Entretien avec l’abcdrduson : sexe, pouvoir et biftons
L’abcdrduson fait partie du paysage web français depuis plus de 13 ans. Eclectique, sérieux et ouvert, le magazine trace au quotidien les contours d’un rap en constante mutation. On est donc allé à la rencontre de Nico et Mehdi, les tauliers, pour leur parler des liens forts et puissants qui unissent rap et porno, les deux mamelles de l’entertainement américain. Pour faire honneur à leurs interviews fleuves, on a laissé le dictaphone tourner sans s’arrêter pour un entretien croisé qui déroule sur cinq bonnes pages. Du fapper’s delight, version longue.
Gonzo – Vous pouvez commencer par présenter l’histoire de l’Abcdrduson pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
Nico – C’est un magazine rap fondé en Septembre 2000. Pour résumer, l’étiquette de l’ABCDR c’est de parler largement des différents styles de rap et de tout ce qu’il y a derrière, le côté culturel du rap et les autres musiques qu’on peut mettre en parallèle avec. Aujourd’hui, le coeur de l’ABCDR c’est cinq personnes. On a une équipe globale de douze personnes, des contributeurs réguliers ou occasionnels. On aime les articles détaillés, chiadés. On essaye de parler du rap avec un peu d’intelligence sans se prendre trop au sérieux. Tout en étant conscient des caricatures que génère le rap et la réalité de cette musique.
Gonzo – Et vos nouveaux projets ?
Nico – On a sorti le bilan 2013 et on commence une émission filmée avec Dailymotion. C’est un gros défi pour nous, avant on était un peu comme des Fuzati ou des MF Doom avec nos gueules cachées derrière nos écrans. Des émissions thématiques d’une demi-heure, diffusées deux fois par mois.
Mehdi – A côté de ça, il y a un projet de podcast avec Purebakingsoda et 187prod, Deeper Than Rap, depuis septembre qui parle de rap américain. Il y a plein de projets également dans l’événementiel pour 2014, mais c’est encore embryonnaire. J’ai pas trop envie d’en parler pour ne pas avoir l’air con dans six mois.
Gonzo – Votre lectorat est fidèle depuis le début ?
Nico – Vu qu’il y a treize ans d’historique, je pense que le lectorat a pas mal changé.
Mehdi – A cette époque-là, vu qu’on était très peu nombreux et qu’on avait chacun des préférences, on parlait plutôt des artistes qu’on aimait bien, sur le plaisir de les rencontrer, de faire des interviews, de faire des papiers sur eux. Je pense que le lectorat était assez associé à ces groupes-là. Pour schématiser, le fan de La Rumeur était super content de lire une interview de quarante mille signes sur un site Internet. Pareil pour Chiens de Paille. Je pense que ça évolue au fil des années. La rédaction s’est étoffée…
Nico – La rédaction et les goûts aussi !
Guilhem – Là tu parles de La Rumeur ou de Chiens de Paille, le rap dont vous parlez n’est plus du tout le même.
Mehdi – En fait, les gens nous disent parfois « Je préférais l’ABCDR quand vous parliez pas de Ol’Kainry ou de rappeurs comme Kaaris, mais vous parliez de vrais rappeurs avec de vrais messages type La Rumeur, etc… » En fait, les gens qui disent ça, je pense qu’ils sont un peu aveuglés par le fait qu’on parle encore de La Rumeur – il y en a eu une cette année, par exemple – mais qu’on va aussi parler de Kaaris, de Chief Keef, de Kendrick Lamar… On va essayer de parler de ce qui nous plaît.
Gonzo – Parfois, le lecteur s’approprie peut-être « trop » le site. Si tu fais une blague qui n’est pas comprise, il va te dire « vous nous avez déçus » comme s’il était tout seul à te lire.
Mehdi – Exactement. C’est un peu comme un artiste dont le public va dire qu’il préférait le premier maxi quand il était produit n’importe comment, sans thunes et qu’il ne rappait pas dans les temps, mais qui avait un côté un peu plus sincère, authentique… Alors qu’aujourd’hui, j’ai la conviction que le site est meilleur qu’en 2002, à tout point de vue, la charte graphique est bien plus belle. Mais au final je pense que la nostalgie de la part de certaines personnes est naturelle. Je sais pas si on a toujours le même lectorat, mais on a gagné des gens, c’est sûr. Enfin, ce sont les chiffres.
Nico – En plus c’est très associé à l’image un peu à la con de l’authenticité du rap, genre « Woah les gars ils faisaient ça dans leur coin c’était des vrais et tout… » On a juste pas changé en fait. On peut parler chacun de plein de trucs qui n’ont pas forcément grand chose à voir, nos goûts sont éclectiques. Quand on parle de Kaaris plein de gens vont dire c’est cool, et une autre frange va nous dire « Je me désabonne de votre Twitter ! »
Mehdi – « Vous n’êtes plus les mêmes ! »
Nico – « Vous avez changé ! » (Rires)
Gonzo – Il y a énormément de ponts entre le rap et le porno, que ce soit dans les textes ou dans les clips, mais il y a finalement assez peu de personnes qui y touchent concrètement. Comment vous voyez ça ? Cette espèce d’hypocrisie de toucher sans y mettre le (petit) doigt ?
