La Fête du Slip 2017 : Lausanne capitale des sexualités
Créée en 2012 par Viviane Morey et son frère Stéphane, la Fête du Slip est un festival autour des genres et sexualités qui présente des créations dans tous les domaines : cinéma, performances vivantes, expositions photo et artistiques, ateliers, débats, scène… tout ce que vous avez toujours voulu voir de chaud regroupé dans une seule ville, que l’on m’a tout de suite décrite comme la plus rebelle des helvètes.
Des sommets enneigés encadrent le lac sur lequel se reflète le timide soleil d’hiver. Changement de décor drastique pour ce premier festival 2017 : me voici à Lausanne en direction de la cinquième Fête du Slip. Pour des questions de logistique, je ne pouvais hélas pas assister aux Préliminaires, la soirée d’ouverture (bien nommée) lors de laquelle l’artiste Claude Violante a chauffé le public. Du coup, je suis la première arrivée en ce vendredi 3 mars et je compte bien ne plus rien louper. L’équipe est sur le pied de guerre, en train de fignoler les détails de leur plan de communication très graphique et abouti qui sera déployé en live sur les réseaux sociaux. Je récupère mon accréditation presse et me mets à l’étude très sérieuse du programme du week-end.
Je commence par l’ouverture des deux expositions. La première, Head Over Heels, une installation autour de l’horizontalité nous invite à nous retrouver dans ce qui ressemble à première vue à des petits cocons cosy avec lumières tamisées et sons apaisants, mais qui sont en réalité des espaces de réflexion sur notre rapport aux corps et aux autres. La deuxième, l’Aquarium, est une série de photos de bondage, fruit du travail de deux français Frankie Vega et Amaury Grisel. Sur l’une des images je reconnais Guillaume qui m’avait initiée au Shibari l’année dernière.
De retour à l’Arsenic, l’espace où ont lieu entre autres les projections porn, je décide d’attaquer dans le dur et de commencer directement par une des trois séances de courts métrages explicites. Mais soudain, je repère une chevelure grise qu’on reconnaîtrait n’importe où : Vex Ashley de Four Chambers est sur place pour présenter 3 scènes, dont une nommée pour le Slip d’Or 2017 et pour répondre à d’éventuelles questions sur son travail. J’aurai la chance d’être à ses côtés tout le week-end, ainsi que de Pandora Blake et Parker Marx, ce qui non seulement représentera une très charmante compagnie, mais aussi une source d’informations et de conseils précieux venus de l’intérieur du business.
La Fête du Slip a programmé la projection de scènes explicites divisées en 3 groupes : Porn 1, Porn 2 et les six nommés pour le Slip d’Or. La sélection est d’une qualité incroyable, en plus d’être variée et inclusive. De l’animation, du stop-motion et bien sûr des vidéos toutes plus hot les unes que les autres. À chaque séance les spectateurs sont mis à contribution et doivent voter pour leur scène préférée afin de pouvoir attribuer le prix de l’audience dimanche.
Mon coup de cœur du premier jour : Be sexual de Antonio Da Silva un court qui met en avant des hommes en costume, bien sous tout rapports, heureux dans leur vie de banquier et de père de famille, qui s’adonnent à des pratiques homosexuelles entre collègues à l’abri des regards dans les toilettes. L’ensemble avait un côté très réél, et les corps filmés sans que l’on puisse voir aucun visage mettaient en exergue les nombreux pénis en érection dépassant d’un costume élégant mais si anonyme,ce qui rendait le tout incroyablement excitant. Je me vois également très intriguée par Bald, Love and Blood du susnommé Amaury Grisel.
Les tickets pour les séances se vendent comme des petits pains et même avec mon accréditation on me refuse l’entrée de la séance suivante. Qu’à cela ne tienne, le programme vivant mérite aussi le détour. J’emmène Vex voir le sublime Golden Flux de Marianne Chargois, cette fois avec plaisir et sans crainte par rapport au pipi (qui n’est pas ma tasse de thé rappelons-le). Nous filons ensuite sur un des autres lieux où se déroulent les activités de la Fête du Slip, Le Bourg, un ancien cinéma du début du siècle dernier resté dans son jus, où ont lieu les DJ sets.
Le lendemain, tout le monde se retrouve dans une ambiance très studieuse pour le meeting entre professionnels. En effet, les festivals sont un lieu de rassemblement pour le public certes, mais aussi des moments où il est aisé d’entrer en contact avec ses pairs pour les gens qui font le porn. Réalisateurs(trices), performer(ses) et autres organisateurs d’événements et chercheur(ses) en porn studies prennent un moment pour discuter tous ensemble et s’échanger leurs adresses mail.
