Baise avec les poulpes

Mille lèvres chaudes et sèches embrassaient leur peau, des tentacules mous forçaient chaque ouverture de leur corps, agaçant la frange de leur âme

Matthias Schulteiss, Sois Vicieux

J’ai coutume de démarrer mes articles par une citation,  caution intellectuelle de bon ton ou simple rampe de lancement pour ma verve cosmique,  je rends hommage aujourd’hui  au génial Matthias Schulteiss et à son sublime Sois Vicieux, œuvre totale, bande dessinée qui fait vraiment bander par son exploration des abîmes du sexe, si vous ne l’avez pas encore compris, jetez vous dessus, elle vient d’être publiée en français pour la première fois cette année et comme les grands esprits se rencontrent, elle fait écho au dernier article transgenre de notre dictateur en chef Gonzo.

Tentacles porn japan

Il avait un joli nom mon guide, Megumi…

Quand la rédaction du Tag Parfait s’est vue conférer temporairement les pleins pouvoirs en matière de porn de niche, nos horizons se sont considérablement étendus. Quelle orgie de délires annexes ! quel déluge de perversions excessives ! L’homme invisible rencontre la femme toilette, qui revient d’un stage de langue en Afrique primitive. On savait déjà depuis longtemps que derrière ces nuées de photographes amateurs aux yeux bridés, que l’on aime à moquer, se cachaient les plus malicieux pourvoyeurs de fantasmes parallèles, cependant, rien ne nous préparait à une telle débauche en matière de création pornographique. C’est parfois ignoble, souvent incompréhensible et quasi-systématiquement foireux mais toujours inspiré. Inspiré par qui, par quoi ? Je vous pose la question, ma bonne dame, il est rarement nécessaire de creuser trop profondément pour découvrir que les Japonais n’ont fait qu’écouter leurs frustrations ancestrales, qui s’expriment déjà depuis très longtemps par bien d’autres biais plus radicaux que les productions X cheap et mal ficelées. Demandez aux rescapés du Camp 731

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Vous ne trouverez pas ce genre de sashimi rue Sainte Anne

Les Japonais – point de généralité ici, ami(e)s nippon(e)s – poussent généralement le vice bien plus loin que leurs vits. J’en veux pour preuve cette infamie visqueuse à travers laquelle je dois évoluer, en aventurier du porno que je suis, j’espère en sortir si ce n’est indemne, au moins en état de pouvoir continuer à vous abreuver de ma prose boursouflée. J’ai toujours eu du Japon une image paradoxale, un mélange entre les estampes subtiles d’Hiroshige et le trauma post-apocalyptique de Hokuto no Ken. Un pays qui a vu naître Hayao Miyazaki et son oh so fluffy Totoro, et qui dans le même temps a vomi Takashi Miike et ses immondices délicieuses (Gozu,  Audition et Ichi The Killer pour ne citer que mes préférées). Le Japon, capable du meilleur comme du pire, de la hi tech inaccessible avant 2016 au hara-kiri des familles, des îlots brumeux sur lesquels on vit 120 ans aux mégalopoles infinies, tentaculaires, oui, je le répète, tentaculaires. Car c’est de cela qu’il s’agit, Megumi, de tentacules baveux et de pixels hypocrites.

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Les aventures de Megumi Burton dans les griffes du pseudopode

Hiroshima, mon amour 2

Ambiance industrielle poisseuse à la Tetsuo du pauvre, cours Megumi, cours… Tout cela semble inéluctable, il est trop tard. Tu es prise dans les tentacules, excroissances suintantes reniflant tes orifices, palpant ta frêle poitrine, s’immisçant dans ta petite culotte d’étudiante. Tu es pieds et poings liés, dans une parodie de bondage avec en guise de cordes, des simili saucisses veineuses, tuyaux d’arrosage gorgés de semence laiteuse, prêts à déverser sur ton visage déjà couvert de larmes, le méat mutant.

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A perte de vue, des tentacules…

On est pourtant loin de l’hallucination cyberpunk de Tsukamoto ou du sadisme animé d’Urotsukidoji, les verges gangrénées ressemblent plus à la bite de Toxic Avenger qu’aux appendices géants du Kraken de Tennyson, on est dans le grotesque du début à la fin. Là où l’hentai peut exprimer toute l’ampleur du fantasme dit de la ventouse, la version « live » se voit fortement handicapée par le manque de moyen et les limites inhérentes à ce genre d’élucubration. Le second degré n’étant pas l’apanage de nos pornographes levantins, il faut prendre la chose comme elle vient, encore et encore. Qu’à cela ne tienne, on passe de l’usine désaffectée à l’openspace, la bête se venge de la boulimie d’Oh Dae-soo, sa Némésis coréenne, en déflorant les employées de ses milles biroutes, la bête n’est pas morte, loin de là. Ces tentacules sortent de nulle part, elles ne sont reliées à rien d’autre qu’à une masse informe, impossible à identifier, à l’épiderme bosselée, cortex malade d’une civilisation en déclin avec la frustration comme veau d’or.