Mehdi – Je pense qu’il y a, comme toujours, une grosse différence entre le rap américain et le rap français. Cette hypocrisie est très vraie dans le rap français, hormis deux ou trois exceptions. Je pense à un Driver, par exemple, qui a invité Julia Channel sur son premier album solo ou Dolly Golden sur son second. Il est très à l’aise avec le porno, il n’a pas de problème, il adore ça. Ol’Kainry c’est pareil. Sur Twitter il demande la validation de Driver sur une actrice porno parfois… Driver c’est une sorte de figure tutélaire du X dans le rap en France.
Nico – C’est le parrain.
Mehdi – On avait fait une interview de JR. Ewing qui avait dit un truc très vrai : les rappeurs français ont le complexe de ce que va dire leur maman. Alors qu’il fait les plus grosses conneries, il peut être pris en train de sniffer de la coke mais il a peur que sa maman dise qu’il n’est pas un bon garçon. Je pense que c’est très pesant chez beaucoup de rappeurs. Il y a des rappeurs cainris qui ont dépassé ça, même des rappeuses. Quand tu vois Nicki Minaj qui met des fessées à des strip-teaseuses dans ses clips…il y a déjà une différence entre l’éducation que les rappeurs américains ont reçu et celle des rappeurs français.
Guilhem – Aux Etats-Unis il y a ce truc avec Tyler, Chance The Rapper ou Waka où c’est la mère qui les a poussé à rapper, donc qui a accepté tous les codes alors qu’en France le mec fait ça un peu en marge de sa mère.
Nico – Mais aux US il y a une notion de divertissement qui commence à exister en France. Les gens commencent à comprendre que parfois ça peut être du second degré, du troisième degré…alors que c’est une évidence. Ça vient tout doucement ici, après cette image d’authenticité absolue du rap qui faisait que tout ça était un peu cul-serré en permanence.
Gonzo – Pour autant, dans le rap américain, tu as Snoop Dogg qui fait Doggy Style, mais il est juste là à faire ça, il y a Tyga qui fait du porn mais on le voit juste passer… il y en a assez peu qui passent le cap alors qu’ils racontent tous qu’ils ont une bite énorme et que ce sont des pornstars au final. Concrètement on ne va jamais les voir se faire sucer ou ce genre de choses.
Nico – Si on a vu Danny Brown…
Gonzo – Oui, mais Danny Brown est cinglé.
Mehdi – Je pense que c’est pas du tout contradictoire avec ce que vient de dire Nico. C’est du divertissement, c’est assumé à 100% sur disque, c’est assumé à 100% dans l’équipe mais ça veut pas dire que les mecs kiffent ça. Certains l’utilisent même parce que c’est une imagerie, parce qu’il faut le faire, parce que pour avoir une street crédibilité il faut parler de cul, il faut baiser plein de meufs…mais ça veut pas dire que les mecs sont forcément fans de ça. Je pense que dès le début du rap, le porno a été interprété comme une sorte de pur divertissement. Blowfly, qui est un très vieux rappeur, avait un de ses albums qui s’appelait Porno Freak, certains de ses morceaux avaient des titres abominables. Ça fait partie de l’ADN du rap. En France on s’est souvent planté en disant que le rap c’était uniquement un truc à message alors que ce n’est pas vrai.
Nico – Pour prendre un exemple un poil plus récent, début des années 2000, tu prends toute la clique de The High and Mighty et Smut Peddlers, des blancs qui n’en avaient rien à foutre. Ils parlaient soit de baskets, soit de cul, soit de défonce. C’était super binaire, mais ça faisait partie de leur univers, ils revendiquaient ça. Il disaient « On est comme ça, et du coup on imagine que ça risque de plaire à notre public. » C’est un peu comme le tag que tu vas rajouter…c’est rap tag basket, tag porno quoi. C’est un peu ça l’esprit. Necro c’était pareil.
Gonzo – Pour le coup il en a vraiment fait vraiment son business à un moment.
Nico – Mais je pense que depuis le début il s’est dit « C’est quoi mon public, quelle identité je vais choisir ? » Et il s’est dit qu’il avait plein de fans qui sont des petites nanas, mais aussi un public assez masculin, et que le porno est devenu est élément éminent. Quitte à faire de mauvais disques à cause de ça.
Mehdi – Les rappeurs pensent à leur public et globalement, le public n’a pas envie de voir le rappeur se faire sucer ou en train de baiser une meuf. Ça n’excite personne, clairement. Ça pourrait même briser le mythe. Pour moi, c’est une vraie posture. Il y a peut-être des mecs qui kiffent le porno et son esthétique, comme Driver et d’autres qui en parlent parce que c’est normal d’en parler, comme plein d’autres sujet. Mais combien de mecs sont vraiment fans de ça, combien vont aller sur un site comme le Tag Parfait pour vraiment essayer de comprendre les rouages derrière tout ça ?
Nico – Il y a un côté purement business. C’est très bien si tu mets un peu de porno dans tes clips. Mais, tu vas être plus difficilement diffusé et c’est pas ton objectif. Un rappeur américain, t’es dans le divertissement, tu veux qu’il y en ait un maximum de gens qui t’écoutent. C’est un choix.
Guilhem – Les mecs parlent de la rue et du deal, mais ils n’en sont pas pour autant…c’est l’imagerie du rap. Tu parles pendant des heures et des heures alors qu’en fait tu es marié.
Mehdi – Exactement. Pour moi ça va pas plus loin que ça. C’est un des thèmes presque obligés du rap, une fois de plus on peut le regretter ou s’en féliciter, peu importe, ça fait partie de l’image qu’ils doivent avoir.
