Roald Dahl le pornographe
« Un pervers est auréolé d’un éclat qui n’appartient qu’à lui. »
Les friandises de l’oncle Roald Dahl
Tout le monde connaît l’univers de Roald Dahl. Le fantaisiste Willy Wonka, ses délices chocolatés et autres succulentes sucettes, son sadisme revendiqué et ses airs de grand enfant bipolaire. Les vicelardes exterminatrices de Sacrées Sorcières, perverses hystériques qui jubilent de la souffrance d’autrui, veulent buter du gosse et dominer l’Angleterre. Le petit James qui, en route vers l’inconnu, va goûter à la Pêche défendue et réaliser ses rêves les plus fous. Ou encore Le Bon Gros Géant et son énorme schnockombre rebondi au goût amer… Les gosses raffolent de ces contes modernes truculents gavés ras-la-gueule de cruauté gratuite, de corps grotesques, d’excitation pure et de subversion potache. Soit. Mais qui connait l’Oncle Oswald ? Qui ? L’oncle Oswald, bon dieu de bordel de merde.
Oswald Begins : MILF et Don Giovanni
« Tu me fais une belle hypocrite, ma salope » pensai-je.
Oswald Hendryks Cornelius est un fornicateur pour qui l’acte de chair est une religion. Il aime le bon vin, les grands Opéras italiens et les superbes bagnoles. Et les culs. Oswald est une sorte de Wonka qui aurait délaissé la quête de perfection pâtissière pour celle du coït ultime. Un théoricien de l’art de vivre. Il nait en 1965, dans l’esprit d’un pervers pépère. Roald Dahl, reclus dans sa cabane au fond du jardin, maisonnette en bois où il créera ses plus grandes œuvres, éjacule une nouvelle qu’il finira, après plusieurs refus dus au potentiel sulfureux du récit, par refourguer à Playboy : L’invité.
On y découvre les premières mésaventures charnelles de ce « personnage de légende », à « l’existence fascinante mais scandaleuse de riche célibataire », dont le journal intime ferait passer les Mémoires de Casanova pour un bulletin paroissial. On imagine Dahl, loin des conventions familiales, cacher à ses marmots les quelques feuillets d’insanités dégradantes et autres gauloiseries joyeuses qui suivent.
Est relaté l’épisode du Désert du Sinaï : en escale vers les terres du plaisir, Oswald le quadra y rencontre le propriétaire d’un palace l’invitant (d’où le titre) à séjourner dans ce lieu de la tentation. Là-bas le bougre est le sujet d’un choix cornélien: avec qui s’envoyer en l’air ? la mère ou la fille ? Tant pis, ce sera les deux : « la Princesse en guise de hors-d’œuvre, et la Reine comme plat de résistance ». La nuit qui suit est torride. Chevauché dans l’obscurité, Oswald se demande bien quelle partie de la famille l’a promené activement vers ces « transports d’extase aussi intenses ». Le professionnalisme est celui d’une MILF souveraine, l’énergie est celle d’une jeune expérimentatrice. Le doute perdure.
« Mes lèvres avaient mieux à faire, ô combien. Les siennes aussi. »
Remis de son appétit de stupre, le coquin découvrira, par le biais d’une chute finale dont Dahl a le secret…qu’il a mélangé ses fluides avec une lépreuse. Calamitas ! Moraliste, le père de Charlie ? Pas vraiment… Ici, tout le monde en prend pour son grade, du stupide grand loup à la langue pendante aux salopes offertes. L’invité n’a rien pour calmer les détracteurs du Maître : incisif, le style pointe autant vers le sexisme que vers le racisme. La femme y est un grand cru qu’on s’enfile dans le gosier, une femelle scorpion s’apprêtant à attaquer, un cliché orientaliste pour touristes libidineux, et la population locale est personnalisée par « l’Arabe », quidam à l' »affreuse bouche mutilée » et aux « gencives rongées d’ulcères ». L’érotisme est partout chez Dahl. C’est l’abondance pantagruélique, les parties de jambes en l’air athlétiques, la monstruosité infecte qui dégouline, l’extase et la joie sadomasochiste, celle de l’artiste qui sacrifie son temps à juter ces saloperies.
