Raven, camgirl : « Je fais enfin ce que j’aime »

« Je connais une fille avec qui j’étais au lycée, elle est camgirl maintenant. » Sur le ton de la confidence, ce collègue journaliste me file une idée de sujet. Vite, Twitter. En 2-2, Raven apparaît sur mon écran. Univers BDSM, longs cheveux noirs, ça m’plaît bien cette histoire. Bienvenue au pays de la fessée et du crochet anal, Raven va nous expliquer le pourquoi du comment de son activité de camgirl.

Questions tarte à la crème : qui es-tu ? Que fais-tu ? Depuis quand es-tu dans le milieu ? Bref, présente-toi.

Moi c’est Raven, mon pseudo depuis mes 15 ans à peu près. Je suis dans le milieu de la cam, et du porn, seulement depuis mars. J’ai toujours voulu en faire, mais on va dire que ma situation ne me le permettait pas vraiment niveau stabilité financière. J’attendais vraiment d’avoir ma maison, etc. J’ai mis un peu de temps à me lancer. Depuis mars, avec le confinement, j’en ai profité et c’est désormais mon activité à plein temps.

Ton boulot à plein temps… Tu as donc une journée type ? Ou tu improvises chaque jour ?

Non pas du tout (rires) ! Y’a pas de relâchement ! Je me fixe un objectif journalier d’argent à récolter, et si je ne l’atteins pas, je ne vais pas me coucher. Le matin, je ne travaille pas. Je profite de mes proches ou de ce que j’ai à faire, et je commence vraiment à bosser à 15h (cam’, contenu à créer, etc.). Pour mon quota journalier, j’ai un mode de fonctionnement un peu bizarre : admettons que je l’aie vraiment dépassé le lundi, eh bien ça ne me permet pas de ne pas faire celui du lendemain. Il me faut absolument tous les jours mon quota journalier. Ensuite, à partir de minuit, je fais toute la comptabilité de mon activité : je rentre tout dans mes carnets de compte, ce que j’ai vendu, sur quels sites, etc. Et je dors juste après, vers 3h du matin. Je me réserve mon dimanche et le mercredi en jours de repos. Mon métier n’est pas du tout une contrainte, et je fais enfin ce que j’aime.

Le confinement a-t-il eu un impact sur ton activité ?

Mes clients achetaient beaucoup plus de contenus créés (photos, vidéos, etc.) que de cam. J’ai fait un très très bon mois de confinement. D’ailleurs, là, je vois une légère baisse (rires). Mais je suis toujours dans mes quotas journaliers, y’a pas de soucis ! Les 3/4 de mes clients sur les plateformes sont des couples mariés avec enfants (ou des parents seuls) qui en profitent d’être seuls pendant la journée. Ils se connectent l’après-midi en semaine, sauf le vendredi soir et samedi/dimanche.

Ton univers est orienté vers le gothique et le BDSM. Sur certaines de tes photos, tu saignes même… Vraie attirance de ta part pour ce genre de pratiques, ou coup marketing savamment calculé ?

Je suis dans le BDSM depuis très jeune. C’est quelque chose qui peut être facilement joli au niveau des photos, des performances et tout, et j’avais besoin de m’exhiber comme ça. J’associe le BDSM à mes cams, je me fais plaisir en même temps que les clients.

Plus jeune, je m’étais renseignée à droite à gauche, avec des personnes qui étaient du milieu, sans vraiment savoir ce qu’était le BDSM. À ce moment-là, je ne connaissais même pas l’acronyme. J’ignorais que c’était une catégorie, une façon de vivre. Puis j’ai fait des recherches, j’ai grandi… C’est parti comme ça, c’est tout. Y’a pas à réfléchir.

Revenons à tes shows. Tu les préfères en public ou en privé ?

En privé, complètement. J’aime beaucoup nouer des relations avec mes clients, ce qu’un show public ne permet pas. Le public, c’est plutôt bon enfant, on s’éclate vraiment, mais je ne le fais qu’une fois par semaine le dimanche.

En parlant de ta relation avec ta communauté, c’était compliqué de t’en constituer une ? Quels rapports entretiens-tu avec elle ?

Je suis un très mauvais exemple car j’étais déjà modèle photo avant, j’avais déjà une grosse communauté présente depuis mes 18 ans et j’en ai bientôt 24… Ça s’est construit avec les réseaux sociaux, je ne pourrais pas vraiment répondre. Par exemple, j’ai des personnes qui me suivent actuellement en cam’, et qui sont là depuis mes 18 ans. Parfois, ils leur arrivent d’évoquer d’anciennes photos dont j’ai assez peu de souvenirs ! Ça fait super plaisir. Il arrive aussi que certains me croisent ou me reconnaissent IRL, et qui me le disent sur les réseaux « ah je t’ai vu je n’ai pas osé ». Il y a bien quelques clients disons… difficiles, mais le blocage est très facile, en plus j’ai l’avantage de ne pas faire de réel. Globalement, j’ai des clients réguliers, d’autres irréguliers qui peuvent être là depuis longtemps… C’est varié.

Parle-nous un peu de ton OnlyFans, que proposes-tu à tes clients ?

