La revanche des femmes géantes
One pill makes you larger and one pill makes you small chantait Grace Slick en février 1967 quand l’acide coulait à flot dans les veines de nos parents qui prenaient leurs jambes pour des gratte-ciel ou devenaient tout petits et se glissaient entre les lattes du parquet. Ils jouaient à être Gulliver ou habitants de l’île de Lilliput, et nous, en 2013, dans la grisaille d’une Europe au ciel si bas qu’un technocrate s’est pendu, que nous reste-t-il ? Des cauchemars d’enfants fiévreux où l’on reste coincé entre deux portées de musique, tout comprimés et gras puis d’un seul coup immenses et filiformes. En dehors des rêves et de la défonce, qui veut vraiment toucher des femmes géantes ? Les macrophiles, objets de l’article qui va suivre, regroupés sous l’étendard Giantess, s’agitant fièrement dans le ciel d’internet.
Arriver sur la planète giantess ne tombe pas sous le sens, j’avouais sans problème mon inculture en la matière jusqu’à cet article sur Clips4Sale qui m’entrouvrit un soir les portes de la perception jusqu’aux larmes et déroula un tapis rouge de tags vers les anneaux de Saturne. De ce nouveau territoire, je vous ramène des cartes postales, je retourne mes chaussures et les grains de sable qui en tombent sont comme autant de souvenirs de ce tag impressionnant, celui des superlatifs où le génie côtoie l’angoisse.Comme dans tout fétichisme, celui du giantess a sa communauté, sa constellation de sites et de micro-studios reliés entre eux par hyperlinks, rangés dans le si mal classé C4S et parfois distillés sur les sites d’hébergement vidéos que consultent toute la famille. Il existe plusieurs grandes tendances et nuances chez les adorateurs des femmes géantes, qui vont de l’ultra pété pour mecs soumis à l’ultra pov pour mecs sous influence. Une sacrée palette de petits délires pris très au sérieux par ces filles qui arrondissent leurs fins de mois en mesurant virtuellement de 10 à 500 mètres de haut. L’attaque de la femme de 50 pieds Notre voyage commence dans l’absurde, chéri j’ai rétréci tes potes ou comment faire croire à l’improbable avec trois bouts de ficelle. Faute de potion magique ou d’effets spéciaux accessibles, les géantes héroïnes des fanatiques du très grand sont souvent obligées d’user d’improbables subterfuges. Petits bonshommes en plastique, maisons de Polly Pocket ou Mighty Max, figurines, personnages, tout est bon pour vous faire croire à votre petitesse.
Il vous faut donc une sacrée dose d’imagination pour vous identifier à cette mini tête en plastoc coincée entre deux gros orteils, écoutant la voix de votre maîtresse. Les femmes géantes ont les glandes, elles soumettent leur victime, au point d’anéantir un petit village avec la force de leurs pets, jusqu’à vous enfoncer dans leur cul pour mieux vous éjecter dans un tonnerre assourdissant à l’odeur détonante.
On retrouve dans ce tag trois autre grandes tendances fétichistes, que les habitués de clips4sale connaissent bien. Tout d’abord les pieds, vaste sujet : vous serez coincé, écrasé, terrorisé sous des talons aiguilles de plusieurs mètres de long ou entre des ongles au nail art douteux. La bouche, puits vertigineux où vous finirez sucé, avalé, recraché, torturé et enfin le cul, où l’on vous coincera la tête pour mieux vous étouffer. Les femmes géantes fascinent le cinéma et la littérature depuis la nuit des temps, leur version porno est plus cheap mais ne manque pas d’imagination. D’humiliation en écrabouillage, la géante domine, réduit les hommes à leur plus petite condition, celle de sous-merde qu’ils méritent, à des petites crottes qui finissent sous la semelle des femmes de 50 pieds.
Difficile pour un non-initié de comprendre quelque chose à cette science-fiction amatrice, si le porno tend au réel, ici il tend au foutage de gueule mais respectons les macrophiles et leurs lubies, il y a tant à dire, tant à faire, le porno n’ayant pas de limites, comment juger ce qui nous dépasse ? Contre-plongée vertigineuse et gaule en conséquence Un des artifices les plus courants du giantess pour faire croire à l’illusion de leur grandeur (l’autre consistant à soudoyer des étudiants en animation 3D, on y reviendra) est d’opter pour l’énorme contre-plongée. Cet ultra-POV consiste donc à filmer avec la caméra au sol pour donner l’impression que vous êtes tout petit et que votre amazone mesure plusieurs dizaines de mètres. Si l’on mélange cette technique avec quelques tags de la sphère femdom (facesitting en particulier), on obtient un porno au très grand angle, impressionnant, avec ces énormes culs qui veulent nous avaler, cloué au sol à attendre notre sentence.