« J’avais eu la bêtise de ne pas la plaquer (…). Résultat, la charmante dame s’était muée en harpie, en une vulgaire putain immonde à contempler »
Durant les années soixante, Playboy est une institution, une aire de liberté intellectuelle et sensuelle. On retrouve entre les lignes de l’auteur ce mélange entre snobisme chic du bourgeois et rêves humides étalés sur papier glacé. Avec, petit bonus, l’inimitable mauvais goût du paternel, consacrant autant de place aux ébats fougueux qu’aux descriptions physiques peu ragoûtantes des pestiférés.
La vraie noblesse dans ce foutoir sans nom, c’est la voix du ténor, aussi puissante qu’une queue : « Les habitants de B’ir Rawd Salim se foutaient éperdument, semblait-il, de mon ami Don Giovanni et des 1003 pucelles qu’il avait déflorées en Espagne. »
En 1965, Roald Dahl use de sa prodigieuse plume depuis une bonne dizaine d’années déjà. Dès la fin des années quarante, l’écrivain, qui n’est encore qu’aviateur pour Shell, voit les plus prodigieux journaux (The New Yorker, The Saturday Evening Post) publier ses récits romanesques de guerre, et les années qui suivent seront son apogée créative. Démontrant son amour du macabre et de l’humour noir, Dahl accumule les histoires lugubres voire dégueulasses, de meurtres, de frissons de l’angoisse, d’inquiétante étrangeté et de vengeances sadiques, dignes du Marquis. Les femmes y sont des garces. Les maris des cocus. L’humain y est un vulgaire bout de barbaque, molesté, mis à nu, défiguré, réduit à néant. Les impitoyables dénouements y font figure de faciales.
Une jouissance garantie à cent pour cent morbide. Hitchcock, qui n’était pas le dernier niveau perversion, l’applaudit des deux mains : Dahl adaptera ses récits pour la série Alfred Hitchcock Présente. Bref, quand il invente Oswald, le Gallois a déjà dévoilé l’étendue de ses fantasmes à un public captivé. Et la Mort n’a plus qu’à laisser la place à la petite mort.
« De même qu’une cavalière finit par avoir les jambes arquées à force d’enfourcher ses montures, de même une grande amoureuse se retrouvera avec les épaules arrondies à force d’étreindre les hommes. C’est une déformation professionnelle, la plus noble qui soit. »
Pas de grands méchants ou de gentils qui l’emporteront au Paradis. Dans le royaume du foutre, le pervers est roi. Et le roi est fidèle à sa Quête. L’immoral Oswald a un destin : « ramener les mœurs sexuels de l’homme civilisé un demi-million d’années en arrière ».
Oswald Returns : Chiennes et merde
« La matinée suivante m’apporta de sinistres nouvelles. Simone, cette petite pute en chaleur, s’était, semble-t-il, aspergée de Chienne, et le stock entier de parfum, plus de neuf centimètres cubes, y était passé ! »
Mais le jeu ne s’arrête pas là. Oswald revient en 1974. L’histoire, de nouveau publiée dans l’antre d’Hugh Hefner, se nomme BITCH. Chienne, en français. Tout un poème : l’homme y est l’explorateur des vices enfouis dans notre carcasse et la femme une nympho frénétique, comparée à un rat-femelle. Oswald, le bougre, aime toujours le miel, l’odeur des dames et le Château-Lafitte. Il rencontre un savant un brin cintré, qui vient de faire la plus grande découverte de tous les temps: un parfum qui renvoie chaque individu doté d’un chibre à un état primaire de canin baveur. Un simple pschit et l’homme redevient un clebs s’en prenant généreusement aux fesses alentours, pour la plus grande joie du voyeur, du fornicateur…et de la femme, qui, chez Dahl, raffole toujours, toujours, du gland. Se délectant de l’improbabilité de ses idées comme de la gratuité de ses grivoiseries, Dahl dépasse le stade du libertinage pour résumer la vie à une intense nique dépourvue de repères moraux. On abuse des donzelles et elles adorent ça. Mieux: elles en redemandent. Et rien n’a plus de valeur dans ce foutu monde. Seul compte l’entertainment.
– L’homme perdra tout contrôle. Il arrachera son pantalon et violera la dame sur le champ !
– Nous pourrions nous en payer une bonne tranche, dis-je.
– Nous pourrions gouverner le monde ! s’écria-t-il.