Nico – Si on rentre quelques secondes dans de la sociologie, je dirais que c’est l’affirmation de la virilité masculine : regardez comment je baise.
Gonzo – Si on avait des billets d’un euro, est-ce qu’on aurait autant de clubs de strip-tease qu’à Miami pour pouvoir y lancer des grosses liasses ?
Nico – La grosse différence, c’est que le rappeur français est fauché. Sinon il ferait ça, mais pas en France. Il irait en Bulgarie.
Gonzo – Au-delà de ça, il n’y a pas vraiment de culture du strip en France, ni dans le rap – c’est assez étonnant.
Mehdi – Non, pas du tout ! Mais ce qui est marrant, c’est qu’aux States il y en a une qui est immense et dans le sud des Etats-Unis, les strip clubs sont des baromètres de la qualité d’un tube. Là-bas, ils ont toujours été assez lents et cette lenteur permet à la meuf de bien danser. Les thèmes ont donc été vachement ralentis pour ça. C’est, entre autres, une influence du strip club, mais ça n’impacte pas pour nous parce que ça n’existe pas ici.
Nico – Ça me fait penser qu’il y a deux ans de ça, j’ai fait une interview de Big K.R.I.T. où le mec expliquait qu’il avait commencé à exposer ses morceaux dans des clubs de strip. Pourquoi ? Parce que c’était une sorte de scène alternative à laquelle il avait accès, dans laquelle il avait un public, et du coup il y testait ses morceaux. Ça fait complètement partie de la culture rap, c’est comme si tu faisais une scène dans une MJC quoi. C’est pas le même public par contre.
Mehdi – Alors qu’en France, les trucs de strip, c’est quand tu vas au Penthouse pour l’anniversaire de ton pote et tu te ruines la gueule.
Guilhem – A Austin ou Los Angeles, les jeunes y vont tous parce que c’est là que tu peux te bourrer le moins cher.
Mehdi – Ouais voilà, y’a pas du tout ce côté un peu malsain. C’est pas la Thaïlande…
Nico – Ça fait deux-trois ans que j’ai l’idée et l’envie de faire une vidéo ou des photos de rappeurs français dans un strip club. J’ai toujours pas trouvé avec qui je pouvais faire ça. Je me dis que ça collera jamais quoi. Il y en a peut-être quelques-uns…
Gonzo – Booba, Kaaris ou des mecs comme ça, non ?
Nico – Ouais, peut-être, à la limite…mais il y en a finalement très peu parce que c’est pas naturel, ils ont pas envie d’être associés à ça. Tu vas pas amener IAM dans un strip club…
Gonzo – J’ai toujours été marqué par le manque de sensualité dans les prods françaises par rapport aux Etats-Unis, où il y a vraiment une sensualité, une sexualité, une envie de se coller à une fille dans la musique. A mon sens, la France manque terriblement de groove.
Medhi – Je suis pas anti-Français hein mais…je pense que globalement dans la musique française, hormis sur la scène électronique… on n’a jamais été très bons. Historiquement c’est quand même la chanson à texte et c’est pas dans la sensualité qu’elle va puiser sa force, ni dans le divertissement, ni dans plein de choses comme ça. Et du coup, ça se retrouve dans le rap français où la musique a été tout simplement secondaire. C’est d’abord les textes et ce que tu vas dire. Très peu de gens ont cherché à avoir des prods innovantes.
Nico – Je mettrais juste une nuance à ça, pour moi la musique populaire française – effectivement, est un peu naze et dénuée de sensualité. Après, quand tu prends un peu de recul et que tu remontes les années, il y a plein d’artistes français dont on vante la sensualité. L’autre jour il y avait le concert de Deltron, avec Dan The Automator, producteur assez fabuleux qui est un énorme fan de Serge Gainsbourg. On en a parlé longuement avant, quand il a fait Lovage dont la pochette elle-même est inspirée d’une photo de Gainsbourg. Le mec me calait plus que n’importe qui. C’était fascinant.
Gonzo – Les rappeurs français ne se sont pas trop inspirés de Gainsbourg, ils devraient rythmiquement pourtant. Sur Requiem pour un con par exemple, il se pose de manière chirurgicale.
Nico – Aelpeacha l’a repris, il a fait Requiem pour un keuf ! Aelpeacha est sensuel pour le coup. Ce que je voulais apporter, c’est que le rappeur français lambda est pas d’une sensualité absolue, loin de là. Par contre dans la musique française on a des contre-exemples, des choses qui sont aussi vantées à l’étranger.
Gonzo – C’est aussi un autre cliché, mais si on est en voiture avec une fille et qu’on écoute du rap français de base, c’est pas évident pour pécho !
Mehdi – Je vais aller plus loin que toi, si ma meuf était fan de rap français, je pense que ça me poserait un vrai souci. Et ce constat-là me dérange parce que je me dis que c’est abusé et en même temps ça correspond à ce que tu décris…le rap français, je lui trouve plein de qualités, j’en écoute beaucoup, mais s’il y a bien un truc dont il manque c’est de sensualité. T’as pas envie de te rapprocher d’une meuf en écoutant du rap français, hormis quelques morceaux qui peuvent exister.
Nico – C’est fabuleux d’avoir une meuf qui n’aime pas le rap. Je préfère encore ça à une meuf qui soit complètement baisée au rap et qui me dise « Ho c’est génial, il a passé ça et ça ! » On s’en fout, t’es pas obligée d’aimer le rap, c’est pas grave ! Au contraire, si tu comprends pas je préfère encore que tu ne me dises rien plutôt que tu ne me dises « Ha ouais, il y a un message social derrière le rap, ces jeunes peuvent parler… » J’ai juste envie de me barrer !