Vex m’embarque ensuite pour quatre heures de projection de porno sans interruption. Je me retrouve à regarder ma vidéo préférée de Four Chambers Red Light, ce qui occasionne un petit moment drôle où je me rends compte que j’ai à la fois Vex habillée à ma gauche et nue à l’écran devant moi. Je lui demande naïvement si cela ne l’excite pas de se voir sur grand écran : « Non la seule chose que je vois ce sont les défauts du montage, le moment ou la vidéo glitche, celui où j’ai filmé avec la mauvaise focale… ». Malgré ce qu’elle en dit, j’ai le pressentiment que c’est ce court qui aura les faveurs du public grâce à son esthétique et à la chaleur torride qui se dégage de la performance de Vex et Mickey Mod.
Je peux enfin voir les nommés pour le Slip d’Or et nous sommes tous d’accord : la compétition semble déjà gagnée par le court de Lilith Luxe et Jesse James : Birth, un plan fixe de domination et de fisting assez violent, par dessus lequel elle a enregistré sa voix qui raconte comment elle a découvert qu’elle était stérile et les sentiments difficiles que cela lui avait procuré. La vidéo est époustouflante, on en sort complètement estomaqué et en se posant mille questions sur sa vie et son corps, mais aussi étonné, dégoûté, excité… Une belle mention également pour Thank You de Noel Alejandro, ancien collaborateur d’Erika Lust, qui nous propose une scène gay très chaude et très naturelle, où les dialogues ont apparemment été entièrement improvisés.
En ressortant (un peu secouée je dois le dire) de la salle de projection, je croise Lucie Blush et la félicite pour sa scène Heat avec Owen Gray et Lina Bembe, qui est pour l’instant la scène qui m’a donné le plus envie de m’isoler de tout le festival. Le public étant de plus en plus nombreux sur les prémices du festival, je manque la performance de danse de Gerard Reyes que l’on m’a tant vantée. Je vous laisse avec le trailer qui ne fait qu’ajouter à ma déception, mais quand un jour je vous raconterai ce que j’ai fait à la place, vous verrez que je n’y ai pas perdu au change.
La deuxième soirée d’affilée est un peu plus dure à encaisser que la précédente et cela se voit sur le visage des gens (ou derrière leurs lunettes de soleil) en ce dimanche matin. Après le café-croissants, je profite du calme pour m’entretenir avec Stéphane et Viviane, les créateurs de l’événement ainsi que Gérald, responsable de la communication, qui me confient leur bonheur de voir que l’édition soit une telle réussite. La Fête du Slip est une association où tous les travailleurs sont bénévoles, ce qui leur permet d’investir toutes les subventions pour améliorer l’édition suivante. Ils m’ont dit également aimer le fait que les performers et réalisateurs se mêlent à la foule et soient si accessibles. En effet, on les a vu tous les week-end répondre aux questions de journalistes, étudiants, fans…
Je décide d’abandonner Vex quelques heures pour me rendre à la projection qui me tient à cœur : How to survive a plague un documentaire nommé aux Oscars qui retrace la création et l’action d’Act Up à la toute fin des années 1990, et la façon dont ils ont réussi à faire plier la FDA et à apporter la trithérapie aux malades du SIDA. Sans surprise, c’est très réussi : les images d’archives d’une époque pas si lointaine mêlées aux interviews des survivants de l’épidémie en font un film poignant. Viviane Morey nous explique qu’il était important pour la Fête du Slip de parler aussi de ce thème et que la programmation de ce long-métrage semblait évidente.
Toutes les bonnes choses ayant une fin, il est désormais temps de se rendre à la cérémonie de clôture et de remise des prix. Mes pronostics étaient justes : le Slip d’Or revient bien évidemment à Lilith Luxe et Birth, le prix de l’audience à Red Shift de Four Chambers et les deux réalisatrices repartent avec une sculpture de Raquel Dias. Les mentions spéciales sont pour Blue Room, une scène queer avec Jiz Lee qui met en avant la compatibilité entre un sexe intense et en toute sécurité, et enfin Sauce Andalouse de Mathias Antonietti, un film en stop motion drôle et gore qui revisite le mythe d’Eros et Thanatos.
La soirée se termine en douceur, au Bourg. Je ne pourrai pas non plus assister à la leçon de pole dance prévue la semaine prochaine. Je dois rentrer, loin de l’autre côté du lac. J’emporte avec moi une émotion vive ainsi qu’une envie folle de se revoir pour regarder encore des heures de porno excitant, émouvant, beau et engagé, tous ensemble, comme une famille.
Photos prises par mes soins.
Aucun commentaire. Laisser un commentaire