Hokusai Pecheur

« Le rêve de la femme du pêcheur » Hokusai, 1820

Le rêve de la femme du pêcheur a donc fait des émules. Après deux bombes atomiques et une loi absurde interdisant de faire apparaître ou de représenter des organes génitaux, on se retrouve avec ces pseudopodes maladroits. A défaut de phallus turgescents, des trompes rougeâtres disproportionnées reniflant Megumi et son cache-misère pixellisé. Difficile d’être tout à fait réceptif à ces divagations qui n’ont plus grand-chose à voir avec le mysticisme d’Hokusai. Le shokushu ou tentacle porn est peut-être l’avatar le plus « graphique » de l’imaginaire porno sans borne des Nippons, il est aussi et surtout le symbole d’une censure mortifère et hypocrite. Des tentacules pour échapper à l’inéluctable ? C’est le monde à l’envers, demandez donc à Megumi…

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  • Je crois avoir lu quelque part que les tentacules sont un symbole de puissance dans la culture japonaise. Aisément reliable au phallus donc, on sait tous que c’est le zboub qui fait tourner le monde.

  • A la fois dégueux et excitant… comme le bon sexe finalement !

  • Haha, j’étais sûr d’un quelconque lien avec Abstrait/Concret !

  • Cher GrosMikko,

    Je tiens à saluer ta référence à ce magnifique ouvrage qu’est « Sois Vicieux » de Mr Schulteiss.
    Par contre je tiens à préciser que cette oeuvre majeure de la BD pornographique m’est connue depuis plus de 10 ans en version française.
    Elle faisait partie de la collection de mon père,cachée dans sa bibliothèque privée.
    Tous les dimanches ou des qu’il était de sortie je m’y infiltrais et lisais avidement transi par la peur d’etre surpris les merveilleux ouvrages qu’il y cachait.
    L’intégrale de « L’echo des savanes »,des Manara, »Les 11000 verges » d’Appolinaire et tant d’autres.
    Donc de manière à rectifier ta déclaration concernant sa premiere édition en français j’irai refaire un saut dans cette magnifique bibliothèque et noter quelle était la réelle première édition.
    Ceci dit, je tiens à saluer ce site de qualité, qui offre un espace d’expression à tous les amateurs de pornographie.
    Merci Gonzo, great idea.

    • Au temps pour moi SymbolX, merci de la rectification.

      J’ai moi aussi été bercé par la collection de mon père, tout en haut de la bibliothèque, son Enfer, mon Paradis. Premier choc porn avec Magnus et son ignoble « Necron », le reste était à l’avenant: « Ranxerox », « Les 110 pilules », les bombes à gros seins de Corben, leurs équivalents français avec Pichard, l’Echo, Metal Hurlant, « Druuna », « La Fleur Amoureuse » de Cadelo, j’en passe des dizaines d’autres, tous des chefs d’oeuvre… Merci Papa.

  • Pour ceux que ca interresse, j´ai recemment publié un livre de photos de Daikichi Amano. Une collection de ses travaux un peu plus esthétique et « accessible ».

    L´ouvrage est visible ici :

    http://www.xn--bongot-0ya.com/human_nature.html

  • Malgré ce genre d’étrange monstruosité le porno jap restera toujours mon petit fétiche à moi, comment, COMMENT ce genre de fantasme né dans l’imagination d’un peuple qui ne pratique actuellement pratiquement pas la contraception parce que ça fait « pute » et doit se cacher pour s’amuser dans des love hotel à la décoration complétement délirante ? Si un jour vous interviewez une actrice japonaise, (japonaise, je n’ai que mépris pour le reste de la prod asiatique) par pitié demandez lui où se trouve la réserve à fantasme japonaise, je m’y jetterais toute nue, tant pis pour les poulpes.

  • Ils sont forts ces japonais, la japan touch: toujours le petit détail qui fait la différence. En matière de SM ils sont les maîtres de l’humiliation, de l’extrême avec un raffinement certain… Bref, inimitables en matière de sexe!

  • effectivement trop fort ces japonais, vous savez comment-ils font pour créer cet effet spécial tentacule? existe-t-il des clubs BDSM où on peut réaliser ce genre de fantasme?

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