Guilhem – Encore une fois, c’est l’inverse des Etats-Unis. J’ai plein de potes meufs qui écoutent du rap…
Mehdi – Mais ça revient aussi à ce que disait Stephen, le rap aux States a un côté sensuel, les meufs ont pas de problèmes pour danser là-dessus. Mais sur n’importe quoi, sur du Ja Rule ou sur du Chief Keef tu vois, parce que la musique s’y prête. J’aime beaucoup Niro, mais une meuf qui danse sur du Niro ça ne doit pas exister !
Nico – Je pense qu’il y a une espèce d’embarras à passer du rap français dans un club.
Mehdi – A part deux-trois rappeurs qui peuvent s’y prêter, mais c’est très rare.
Nico – Voilà. Sinon, globalement, le rap français c’est pas une musique festive. Evidemment il y a des exceptions…
Gonzo – Ou alors il y a un côté Patrick Sébastien…
Nico – Fatal Bazooka !
Guilhem – Et sinon Liza Monet, vous en pensez quoi ?
Nico – Ça nous fait rire.
Mehdi – En terme de meufs récentes dans le rap je kiffe bien Shay, la meuf qui a rappé avec Booba. Bon, clairement c’était ghostwrité par lui, mais je trouvais qu’il y avait un côté un peu marrant et assez différent. Liza Monet…c’est un parcours intéressant. Elle a pas fait le centre de formation classique dans le rap.
Gonzo – Elle a fait celui de French Bukkake !
Mehdi – J’ai aucun problème avec une meuf qui vient du porno et qui découpe tu vois. Au contraire, c’est mortel. Mais bon…je trouve ce qu’elle fait très mauvais. C’est dommage, parce qu’à chaque fois que tu as des gens comme ça, qui sont un peu différents, ça reste des sortes de spécimens. C’est juste une posture qui va marcher sur deux-trois morceaux – mais tu n’auras jamais un bon album de Liza Monet, on le sait très bien. C’est comme quand, à l’époque, le rappeur D-Abuz, vu que sa carrière solo marchait pas vraiment, a essayé de créer un personnage : Ricardo Malone. Je trouvais ça mortel comme idée, ça aurait pu être super marrant ! Sauf que c’était qu’une posture…
Nico – Je pense que c’était pas la bonne époque aussi. Un peu au même moment il y avait une nana qui s’appelait Roll-K…
Gonzo – Les affiches dans le métro qui disaient « Je m’en bats le clit ! » ?
Nico – Ouais ! Franchement je suis chef de projet marketing en maison de disques, je me dis que le concept est génial. Mais dans les faits, c’est justement que du marketing, il n’y a rien derrière… C’est vide.
Mehdi – C’est juste une transposition. Il n’y a pas de démarche un minimum sincère derrière. Si la meuf est sincère, qu’elle a fait du porno, qu’elle kiffe ça et qu’elle fait des morceaux dessus, moi ça me pose pas de problème. Le problème c’est que c’est souvent mal fait.
Guilhem – Dans le rap, les meufs font souvent des trucs de « mecs ». A part peut-être Nicki Minaj.
Nico – Oui. Après il y a Rah Digga qui rappait super bien. Mais après effectivement, il n’y a pas une once de féminité quoi.
Mehdi – Après des meufs qui rappent bien dans l’histoire il y en a eu quand même. Mais en revanche c’est vrai que des meufs qui rappaient bien et qui assumaient leur féminité y’en a un peu moins quoi. Mais parce que c’est un nouveau game je pense.
Nico – Regarde Lil’Kim.
Gonzo – Tu as vu ce qu’elle est devenue aussi ?
Nico – Ouais, c’est le bordel là.
Mehdi – Mais par contre Nicki Minaj pour moi c’est une des meilleurs rappeuses actuelles. J’aime pas forcément ce qu’elle fait, musicalement il y a des choses qui me dérangent, mais elle a fait un morceau qui s’appelle I Am Your Leader, avec Rick Ross et Cam’ron. Elle les explose, même sur le morceau Monster de Kanye. Kanye, qui a d’ailleurs dit récemment qu’il avait failli retirer le couplet de Nicki Minaj parce qu’il pensait que…
Nico – Qu’elle était trop forte !
Mehdi – Bon après, c’est Kanye… L’album était tellement grand, c’était tellement le plus grand album de tous les temps que du coup les gens allaient uniquement rester sur le couplet de Nicki Minaj et pas sur l’immensité de son disque. Ça veut dire plein de choses, ça veut dire qu’elle est extrêmement forte. Je suis pas fan d’elle, je suis pas fan de sa discographie mais en tant que rappeuse, elle couche n’importe qui.
Gonzo – Sur un autre bord, avec les Ruff Ryders à l’époque par exemple, et encore maintenant il a cette espèce d’ambiance crypto-gay ultra virile et ambiguë chez les rappeurs qui sont pourtant la définition même de l’hétérosexualité. Vous en pensez quoi ?
Nico – Non, il y avait Eve quand même ! Mais c’est vrai que sinon…
Mehdi – C’était leur caution !