Le mien est gratuit avec du contenu payant à l’intérieur. Il suffit de s’inscrire pour accéder au contenu que je propose, et à ce moment-là vous pouvez choisir ce que vous désirez. Y’a pas d’abonnement et je poste une à deux fois par semaine. Ça permet aux clients d’être sûrs d’avoir ce pour quoi ils ont payé. Par exemple, je fais beaucoup d’uro, ça ne plaît pas à tout le monde. Du coup, je ne veux pas imposer ça à des personnes qui ne sont pas intéressées. Le client achète ce qu’il veut quand il veut. Je suis transparente.

Quelles sont tes relations avec les autres travailleuses du sexe (TDS) ? Un projet en duo, ou plus, est-il à l’ordre du jour ?

Elles sont merveilleuses ! Franchement y’a une bienveillance, je n’ai jamais vu ça. On est toutes soudées, on se donne des conseils tous les jours, c’est génial. Pour l’instant, au niveau des camgirls, je n’ai pas de collaborations de prévues, sauf avec une dominatrice mais par écrans interposés. Je préfère me concentrer sur moi-même pour l’instant.

Tu es présente sur plusieurs plateformes : OnlyFans, FetLife, Camcokine, Vends ta Culotte. Bref, tu ne chômes pas. Qu’est-ce que cette activité t’apporte dans la vie ? Ta sexualité en a-t-elle été impactée ?

J’ai une charge mentale en moins dans la vie de tous les jours, je fais ce que j’aime. Et travailler en faisant ce qu’on aime, c’est merveilleux. J’aménage mes horaires comme je veux, je crée du contenu, je discute avec les gens, j’ai une énorme liberté. C’est que du bonheur.
Au niveau de ma sexualité, aucun impact, car je fais du BDSM à la cam suite à mes pratiques dans la vie. Et non l’inverse. Ce sont mes pratiques habituelles, sauf que maintenant je les rémunère.

Excuse-moi d’être pessimiste, mais entre les cas de cyber-harcèlement, les commissions exorbitantes des plateformes, ou le peu de thunes à se faire en général, pourquoi t’es-tu lancée là-dedans ? À quelles difficultés es-tu confrontée au quotidien ?

Alors, au début, je me suis lancée là-dedans en parallèle de mon boulot. J’ai cumulé les deux, je voulais voir comment ça allait se passer avant de tout plaquer. Si c’était viable financièrement. J’ai posé les choses, j’en ai discuté avec mon mari qui m’a encouragé +++. C’était vraiment très réfléchi. J’ai fait des « mois d’essai » en cumulant mon boulot, et mon activité de TDS, c’était vraiment fatiguant.

Mais j’ai vu que je pouvais le faire. Par la suite, je n’ai pas rencontré de difficultés car je suis très carrée dans ma vie. Bien sûr, j’ai demandé l’aide de collègues, pour les déclarations, tout ça. Et avec leurs connaissances, plus mes connaissances, on arrive à faire quelque chose. Je m’en sors vraiment bien. Après rien ne m’empêche, vu que c’est une activité auto-entrepreneur, de me retrouver un mi-temps à côté en salariée plus tard si j’ai vraiment une baisse d’activité ou autre.

Concernant les commissions, il faut déjà choisir la bonne plateforme. Sur les miennes, ça va de 20% à 40%. Mais sans sites, je ne pourrais pas travailler autant que je travaille. Je ne m’en sortirais pas qu’avec les réseaux sociaux. Ces commissions, je les prends comme une contrepartie. Certes, ça fait beaucoup, en cumulant avec l’URSSAF, ceci ou cela. Sans oublier que les plateformes ont en place un système de paiement, parce que, sur Paypal, les comptes sautent… Elles apportent aussi l’anonymat pour le client, sous forme de pseudo. Après, certains sites abusent totalement, genre 70% de commissions ! Désolée les gars, moi aussi j’ai des factures à payer !

Du coup, où te vois-tu dans un an ? C’est quoi ton business plan ?

Ce que je gagne, je le mets de côté. Mine de rien, je pense que vers 50, 55 ou 60 ans, je n’aurai peut-être plus la force que j’ai aujourd’hui, ni la patience. Si jamais j’ai d’autres projets professionnels qui demandent de l’argent, j’aurai de quoi faire face. Après comme je le disais, ça ne me dérangerait pas de retourner à une activité salariée quelque part. Si je tiens 3, 4 ou 10 ans avec mon activité de camgirl, c’est merveilleux.

Quel regard portes-tu sur les derniers bouleversements législatifs en matière de contrôle d’âge pour l’accès au porno ?

Ça fait énormément flipper parce que les réseaux sociaux, c’est nos vitrines. Twitter ou Instagram, je ne m’en sers uniquement pour ma pub et rechercher de nouveaux clients. La loi, je la suis de très près. Je pense que je peux parler pour mes collègues en disant que nous sommes sur les nerfs et en flippe par rapport à ça. Ma communauté est française. Par la suite, j’aimerai développer vers l’international. Sans réseaux sociaux, c’est impossible.

Pour suivre Raven sur Twitter : @Mlehnsherr_

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