Dahl à travers L’invité insistait sur la contraction du muscle au coin de l’œil, micro-phénomène du à l’excitation, subtil mouvement qui a trait au langage du sexe. Dans une même perspective maniaque, Chienne s’appuie sur les tenants olfactifs de la dépravation, le fonctionnement du système nasal et son rapport à l’attirance sexuelle. Ces pages de digressions scientifiques renvoient le porno non à son stade d’œuvre d’art mais de méticuleuse étude organique. Pour Dahl, la baise est une précise combinaison de mécanismes établis, de signes physiques apparents, une leçon d’anatomie. L’homme est un primate, un chien, un chaud lapin. On l’étudie au scalpel, un verre de Chianti à la main, quand elle n’est pas occupée à faire autre chose. L’orgie grotesque est l’Absolu à atteindre. Un « rêve glorieux, extraordinaire, passionnant ! ».
Mais ce rêve c’est aussi l’expression la plus subversive de la pornographie, un renversement des valeurs, une anarchie salvatrice, un littéral « FUCK OFF ». Pour Oswald, y’a pas à tortiller: ce parfum est une bombe, autant en faire profiter le plus gros enculé du monde : le Président des Etats-Unis. Si on se rappelle bien, le Big Boss était déjà ridiculisé dans Charlie et le grand ascenseur de verre. Sauf qu’ici, il n’est pas question de le faire passer pour un gamin, mais pour une machine à sexe manipulée par une force supérieure, trouvaille qu’on penserait sortie de la parodie porn d’un thriller politique des seventies.
« Il est rare que le président des Etats-Unis passe à la télévision en compagnie d’une flopée de femmes. Et c’était exactement ainsi qu’il me le fallait. C’était une vraie anguille, le client. Il était déjà tombé dans bien des égouts et en était ressorti puant la merde. Et pourtant il s’arrangeait à chaque fois pour convaincre le pays que la puanteur venait de quelqu’un d’autre, pas de lui. D’où mon idée: Un homme qui viole une femme sous les yeux de vingt millions de téléspectateurs aux quatre coins du pays aurait du mal à nier être l’auteur du forfait ».
La mission terroriste sera un échec. Mais Oswald pulvérisera l’univers en s’en prenant malgré lui, sous l’effet du parfum magique, à une pucelle. Une énorme vache tout à fait répugnante, noyée sous les bourrelets, une Godzilla à déflorer. « Pour une pucelle, elle était très grosse » admet Oswald. De cet érotisme un brin nasty en compagnie d’une « géante en caoutchouc », Dahl en tire une formidable bataille épique où l’on dézingue le septième ciel pour s’élever jusque dans l’espace. Le plus bel orgasme jamais mis en mots. Voyez plutôt :
« Un instant plus tard nous étions tous deux catapultés à des millions de miles dans l’espace intersidéral et volions à travers l’univers au milieu d’une avalanche de météorites rouges et jaunes…je la montais à cru, courbé en avant, la coinçant fermement entre mes cuisses. « Plus vite, hurlais-je, lui taraudant les flancs de longs coups d’éperon. Plus vite ! ». Plus vite, toujours plus vite elle volait, tournoyant et ricochant contre la couronne du ciel, tandis que sa crinière ruisselait de soleil et que des ondes de neige jaillissent de sa queue. Le sentiment de puissance m’accablait. J’étais invincible, suprême. J’étais le Seigneur de l’Univers, j’éparpillais les planètes, j’attrapais les étoiles dans la paume de main. »
En une seule nouvelle, Dahl s’est tapé tout le monde: le milieu scientifique, les gros (comme souvent dans sa littérature), le système politique… plus de rangs sociaux, plus de hiérarchie. En cela, le porno est une forme de démocratie par l’anéantissement.
Pourtant, malgré ce râle terminal, la guerre des étoiles n’est pas terminée.
Oswald Rises : Dumas et Viagra
« La rigor mortis. La paralysie absolue. Tout mon corps était devenu une statue de marbre. »
La dernière branlette avant la fin du monde. 1979 : Roald Dahl est depuis plus de dix ans devenu le démiurge de la littérature jeunesse. Pas moins de huit gros succès pour les mômes sont venus bouleverser l’art de l’enfance, l’enfance de l’art. A base d’affreux bouffeurs d’oiseaux, de gosses impolis, d’animaux qui parlent ou de souris intrépides. Pour conclure la décennie, Dahl élargit les délires de l’Oncle facétieux et nous raconte sa jeunesse, encore plus délurée que le reste, avec Mon oncle Oswald, roman satirique écrit par un satyre. De quoi faire passer la jeunesse de Picsou pour un reportage de la Cinq.