Guilhem – Booba aussi, le mec est tout le temps torse nu…
Mehdi – Ha bah ouais. Loin de moi l’idée de traiter Booba de… Je veux que ce soit très clair, j’ai pas envie de finir dans une petite boîte. Les Ruff Ryders c’était extraordinaire, les mecs étaient tous habillés en cuir, il y avait l’imagerie motard…mais moi je kiffais ça. (Rires)
Nico – Le reflet de ça c’est l’album 10 de LL Cool J.
Mehdi – Je me rappelle qu’il y avait eu une polémique de ouf du genre « Putain mais c’est quoi ce truc super gay ? »
Nico – LL Cool J quoi ! Ladies Love Cool James ! On ne dit pas Les Mecs Aiment Cool James ! Qu’est-ce que tu fais mec ? (Rires)
Mehdi – Mettons les pieds dans le plat parce que personne n’ose le dire, mais en vrai le premier mec – enfin peut-être pas le premier, mais un dont personne n’ose parler parce que « respect », c’est Tupac avec le livret de All Eyez On Me, il est quand même en petit débardeur en cuir sans manches ! Je pense que c’est la limite tu vois, entre les mecs qui aiment s’exhiber et l’imagerie que ça peut parfois dégager. C’est comme Booba sur 0,9.
Nico – Mais il y a plein d’exemples comme ça ! Genre Erick Sermon. J’ai beaucoup d’amour pour Erick Sermon hein.
Mehdi – No homo quand même.
Nico – Bah no homo mais il y avait de la grosse rumeur de couloir le concernant. Cette petite moustache m’inquiétait déjà assez. (Rires)
Guilhem – L’homosexualité dans le rap, elle existe mais moi je ne connais pas de rappeurs qui en parlent (à part dans la récente scène queer).
Mehdi – Tu as une rumeur en ce moment sur Young Thug qui est la nouvelle sensation Trap, qui est une sorte de mélange improbable entre Lil’ Wayne et Gucci Mane qui est extrêmement fort. Et…il y a des rumeurs, mais je sais pas dans quelle mesure c’est vrai…
Gonzo – Tu ne peux pas, finalement, quand tu es rappeur assumer ton homosexualité avec toute cette ambiance ultra-hétérosexuelle autour. Comme les mecs dans les cités, alors que ça existe.
Mehdi – C’est un peu ça. Il y avait aussi Lil’ Wayne qui embrassait Birdman et qui avait justifié et assumé et ce geste en disant « I kiss my daddy. » Parce qu’en gros, Birdman c’est son père spirituel et ils s’embrassent sur la bouche en fait, entre eux. Et pour eux c’est pas du tout, du tout gay.
Nico – Quand ils font leur coming-out généralement c’est dans leurs derniers jours. Guru aurait avoué dans ses derniers jours qu’il avait caché son homosexualité pendant toute sa vie. C’était un groupe super populaire, c’était inimaginable. Guru, putain. Il ne voulait pas l’assumer parce que le contexte n’était pas propice à ça.
Mehdi – Mais c’est évident que ça existe, il y a tellement de rappeurs, il y a tellement de footballeurs… mais oui, après, c’est compliqué à assumer…et si tu le présentes comme ça, t’es tellement « différent » que tu vas en effet être un spécimen, genre Mykki Blanco.
Nico – Tu ne peux pas être un rappeur grand public-populaire et être gay.
Guilhem – T’es stigmatisé, t’es brimé, tu peux pas…
Nico – « Il fallait le dire avant ! Si on avait su, vous nous avez trompés ! »
Mehdi – Après c’est le rap qui est comme ça aussi, il évolue. Même en France, à un moment on était en retard, tu ne pouvais presque pas être blanc et ne pas venir de cité et rapper. Enfin, tu pouvais, mais tu étais très vite catalogué comme « rappeur alternatif ». Il y a quand même un monde entre les Svinkels et Fuzati par exemple.
Nico – C’était tellement binaire en fait. Si tu faisais pas du rap de rue, tu faisais du rap alternatif.
Mehdi – Exactement. Et il n’y avait rien entre les deux. Alors que La Caution, qui est, pour moi, un des plus grands groupes de rap français, ils racontaient des vraies histoires de mecs de cité. Mais musicalement comme c’était pas du rap classique, il y avait parfois des trucs un peu plus électroniques, un peu différents et du coup ils étaient classés rap alternatif.
Nico – C’est juste la maturité du public français pour le rap. Quand tu vendais La Caution, t’étais qausi obligé de le vendre en tant qu’alternatif, surtout à l’époque. Alors que c’est beaucoup plus complexe que ça.
Guilhem – Il y a aussi d’autres contradictions. Pour Booba et Kaaris par exemple, tu vois que ces mecs-là sont des gros thugs mais qu’ils ont tous une copine…alors qu’ils rappent « mes baskets sentent la schnek, trop de putes à mes pieds » !
Mehdi – Je suis très curieux d’entendre le prochain disque de Booba maintenant qu’il va être papa. Pour les gens qu’ils le suivent depuis Lunatic c’est presque un moment intriguant. Est-ce qu’il va continuer à dire les mêmes trucs, les mêmes conneries sur les meufs, ou est-ce qu’au contraire, comme Jay-Z, il va arrêter de dire « bitch » parce que sa fille sera née ? [bien que ce ne soit plus le cas, ndlr]
Nico – Aujourd’hui Booba et Kaaris c’est la même chose, ce sont des personnages. Je ne pense pas qu’il va nous parler du fait qu’il va donner le biberon à son gamin le matin. Il va garder son masque de « Je suis Booba et je fais mon personnage de Booba ». Le rap aujourd’hui, quelque part, c’est l’imagerie du rebelle. Comme le rockeur des années 80 était un gros rebelle, on fantasmait sur les gros rockeurs. Le rappeur aujourd’hui c’est juste le rockeur revu à la sauce 2013 quoi.
