Entretien avec Lou Charmelle
Tu peux te présenter en quelques mots ?
Lou Charmelle, actrice X et modèle depuis maintenant trois ans et demi… et jeune réalisatrice depuis peu : j’ai récemment réalisé deux films, dont un que je viens de déposer chez Hot Vidéo. J’ai aussi tourné un clip assez sulfureux pour Greg Kozo, et j’ai fait une première apparition dans un film traditionnel, deux phrases dans Beur sur la ville. Djamel Bensallah m’avait prévue un rôle plus important, mais j’étais aux Etats-Unis…
Une nouvelle orientation pour ta future carrière ?
Je ne pense pas avoir suffisamment de talent pour ça. Et surtout, je ne suis pas vraiment carriériste. Djamel va me caster pour son prochain film ; on verra bien si je suis prise ! Mais je n’irai pas courir les castings ni accepter n’importe quelle scène pour faire mon trou… Dernièrement, on m’a même contactée pour faire une “figuration chatte” ! Je trouve ça insultant au possible. Sous prétexte que t’es actrice de cul, t’es juste bonne à montrer ta chatte ?
Justement, tu es connue pour tes “réflexions décalées”, dixit ta bio wikipedia… Tu dénotes pas mal avec le reste du milieu, non ?
J’ai rédigé un blog pour mon site Internet sur lequel j’ai réécrit mes trois ans et demi d’activité dans le porno en reprenant mon agenda, événement par événement, en essayant de retrouver le vécu du moment. Je voulais proposer quelque chose sans langue de bois. Ne pas raconter que « aujourd’hui je me suis prise une DP et c’était vachement chouette », et tous les jours ça aurait été le même genre de conneries. Je voulais montrer que c’était parfois cool… et parfois moins. De toute façon je ne sais pas mentir, on m’apprécie justement pour mon authenticité, et c’est une valeur que je m’efforce de conserver.
Ta bio dit aussi de toi que tu es une “geekette auto-proclamée”, et ta wishlist Amazon est d’ailleurs pas mal orientée rétrogaming. Tu es une grosse gameuse ?
Je préfère ne plus trop jouer ; je me connais, je risquerais de tomber dedans de manière excessive. Il y a quelques temps, je me suis retrouvée totalement accroc à un jeu de rôle sur Internet – Les Royaumes Renaissants. L’interface était pourrie ; c’était surtout un prétexte à du pur Role-Play qui lui se jouait sur un forum. Je suis vraiment partie en sucette avec ça… Un an et demi à jouer au moins 5 heures par jour, heureusement que je travaillais sinon je serais devenue une vraie no-life.
Enfin, ça ne m’empêche quand même pas de jouer de temps en temps. Je me suis par exemple remise à Secret of Mana sur iPhone. C’est LE jeu qui m’a fait tomber là-dedans. Mais je suis devenue beaucoup plus stratégique dans mon gameplay, et c’est du coup beaucoup moins drôle : tu fais du levelling à fond, tu bats le boss finger in the nose… et tu te dis que c’était quand même plus sympa quand tu étais enfant !
Aux Etats-Unis, on observe l’émergence de ce créneau “gaming”, avec des productions comme “Geek Girls” chez Digital Sin. Tu penses que ça pourrait arriver en France ?
La plupart des filles qui arrivent dans le milieu sont très jeunes, et n’ont pas connu l’époque de la Super NES et toute la culture qui va avec… Surtout, le milieu du porn est encore assez frigide. Les réalisateurs et producteurs qui ont plus de vingt ans de métier aimeraient bien continuer à faire du porno comme à l’époque. C’est très difficile de faire changer ces codes. Les gens ne te font pas confiance parce qu’ils pensent que ça ne marchera jamais.
Alors quoi : on est condamné à devoir faire du porn comme dans les années 80-90 ?
Il y a un espoir si on nous en donne les moyens. Certains font des choses vraiment différentes et intéressantes, comme Phil Hollyday. Lui aime monter du porno comme du cinéma, avec des meurtres, une intrigue… Avec des gens comme lui, il pourrait y avoir un certain renouveau.
Un autre souci en France vient des pratiques mises en scènes, tu ne trouves pas ? J’en ai un peu marre du passage obligé par la case #anal et #DP, par exemple…
Aux Etats-Unis, tu peux très bien réussir une grande carrière tout en refusant de faire de l’anal, comme Lily Labeau qui explose actuellement. En France, si tu n’en fais pas, on ne te fait même pas tourner. Peut-être parce qu’on se sent l’obligation de rivaliser avec le porno ricain – mais en réalité, une caricature de porno ricain. On a toujours été comme ça. On critique le cinéma américain, mais tout le monde meurt d’envie de faire comme eux… tellement que ça en devient ridicule.
Ça s’est vérifié pour le film que tu viens de vendre à Hot Vidéo ?
On nous impose dans les chartes d’avoir du hard, d’avoir au moins une scène d’anal, une DP. Il n’y en pas dans ce film, mais il y a beaucoup d’anal. Inversement, cet été, j’ai co-réalisé un film avec Lily, écrit par elle. Il y a deux scènes solos, une lesbienne, deux boy + girl dont une anale, et une scène de pipe. Plutôt complet, n’est-ce pas ? En France, on m’a dit que ça ne suffisait pas. Qu’il fallait une scène d’orgie, et s’il n’y avait pas de scène d’orgie, il fallait au moins une DP… Je sais donc qu’ici le film sera difficilement vendable, alors qu’il rencontrera moins de problème là-bas, car le marché est plus ouvert. En France, on veut satisfaire en une seule fois tous les publics, les amateurs de soft comme de hard.