« Dans les courses de lévriers il arrive fréquemment que, pour faire courir un chien plus vite, on lui enfonce dans le rectum un morceau de gingembre: la bête file alors ventre a terre, espérant échapper ainsi à la cuisante douleur qui lui envahit l’arrière-train. Dans le cas d’A.R Woresley, la brûlure se situait dans une partie du corps assez différente. »
Que l’on se réjouisse ! Oswald n’a jamais été autant dépourvu de scrupules. Ses dents sont aussi longues que son chibre, qu’il a pourtant fort gros: il veut collectionner les jouvencelles comme les billets verts. C’est l’exploitation commerciale d’un incroyable excitant sexuel découvert au bout du monde qui fera sa fortune. Ses premières richesses, Oswald les accumule en offrant aux figures majeures de la haute société et autres croulants de la géopolitique internationale la fulgurance de l’érection, via ce Viagra d’outre-mer.
Mais l’étudiant en médecine ira plus loin, bien plus loin… En élaborant ingénieusement ,avec force complices et opportunisme, la première banque de sperme de l’Histoire. La Chocolaterie de votre enfance est devenue une forteresse à spermatozoïdes.
Mais pas n’importe quelle semence : celle des rois, écrivains et autres artistes majeurs, à l’aune de ce vingtième siècle foisonnant en personnalités créatrices, bientôt ensorcelées par les produits de l’oncle Oswald. Une sorte de starification mercantile de la sauce blanche, à l’attention d’un public fanatique prêt à abouler l’argent pour accoler son code génétique à celui d’une légende contemporaine. De la psychanalyse ; un truculent portrait de l’illustre Freud, à la peinture (Picasso, Monet) en passant par le prestige de la royauté, c’est toute une galerie de figures évocatrices qui se retrouve reliée à un seul axe fondateur: la fornication. On est bien loin de l’allégorie poétique de la madeleine quand le gros Marcel baisse son pantalon…
« Mon garçon, je crois que j’ai découvert le stimulant sexuel le plus puissant de toute l’histoire de l’humanité ! »
La complice d’Oswald, svelte coquine aux beaux seins, va donc se taper à la queue-leu-leu tout le gratin du siècle présent, de ces artistes qui font bander les universitaires : Mark Twain, Joseph Conrad, Rudyard Kipling, Einstein… Ironie fracassante, même ce saligaud de D.H Lawrence passe à la moulinette.
« Les bras tendus, elle se jeta sur la verge en érection et frémissante qui sortait de la fente du slip. Elle l’empoigna de la main droite et la serra fermement, comme s’il s’agissait du manche d’une raquette de tennis. Elle le tenait désormais. Il se mit à brailler encore plus fort. »
Régression de l’individu de la Haute en bête sexuelle assoiffée de chair, cynisme revendiqué du protagoniste qui n’a pas son pareil en terme de manipulation politique, quête de politiquement incorrect, réécriture historique se plaisant à démanteler nos croyances, images préconçues et vignettes iconiques relatives à notre imaginaire culturel… Le spectacle qui se poursuit alors au fil des pages sera à la fois social (chaque individu réduit à l’état de cochon) burlesque et sensuel. Le pénis devient l’instrument d’un rire généreux et décomplexé. Dahl, en bon chirurgien physionomiste, transfigure notre face en énorme grimace. Cette grimace, c’est à la fois celle causée par un esclaffement et par l’orgasme.
« L’indigestion de cette poudre allume un terrible incendie sous votre organe sexuel. C’est à la fois un aphrodisiaque d’une violence inouï et un agent irritant très puissant. Non seulement cela vous met dans un état de désir incontrôlable mais cela vous garantit aussi une érection monumentale et de longue durée. Auriez-vous l’obligeance de me servir encore un peu de vin, mon cher garçon ? »
Mais plus qu’une mise en scène sous la ceinture, le récit de l’oncle Oswald est une histoire de ventres. Ici, le sexe, loin des jeux de théâtre à la Valmont, est renvoyé à sa dimension primaire de festin, à l’animalité, à la Goinfrerie. Féru de grands crus soigneusement conservés et de boustifaille fortifiante, Roald Dahl n’a cessé, à travers ses récits les plus célèbres, de célébrer ce qui est, bien plus qu’un besoin vital, un mode d’expression artistique: la gourmandise. Les victuailles préparées à la maison par une mère aimante, les fruits exquis cueillis à même l’arbre, les délices chocolatés plus grands que la vie, le pâté en croûte et autres sucreries renvoient non seulement au plaisir instinctif de l’instant mais aussi à une philosophie proche de l’hédonisme.