Gonzo – Y’a la même chose avec le porno, comme on est dans du fantasme, dans la projection, on est dans l’ultra-sexualité et c’est sain que ce soit comme ça finalement, que le porno ce ne soit pas la réalité. Parce que c’est chiant. La réalité est chiante en fait.
Nico – C’est juste du fantasme, c’est pas ton quotidien, c’est justement aussi pour ça que tu as envie de t’échapper en écoutant un truc. J’écoute Chief Keef, j’ai pas envie d’aller buter un mec le lendemain dans la rue. Pourtant il y a une énergie, pendant une heure je vais me faire un truc comme je me fais un Scarface, et voilà. C’est pas pour ça que je vais être Tony Montana !
Mehdi – Il y a deux façons de concevoir les choses et tu les retrouves dans tout : les gens qui veulent avoir quelque chose de très proche de leur vie, ou quelque chose qui va vraiment les éloigner, les faire voyager. Personnellement, quand je vais au cinéma, les trucs ultra-documentaires, très proches du réel comme Erick Zonca, La Vie Rêvée des Anges – ça me fait chier, je préfère voir Bad Boys II ou Life of Pi ou Django je sais pas, des trucs qui sont très loin de la vie quotidienne. Je pense que c’est ça aussi dans le rap.
Nico – Ce sont les deux écoles du rap. Avec l’école réelle, très authentique, collée à la réalité et tu as cette espèce d’école de fantasme, de spectacle. C’est ça, c’est le film super classique qui colle à ta réalité. Tu te dis « Putain, j’ai l’impression de vivre ma vie, il a retranscrit ça. » Ok, ça a un intérêt, ça te plaît, ça te plaît pas, ou justement le fantasme absolu, les trucs que tu vivras pas qui te font un peu rêver.
Gonzo – Vous pensez que les rappeurs français regardent quoi comme tags ?
Mehdi – Beurette.
Nico – Beurette.
Gonzo – C’est intéressant parce qu’à mon avis, le public qui achète (pas celui qui regarde) – ce sont plutôt des gros FAF qui veulent voir des beurettes se faire « punir », une sorte de vengeance post-coloniale. Elles sont toujours associées à « humiliée, souillée ». Un peu comme les « black on blonde » aux Etats-Unis dont le public est surtout redneck ou les femmes qui vont voir des Mandingos, alors que leurs maris n’ont pas l’air très « black friendly ».
Mehdi – Y’a un truc très malsain.
Nico – C’est aussi un portrait du Sud des Etats-Unis, les deux mondes qui cohabitent.
Mehdi – Y’avait pas un truc qui était sorti, l’an dernier je crois, sur les mots clés les plus recherchés sur les sites de cul par pays ? En France c’était beurette il me semble.
Gonzo – Beurette est extrêmement populaire, c’est évident. Mais c’est pour plein de raisons… Y’a pas de production possible au Maghreb, c’est interdit et statistiquement en France, y’en a moins que des blanches. Tu en croises, mais tu n’en n’auras pas forcément. On est dans le fantasme d’être excité parce qu’on n’a pas. De plus, elles ne sont pas beaucoup représentées.
Mehdi – Je pense qu’au niveau des beurettes – enfin, j’aime pas trop ce terme – des reubeus françaises, on est en train de commencer à en voir dans des films grand public ou à la télé et c’est finalement assez récent. Leïla Bekhti est jolie mais si tout la monde la kiffe autant c’est aussi et surtout parce que c’est une des premières. Donc ce que tu dit est assez juste : en effet, les gens voient assez peu de meufs et de mec reubeus baiser dans des films grand public, ne serait-ce qu’une scène entre François Cluzet et Leïla Bekhti, je pense que ça choquerait un peu !
Plus ça va aller et plus il y aura de reubeus décomplexés. Je pense à une meuf comme Nora Hamzawi. C’est une reubeu qui parle de tout. C’est un truc un peu girly, c’est une meuf ultra-girly sauf qu’elle est reubeu tu vois. Et j’avoue que moi j’ai pas pu m’empêcher d’y penser, et de me dire « Putain elle est reubeu, elle est aussi décomplexée que ça par rapport au cul ! » Très bien, en fait ! C’est juste que les choses vont changer. De plus en plus, on va avoir des profils comme ça. Finalement, c’est assez récent de voir des reubeus dans des divertissements grand public, au cinéma, à la télé…aujourd’hui t’en as quand même pas mal, surtout des mecs pour l’instant. Du genre Ali Baddou…
Gonzo – Avec Ali Baddou t’as pas le côté « reubeu de service ». C’est pas Smaïn dans les 80’s…
Mehdi – Exactement ! Je pense que ça va forcément arriver comme ça avec les meufs.
Gonzo – Le truc c’est que les Français s’en foutent. On entend que ceux qui disent de la merde, mais on n’entend pas la majorité silencieuse qui trouve ça «normal».
Mehdi – Ouais, je pense que les gens s’en foutent. Un mec comme Nagui…on oublie qu’il est Egyptien, je crois. On se pose même plus la question, c’est un mec qui fait partie du paysage français…
Gonzo – Mais au final je suis quand même curieux de savoir ce que regarde le rappeur moyen français derrière son ordi, connaître son historique.