Mais il faut souligner une chose : si le porno est devenu à ce point “hardcore”, c’est parce qu’à l’époque, on l’a profilé pour les consommateurs susceptibles de payer – aux désirs plus extrêmes que les autres. On a fini par standardiser ces pratiques en disant que c’était la sexualité de Monsieur et Madame Tout-le-monde, alors que c’est faux. C’était la sexualité de ceux qui avaient les moyens de payer.
Alors ce serait quoi, ton porno idéal ?
Un film qui soit ni une caricature de porno version loft, ni celui de Papi crado. Un porno « réaliste », en somme. Pour notre film avec Lily, on a tourné une scène de pipe dans les chiottes d’un club à Ibiza. C’est « juste » une scène de pipe, mais c’est très excitant. On ne voit jamais le garçon qui tient la caméra, ça dure un quart d’heure, et c’est réaliste dans le sens où « ça pourrait t’arriver ». Ce qui m’ennuie, c’est quand le porno se prend trop au sérieux ; j’aime bien le porno rigolade, en fait. Je n’ai pas envie de jouer le rôle de la super chaudasse que je ne suis pas. Je préfère jouer mon propre rôle : celui d’une femme normale qui a ses délires, qui peut très bien kiffer les gorges profondes et juste après éclater de rire.
Idem pour les scènes que je viens de vendre à Hot Vidéo : j’ai juste voulu montrer la sexualité entre des acteurs qui déconnent et qui baisent, sans aucune autre prétention artistique. Je mets un point d’honneur à ne jamais me prendre au sérieux. Je n’ai pas envie de faire du matraquage, de devenir une caricature d’actrice engagée. J’aimerais simplement que les gens se posent des questions, je veux les amener à s’éveiller, mais pas leur imposer un message pré-mâché.
En parlant d’éveil, j’ai repéré dans ta wishlist des bouquins de spiritualité ?
Ah, les livres de Krishnamurti ! Un grand monsieur. Un Indien qui a écrit dans les années septante, aujourd’hui décédé. Il a écrit des livres d’éveil de la conscience, en dénonçant les ritualisations, les dogmes, les croyances, qui sont des béquilles qui mettent des œillères supplémentaires. Ça fait longtemps que je suis fascinée par les choses spirituelles – j’ai demandé mon baptême à 18 ans… Heureusement, j’ai lâché Dieu avant de réaliser quelle odieuse machinerie se cachait derrière, mais ça fait plusieurs années que j’essaye de rester sur un chemin d’éveil, de conserver un esprit critique pour ne pas devenir un mouton.
J’ai d’ailleurs un projet un peu fou en tête ; je ne sais pas si j’aurais le courage de le réaliser un jour, mais j’aimerais donner des cours de physique quantique sexy… Un sketch avec du strip-tease, par exemple. J’ai déjà des idées de scénario ; le souci, c’est que je ne suis pas une humoriste dans l’âme. Mais je me dis que le X, ou du moins la vitrine que m’offre le X, pourrait être un bon prétexte pour faire passer des messages, notamment sur ce sujet qui me passionne depuis longtemps. Réussir à concilier le sexe, et l’intellect. Voilà, j’aimerais juste rendre la connerie un peu moins accessible…
Photos par Vincent Desailly
Et merci à :
NEO LEGEND ARCADE SHOP
71 rue Crozatier
75012 Paris
Interview intéressante d’une actrice qui me fait vibrer à chaque fois. Une geek qui a des idées fresh pour le futur du porn-biz, croisons les doigts mais ça va être dur de bouger le mastodonte qui s’assoit sur ses acquis.
Les geeks vaincrons !
« Une geek qui a des idées fresh pour le futur du porn-biz » : les ayatollahs de la francophonie se suicident, moi je plussoie méchamment. Lou a les idées ET la carrure pour faire bouger les choses.
Secret of Mana?
Lovely !
Oui, le secret of Mana oui…. Je vais chercher tous les films existants sur cette femme. C’est si beau d’exciter quelqu’un avec des mots.
J’aimerai m’arrêter un instant sur le passage : « Dernièrement, on m’a même contactée pour faire une “figuration chatte” ! Je trouve ça insultant au possible. Sous prétexte que t’es actrice de cul, t’es juste bonne à montrer ta chatte ? »
Si le fait que l’on appelle une actrice juste pour une doublure chatte n’a rien de très valorisant ni de très épanouissant, je n’y vois en aucun cas un caractère insultant.
Pour avoir de l’expérience en cinéma ‘ traditionnel ‘ ( court métrage ) il est loin d’être facile d’avoir une actrice nue ( même de loin ) voire même un bout de sein sans devoir lui justifier ce choix pendant des heures ( souvent en vain d’ailleurs ) .
Je comprend donc que certains réas puissent avoir recours ) à des doublures et qui de mieux, à priori, que des comédiens(ennes ) qui sont moins effrayés à l’idée d’être nu devant une caméra. De la même manière que l’on fait appel à des cascadeurs.
woula
En tout cas biz à Lou !
Je comprends bien le souci au niveau des professionnel(le)s, mais c’est peut-être justement ça le problème, non ? Que les acteurs et actrices traditionnels se refusent à montrer leur petit kiki ?
Tiens je viens de tomber sur cette interview. Dans l’ensemble c’est plutôt intéressant et voilà encore une actrice de hard plus sympa à lire que bien des actrices mainstream.
J’aime bien son côté simple et brut de décoffrage. Par contre je m’interroge sur la notion de « faire passer des messages » à travers des films X. Franchement vous voyez ça possible vous? De quel genre de messages parle-t-on? Il faudrait pour cela inventer un nouveau genre de cinéma.
Secret of Mana, le meilleur action rpg jamais sorti…à quand un multiplayer Lou ?