On mange pour exister, on existe pour manger. Oswald, pourtant, ne se gave pas, mais se délecte: comme l’écriture de Dahl, il s’agit de déguster. Les mets onctueux doivent être autant de caresses sur le palais. La dégustation est une fellation.
Rien d’étonnant à ce que ces légers intermèdes culinaires soient croisés avec la baise tout aussi gargantuesque : la caresse est partout et ce roman se conçoit comme une fine tranche de saumon fumé parfumé d’aphrodisiaques. La passion de Dahl pour la mère-France est ainsi revendiquée, d’une part vis-à-vis de sa noblesse gustative, d’autre part via sa réputation de nid à libertins et libertines.
« Aucun pédé ne pourrait résister à l’envie de te peloter, dis-je »
Face à ce rire pantagruélique, on se souvient des farces médiévales, où le gag était gros, les organes mis en avant, où le corps en son entier ne semblait être que l’excroissance d’une terre fertile. Voyez par exemple ce gag burlesque ô combien douloureux, où le pénis d’Oswald se retrouve coincé dans le trou de la baignoire !
« Regardez-moi ça ! criai-je, sortant la chose et l’agitant devant lui. »
Si Dahl semble partager avec Diderot son goût pour les jeux de narration, et avec Flaubert (plus précisément l’œuvre épistolaire de l’artiste) la joie de la grivoiserie, c’est principalement à Alexandre Dumas que l’on pense quand il s’agit de flatter nos papilles. Car il y a là finalement une sorte de subtilité de fin gourmet par cette façon de transfigurer le cartoon porno… en illustration romanesque d’un idéal relatif à la condition humaine.
« Quelque part que l’homme soit né, il faut qu’il mange; c’est à la fois la plus grande préoccupation de l’homme sauvage et de l’homme civilisé. Seulement, sauvage, il mange par besoin. Civilisé, il mange par gourmandise. » (Mon dictionnaire de cuisine – Alexandre DUMAS -)
En l’état, il y a un terme pour désigner Mon oncle Oswald : la Paillardise. La plus fière dimension de notre culture gauloise. Le licencieux, le fantaisiste, le burlesque coquin. Débauche, luxure, cocasserie, une douce branlouze et un bien bel hommage à l’expression artistique nationale. On en revient ainsi à ce « bon dieu de bordel de merde » introductif.
Et à l’Humanisme rabelaisien qui n’a jamais fait qu’un avec la merde, les testicules et le foutre. Car au centre du sexe, au centre de l’éjac’ et du récit, il n’y a que cela : l’humain. Capté avec la plus grande justesse. Comme un animal en rut.
« J’aime vraiment la bagatelle » (Journal d’Oswald, vol. XIV)
Avec ces bons gros faps, Roald Dahl renvoie l’écriture à sa stature originelle et fondamentale. Des mots qui se mêlent, s’entremêlent, s’embrassent et se chevauchent pour ne former qu’un tout. Quelque chose d’organique…et d’orgasmique. Car l’écriture n’est pas alambiquée tout comme elle n’est pas simpliste: le langage de l’écriture, comme celui du sexe, est d’un naturel idéal, comme le serait un idiome originel dénué de fioritures.
La langue est dénudée, langoureuse, toute en formes et en caractère, gironde, entre la finesse d’une playmate et la grosseur réjouissante d’un pachyderme fantasmagorique aux énormes fesses. On s’y plonge avec bonheur.
Et, à peine rassasié, on en redemande.
PS : Deux autres incroyables nouvelles, sarcastiques et audacieuses, donnent une idée du monde décadent de l’artiste : La grande entourloupe et Le dernier acte. On y parle de mort, de bites, d’échangisme, de phobie sexuelle, de plaisir féminin, d’utérus et autres jeux de mains jeux de vilains.
Essentiel pour redécouvrir l’un des plus mésestimés créateurs de littérature porno.
J’avais 12 ans quand j’ai découvert ce cher oncle dans les rayons de la bibliothèque municipale. Je m’attendais à des nouvelles comme Kiss Kiss, je n’ai pas été déçu…Très bonne qualité littéraire cela étant.
J-je n’avais aucune idée du fait que Dahl écrivait des romans… érotiques ? Pornographiques ?
Mais en tout cas, j’ai a-do-ré ma lecture de cet article, vraiment super bien écrit, grand bravo à vous McLovin !