Mehdi – Est-ce que les rappeurs français se posent beaucoup de questions ? Est-ce qu’il ne vont pas juste sur YouPorn ou des sites comme ça et qu’ils vont sur les premières vidéos ?
Nico – Le rappeur français, tel qu’on l’imagine, il est soit à fond, soit il ne l’est pas du tout. C’est à dire qu’il y a 90% des rappeurs français qui n’y pensent même pas et tu as 10% qui sont Seth Gueko ou Orelsan.
Mehdi – C’est comme Wauquiez, c’est comme tout le monde ! Wauquiez a résumé le problème. Mais après, entre en regarder comme tout le monde et être un mec qui va vraiment suivre ses tags préférés, je pense qu’il y a une vraie différence.
Guilhem – Est-ce qu’il commence aussi à y avoir une fascination pour les gros culs en France comme aux Etats-Unis ? « I like big butts and I cannot lie…«
Nico – Le clip de Kaaris Dès le départ c’est fabuleux, c’est le reflet de tout ça.
Mehdi – Dans le genre récent, parce que c’est vrai que le rap français est de plus en plus décomplexé, il y a le clip de Joke, Scorpion Remix avec une sorte de latina plutôt en chair.
Gonzo – Ou MZ qui viennent de sortir le clip de Fesses.
Mehdi – Pour la MZ, il y a un truc très cool chez eux : ils sont complètement décomplexés. Ça se ressent dans leur rap où tu sens qu’ils prennent du plaisir mais aussi dans leur imagerie. Ce sont des rappeurs ultra-actuels qui ont l’air d’avoir beaucoup plus regardé les rappeurs cainris que les rappeurs français (ce qui n’a malheureusement pas toujours été le cas ces dernières années). Il y a vraiment un côté « on fait du rap EN français » mais c’est ultra-influencé par les derniers trucs de Gucci, Migos etc. Du coup, les gros culs, ça fait presque partie du décor.
Gonzo – Et Booba a presque la haine contre les gos skinny-skinny !
Mehdi – Il te dit « Si je roule à vingt à l’heure c’est que je regarde un gros cul passer. » Il est clairement là-dedans. Après, finalement, dans le rap français, il y a encore assez peu de gens qui parlent de ça, qui sont vraiment décomplexés, qui montrent des culs hormis Booba, Kaaris ou Aelpaecha. Je pense qu’il a peut-être un complexe par rapport au fait de se montrer dans ce genre de situation. Il y a encore des mecs comme Rohff qui, pourtant, vont montrer des jolies filles dans leur clip mais ça va pas aller plus loin que ça…
Gonzo – Il semble surtout très dans la religion.
Mehdi – Ouais, il va te montrer des meufs en maillot de bain mais ça va rester toujours très respectueux, ça correspond à son éthique et à sa personnalité. Hormis quelques personnes, qui sont vraiment sur des niches, je pense à des mecs comme Monseigneur Mike, que peu de gens écoutent, le rappeur français lambda, si tu regardes les mecs qui vendent comme Niro, que la nouvelle génération apprécie, y’a pas de cul. Parce que ce sont des mecs qui sont parfois dans la religion et il y a une vraie barrière là-dessus.
Gonzo – Pourtant maintenant il y a Nabilla, qui est notre « Kim Kardashian française »…
Mehdi – On attend son Kanye West ! Le jour où on aura notre Kanye West, elle commencera à devenir intéressante. Pour le moment…c’est sans saveur.
Gonzo – Vous pouvez nous donner des morceaux ou des clips vraiment très sexuels, sensuels, qui suintent ?
Nico – Candyshop de 50 Cent. How Do You Want It de Tupac.
https://www.youtube.com/watch?v=g8vzO7T7yhE
Gonzo – Avec Nina Hartley, Heather Hunter et Angel Kelly dans le clip. Y’avait moyen de fapper sur la version non censurée.
Mehdi – Après, un morceau de Too Short, évidemment.
Nico – Un truc un peu glauque dans une rue grise en fin de soirée, Get On Your Knees de Necro. Avec cette espèce d’intro…
Mehdi – Me So Horny de 2 Live Crew, qui est un des vrais premiers groupes à parler de cul de manière décomplexée, leur album As Nasty As They Wanna Be rien que la pochette…ils parlent de cul.
Gonzo – En permanence : Lèche-moi le boule jusqu’à ce que ta langue soit caca-marron !
Nico – Ovni à l’époque.
Mehdi (s’adressant à Nico) – Exactement. Et je sais pas si tu vas être d’accord, mais je trouve que dans les grands des années 80 et 90, c’est ces disques-là qui vieillissent le mieux. Plutôt que les disques très ancrés dans leur époque avec un vrai message, même si je les respecte évidemment, mais j’ai beaucoup de mal – et je pense que c’est ça aujourd’hui la scission entre nous – à réécouter des trucs de Public Enemy, peut-être parce que c’est moins mon époque, là où l’album de 2 Live Crew…je peux passer un après-midi à écouter leur disque, je trouve que ça vieillit bien.
