magique, y’avait du liquide partout” [il fait de grands gestes avec ses mains]. Alors que si tu filmais, ça serait hyper lent, violent, ridicule ; ça serait assez horrible. Après c’est beaucoup plus dur de faire du sexe à jeun avec des inconnus, là c’est un défi. Y’aurait pas beaucoup de monde capable de le faire : à froid, old school, pas de fun, pas de drogue, pas d’alcool ; mais ça n’arrive jamais, c’est pas ça la nuit.
Interlude musical avec ce mix de Nipon pour Hyponik
Tu as passé un an au Japon, tu regardais du porn là-bas ?
Non bizarrement, j’ai pas de fantasme Otaku. Je suis tellement fan du design, des dessins, du cliché kawaii, que le côté sexe — même si c’est un gros marché — je trouve ça un peu trop violent pour eux. Comme en Corée, ils ne sont pas sexuels, alors qu’ils sont pleins de frustration sexuelle. Ils sont curieux de ouf, ils pensent à des trucs de cannibale-zoophile qui fourrent une soubrette nazie… C’est un peuple de frustration, c’est encore plus intéressant. Mais leur porno est flouté… Je me sens mal pour eux. Je suis content qu’en France, en Europe, on soit plus dans le côté gaudriole, vieux trucs classiques…
T’as un avis sur Jacquie et Michel ?
Ça, j’ai du mal, ce gonzo-real-life-terroir. Honnêtement, je crois avoir des bons souvenirs de Colmax, années 90s, lumière un peu bleue, bonne production. String orange, peau avec des boutons… Ça me dégoûte un peu.
En France dans le porno, on est obsédé par la sodomie, encore plus dans le milieu pro-am comme Jacquie et Michel, où limite la fille qui n’en fait pas, ne tourne pas. Eux, ils filment ça en gros plan et ça ne se passe pas souvent très bien et ils font exprès que la sodomie ne soit pas très “clean”…
Oh… Mais ça a toujours été le paradoxe du cul, quand c’est vraiment crade, on dit que c’est pas possible, mais quasiment tout le monde dans l’action “ah en fait, c’est bien”, alors on est “ah” [dégouté], mais “oh !” [excité]. C’est ce rapport là, hyper étrange.
C’est l’idée de la perversion, ce danger, vers quel côté tu vas basculer…
Tous les jours on est différent. Mais perso, je suis romantique, je pense que j’ai fait de bonnes saloperies étant jeune, des expériences, genre “on y va partout” et là maintenant je suis beaucoup plus Alfred de Musset — limite je préfère les bons mots. Je préfère courtiser, ne pas savoir si elle va s’ouvrir à toi.
C’est quoi tes tags ?
Ebony, ghetto, spaceship, twerk, booty et naval.
On te file une caméra pour tourner un porn, ça donne quoi ?
Je ferais juste un plan-séquence en plongée avec une meuf qui se ferait dépuceler par le mec qu’elle aime — le vrai truc. Le mec serait sur elle et je cadrerais uniquement son visage en gros plan. Un peu Lary Clark pété, entre le côté Lady Oscar — fleur bleue puis paf ! perçage d’hymen donc “douleur” mais “je l’aime quand même” donc je vais continuer. Juste comme ça, pas besoin de voir de va-et-vient.
T’es pas chaud pour monter un club de strip à Paris avec de la bonne musique ?
Brodinski serait hyper chaud, il kiffe ça. Ce que je n’aime pas dans les strip-club c’est que tu peux pas toucher et j’aime pas leur physique en général. Le côté Las-Vegas, seins refaits, string, non ! Ça serait plus excitant avec des culottes Petit Bateau, ce côté neighbourg, mais avec la barre. Ça n’existe pas, wtf ? Ça marcherait de ouf, les mecs seraient à donf.
Et un club à mi-chemin entre la boite à partouze et un club cool, où tu pourrais danser et aller niquer un peu plus loin, avec de la bonne musique…
Imagine le Social Club avec des kids et qui peuvent fourrer à côté, genre Larry Clark glauque ? Pas génial. Mais un truc plus vieux, je sais pas… Est-ce que les Français pourraient passer outre et avoir ce côté Suédois-pierres chaudes ?
Comment tu définirais une musique de sexuelle ?
Je suis contre baiser avec de la musique en fond ; c’est comme manger et baiser en même temps. La musique quand tu fourres, c’est tellement au-delà du cliché que j’ai l’impression d’être dans une scène où je me regarde, genre Top Gun. Musique sexuelle, c’est forcement un truc vocaliste, noir, une voix avec une tessiture assez basse, comme Nina Simone, même si c’est pas non plus sexuel… c’est cérébral. Y’a un truc dans sa voix, je suis à fond sur elle en ce moment, je lis sa vie, cette meuf c’est l’artiste ultime. On dirait un mec, une lesbienne, une petite fille, une croyante… C’est un côté animal de ouf, cette meuf est tout, c’est féminin-masculin, c’est l’Afrique, le classique, un truc tellement global que waouh… mais on s’écarte… En fait le côté cul, genre R’nB, Rap c’est trop cliché pour moi.
Pourtant quand tu mixes, ça doit t’intéresser quand les filles dansent ?
Quand je mixe, c’est basse / percussions. Limite t’enlèves tout, pas de gimmicks synthé, pas de chorus. Des percussions partout et des basses qui font vrrrooouummmm et toc, tu vois les meufs qui sont là [il imite une fille en train de kiffer]. Comme un vibro, en fait, basse-vibro : bruuuubrruuuu. Je pense que les meufs en club répondent plus à ça qu’aux mélodies… Les basses, les BASSES, LES BASSES !
Comme tu sors un EP chez ClekClek, tu dois avoir aussi la passion du poulet, c’est quoi ta recette préférée ?
Je vais être très “partie de chasse en Sologne”, moi c’est le bon poulet fermier avec la peau croquante, bien roussie, tu prends le blanc sec avec des bonnes pommes allumettes — basique. J’aime aussi le poulet jamaïcain, mais le bon poulet fermier, élevé au grain, bien juteux, oula…
[Comme c’était pendant la période de Noël, je lui ramène un petit cadeau]. Qu’est-ce que t’inspire cette boite de pâté de chez Pallu, légende percheronne, multimédaillé dans sa catégorie traiteur-charcutier ?
Oh mon Dieu… Grand prix national ? Putain… “Créateur d’idée repas”, bah le mec je dis bravo, merci Pallu, merci le Tag Parfait. Je vais manger ça comme un porc, avec du bon pain bien croustillant, un peu de cornichon, hop et là t’es bien.
–
Le label ClekClekBoom fait sa soirée d’anniversaire en deux parties vendredi. Ils sont conviés par le label Born Bad pour défendre leurs 9 sorties sur la patinoire Pailleron de 20h30 à 23h30, c’est la ClekClekBoom On Ice. Puis, ça continue au Social Club où ils ont leur résidence depuis deux ans, où tous les membres du label se taperont dessus à coup de sub en back-to-back jusqu’à plus d’heure.
Photo en une par Romain Bourven
En fait je suis plutôt satisfaite de connaître son avis sur les vrais dangers de la sodomie (et sur la bizzarerie du porno terroir dégueulasse à laJjacquie et Michel).