Des boules majestueux, des cuisses longues comme des pétroliers, la torture bien foncedée, voilà un des atouts importants du giantess qu’on retrouve en partie dans les glorieuses heures de John Stagliano et des sites comme Asstraffic qui abusaient du grand angle de leur caméra tri-ccd quand l’ADSL déboulait dans les foyers. Un porn sensationnel qui déborde des frontières du tag, une façon pour les non-initiés de goûter au vice sans forcément se prendre pour un Minipouss. L’infographie, enfant boiteux du porn moderne Un des grands mystères du porn reste encore à ce jour son animation 3D, avec ces gros avatars patauds et faussement lubriques. On peut aisément imaginer l’excitation de créer son propre personnage et de le torturer comme sur Kink 3D, version BDSM de Second Life, mais pour le reste, à part quelques hentai qui fonctionnent les soirs de grande excitation, force est de constater que l’animation 3D reste le domaine de quelques geeks qui se fappaient déjà sur les CD-ROM interactifs de nos darons. Pour contrer les forces de la nature et faire taire Isaac Newton et sa pomme d’api, les femmes géantes font donc appel aux élèves des écoles d’animation pour un résultat qui varie entre l’abject et le ridicule. Héritage des sombres dimanches après-midi du web alternatif, ces pornos 3D se divisent en deux catégories : la 3D telle que nous la connaissons quand on débute sur Blender et l’incruste sur fond vert à faire pâlir PhotoBooth et les débutants sur photoshop.
Des sites pullulent, c’est assez grotesque, même quand Selena Gomez ou Vanessa Hugdens traversent New York du haut de leurs 650 mètres. A ce petit jeu, on se demande si le clip de Your Love Is Strong des Rolling Stones ne serait d’ailleurs pas leur porn le plus abouti. [youtuber youtube=’https://www.youtube.com/watch?v=Te6VBiRjhqA&list=PL11CC59281C5FDFB3′] Passons cet écart pornographique pour revenir au mélange des genres, l’incruste 3D sur fond vert et contre-plongée fantastique. Vous voilà enfin lilliputien face à votre maîtresse, petit bonhomme soumis qui finira invariablement torturé, écrasé, étouffé, emprisonné ou victime d’un monstrueux pet dévastateur. Toujours aussi compliqué de pouvoir se fapper là-dessus sans être macrophile, mais tant d’efforts pour faire croire à l’impossible forcent le respect. Rapetisser ou faire face à des femmes géantes semble être un fantasme bien plus courant qu’on le pense et la découverte tardive de cette coquetterie pornographique amène bien des réflexions quant à son utilisation dans la littérature ou la culture pop. A quoi pensait vraiment Jonathan Swift dans ses Voyages de Gulliver ? le scénariste de Malcom dans cet épisode, celui de la suite foireuse de Chéri j’ai agrandi le bébé ou Dude where’s my car? [youtuber youtube=’https://www.youtube.com/watch?v=Ksy150h9nVQ’] Notre culture commune influence-t-elle les fétichismes ou les fétichistes influencent-ils la culture ? En attendant de répondre à cette question existentielle : qui est arrivé en premier ? – l’oeuf ou la poule –, je m’en vais voyager entre ces jambes et ces culs immenses, courir et me faufiler pour ne pas me faire dévorer, esquiver ces talons aiguilles gigantesques et ces culs aspirateurs. Galoper entre des cuisses grandes comme des terrains de foot et finir comme le valeureux homme-gode d’une nouvelle de Bukowski.
et en version BD : Gulliveriana de Manara
Enfin un article sur le giantess 🙂 J’en suis fan (mais je laisse à d’autres le soin d’apprécier les pets démolisseurs et autres aspects à tendance scato de la chose 😉 ).
Trois choses :
Le dessinateur Robert Crumb adorait les giantess de tailles diverses, et vu les hautes bottes de cuir que ses grands personnages féminins portaient, ça n’était pas innocent…
Le tag giantess est parfois lié à un autre tag : le vore, voire le unbirth. La géante allant souvent avaler ou introduire les gens dans les parties sexuelles (pas seulement la bouche et le cul, mais toutes les régions qui peuvent donner du plaisir au toucher, nombrils et intérieurs de tétons compris !), et le vore consistant à l’absorption d’une personne par une autre (et encore une fois, toutes les entrées érotiques sont bonnes à prendre), les deux se croisent régulièrement.
Les vidéos sont effectivement bien pauvres. Par contre plusieurs dessinateurs s’occupent du giantess, et en cherchant bien il arrive que ça soit pas trop mal, selon les goûts (cf Karbo ou un peu KamiNitro sur DeviantArt et Hentai-Foundry).
Robert Crumb, est toujours de ce monde, il continue de publier. Votre texte semble l’enterrer prématurément, en tout cas à la lecture on dirait bien qu’il est mort.
Ah oui pardon je viens de me relire, tu as raison. En fait en disant ça je pensais plus à ses BD des décennies précédentes qu’à maintenant, vu qu’il s’est assagi du côté des géantes (enfin je crois).