Nico – Pour moi c’est juste des phases. C’est à dire que tu as des moments où tu as envie d’écouter un truc, mais des fois tu peux être dans cette ambiance-là et puis après tu réécoutes des trucs plus vieux ou beaucoup plus récents, où c’est plutôt hyper-festif. C’est à l’image de ta vie. Parfois tu as envie de te marrer, parfois tu as envie de te prendre la tête : « Tiens je vais m’écouter un petit Public Enemy là ! » Je vais me refaire les années sociales américaines, les années 90…
Mehdi – Je sais pas…moi, quand j’étais ado…pas pour baiser hein, quand tu es ado tu baises pas évidemment, je dis ça pour la famille. (Rires) Quand j’étais avec les meufs, le disque qui me faisait marrer c’était le premier Doc Gynéco. Il faisait partie de ces deux-trois rappeurs à propos desquels la meuf lambda te disait « J’aime pas le rap, mais j’aime bien Doc Gynéco. »
Nico – C’est un rappeur acceptable !
Mehdi – Exactement, tu as ça et Mc Solaar. Sauf que Doc Gynéco c’était quand même un peu plus marrant à écouter avec des meufs, et puis c’était plein de références que tu comprends pas à dix ans, et quand tu reprends le disque à dix-sept piges tu fais « Woaw. C’était coquin en fait ! » C’est pas le disque le plus sexuel au monde, loin de là, même pas le plus sensuel, mais c’est un disque qui est…marrant, tu vois, quand tu débutes dans le game.
Nico – Moi je peux pas mettre un disque de rap.
Mehdi – Ouais, aujourd’hui je mets pas de rap.
Nico – Tu écoutes Doggystyle…ou alors juste le morceau d’introduction, où il dit ‘Turn around » et il est dans la baignoire voilà…
Guilhem – Y’avait des skeud de rap, de Dr. Dre où justement, les interludes tu les virais parce que tu écoutais ça à fond et qu’avec tes parents…c’était un peu gênant.
Mehdi – Ça m’est arrivé sur le premier disque de Biggie, Ready to Die, la piste numéro huit je l’ai tellement zappé…le truc s’appelle F*** Me, tu vois, le mec baise la meuf, tu as le lit qui grince, après il l’insulte…et quand tu découvres le disque pour la première fois et que tu mets ça à fond sur ta chaîne et que tu as les parents en bas, c’est chaud.
Gonzo – Ou Big Booty Hoes qui est certainement un des morceaux les plus porn jamais écrit, bon après ils comprenaient peut-être pas les paroles !
Mehdi – J’avais acheté le disque de Snoop en 2002, Paid Da Cost To Be Da Bo$$, un super album qui est très sous-estimé. J’était à cette époque-là dans une famille aux States, j’achète le disque et on le met dans la voiture du daron cainri qui nous ramène jusqu’à la maison. Il avait vu que j’avais acheté des disques et il m’avait dit « Vas-y, on va mettre un de tes disques ! » Et moi j’étais pas… Bref, je lui passe le Snoop, il le met, et…les premiers morceaux sont assez lambda puis t’as des vrais morceaux qui parlent de meufs, qui parlent de cul, et je savais pas comment me positionner… Puis je le vois qui bouge la tête. Et il me dit « Music’s good ! » C’était marrant.
Nico – J’ai une histoire relativement similaire. C’est un peu plus vieux, c’était aussi ma première fois aux Etats-Unis. C’est pareil, c’était le correspondant, et le mec avait l’album de Dre, The Chronic, le premier. Il l’avait mis une fois, et je lui avais dit « – Ha, t’aimes bien ? – Ouais, c’est cool ! – Je connais, j’écoute à Paris. » A un moment il s’était barré et c’était à l’étage, la famille était en bas, et j’avais foutu The Chronic en me disant « C’est bon, je peux en mettre une de Chronic » et il y avait la fille de la famille qui était venue taper à la porte : « Oui, excuse-moi, bah en fait c’est ma mère elle…aimerait bien que tu éteignes cette musique. » (Rires) Je vous jure que là, j’ai un peu cassé un truc quoi.
Gonzo – Vous regardez quoi comme porno ?
Mehdi – On ne regarde pas de porno. On est des grands…je ne sais pas de quoi tu parles. Comme tout le monde, comme Wauquiez. C’est la bonne réponse ?
Gonzo – Bonne réponse langue de bois ça !
Mehdi – C’est la réponse du moment ! (Rires)
Nico – Moi je me tape les threesome à mon avis. Je me verrais pas taper shemale…
Mehdi – Honnêtement, c’est vraiment une vraie réponse, je ne cherche pas en fait. Je ne suis pas dans la recherche du bon tag ou de la bonne vidéo, je suis pas allé aussi loin que toi. Je suis pas allé jusqu’au mille-et-une vignettes. J’ai pas de tag très sérieux.
Gonzo – Au final c’est assez marrant, le porno, tu ne le regardes pas quand il y a tes parents, mais avec le rap tu l’écoutes, alors que parfois c’est pas loin. Je me rappelle quand Doc Gynéco passait à la radio dans la caisse des parents, genre Vanessa, t’attendais que ça passe vite avec quelques sueurs froides !
Mehdi – C’est un peu comme les scènes de cul dans les films avec tes parents. Des grands moments de solitude…
Gonzo – Finalement ses textes fantasmés sur la bourgeoise, c’était peut-être quelque chose qu’il ne pouvait pas avoir, c’était son tag « beurette » à lui.
Mehdi – Ha mais ouais, c’est vrai ce que tu dis…Vanessa, à fond.
Image en une par Dat’ Chroniques Auto
un interview en 5 pages… vous l’avez vraiment joué comme l’abcdr pour le coup…
hommage
merci pour cet article, c’est génial
Super bonne idée d’avoir interviewé l’ABCDR