Porno et cerveau : l’étude qui ne disait rien
Il aura suffit d’une seule petite étude sur un bout de cerveau méconnu pour que les plumes se déchaînent. Après avoir mené des tests sur soixante-quatre hommes âgés de 21 à 45 ans, deux chercheurs de l’institut Max Planck, à Berlin, ont remarqué que les gros consommateurs de pornographie avaient un striatum plus petit et moins actif que ceux qui n’en regardent pas ; de quoi faire le bonheur des pornosceptiques, qui se sont empressés d’hululer que le porno faisait rétrécir le cerveau. Il y a tellement de bruit dans la volière qu’on a décidé de vous faire un petit compte-rendu de la situation, histoire de clarifier les choses.
Le striatum est composé du noyau caudé et du putamen. D’un point de vue fonctionnel, il fait partie de ce que l’on appelle les ganglions de la base, ou noyaux gris centraux ; ces structures paires, profondément enfouies à l’intérieur du cortex, sont toujours assez méconnues. On sait que le striatum joue un rôle dans la gestion des mouvements volontaires, dans la cicatrisation cérébrale et dans la perception de la douleur ; on sait aussi qu’il a vraisemblablement bien d’autres fonctions.
Ainsi, il y a deux ans, des chercheurs français ont découvert que la partie ventrale du striatum était aussi le centre de la récompense et de la motivation. Plus le degré de motivation est fort, plus le striatum s’active et conditionne des efforts physiques ou mentaux conséquents. Réussir son brevet des collèges, plier un marathon : c’est lui qui fait le lien entre la récompense et les efforts que vous êtes prêts à fournir pour l’obtenir.
L’étude dont il est question ici, intitulée Brain Structure and Functional Connectivy Associated With Pornography Consumption, a été publie mercredi dernier. Ses auteurs, Simone Kühn et Jürgen Gallinat, chercheurs en neuroscience, y démontrent l’existence d’une « association négative entre le nombre d’heures de pornographie consommées par semaine et le volume de matière grise dans le noyau caudé droit ». Il est aussi question d’une activité réduite du putamen dans le cadre d’une stimulation sexuelle. En clair, l’étude montre que plus un sujet consomme de pornographie, plus son striatum est petit et paresseux.
Dès lors, il y a deux options plausibles : soit la pornographie a modifié la structure cérébrale des sujets testés, soit il s’agit d’une précondition qui intensifie la satisfaction dégagée par la consommation de pornographie. L’éternel combat de l’inné et de l’acquis, toujours dans la place. Les deux universitaires qui ont conduit l’étude ont souligné que leur travail ne permettait pas de trancher à ce sujet. Ce qui n’a pas empêché les grands titres de se lâcher comme des petits fous, mention spéciale à 20 Minutes et à son éclatant Trop de porno tue le cerveau, qui a carrément été repris sur Europe 1. L’angoisse.
Tous – sauf évidemment la sérieuse Peggy Sastre – oublient de mentionner un détail intéressant. Simone Kühn et Jürgen Gallinat ont distribué des questionnaires à leurs cobayes avant de leur faire passer une IRM. En croisant les résultats, ils ont remarqué que les plus gros consommateurs du groupe étaient également ceux qui présentaient le terrain dépressif et addictif le plus sensible, assez semblable à celui que l’on observe chez les cocaïnomanes et les alcooliques.
D’ailleurs, que se passe-t-il réellement quand on a un petit striatum flemmard ? Là aussi, on en est au stade de la supposition. Selon les auteurs de l’étude, les personnes concernées seraient susceptibles de développer une dépendance et une tolérance élevées à la pornographie. Pas de ça au Daily Mirror, qui titre tout en nuances : Regarder du porno « rend les hommes stupides » car les scientifiques affirment qu’il fait rétrécir une partie de leur cerveau.
Contrairement à ce qu’affirment ou suggèrent tous ces articles, Brain Structure and Functional Connectivy Associated With Pornography Consumption ne tire aucune conclusion ; il ne fait que souligner une corrélation. C’est de l’observation pure et dure, les auteurs de l’étude l’ont eux-même affirmé. On en saura plus quand d’autres études auront été conduites sur le rôle du striatum, dont on ignorait encore la fonction il y a deux ans. D’ici là, n’écoutez pas les sensationnalistes qui se permettent d’affirmer que le porno fait rétrécir le cerveau et qu’il rend con. La seule chose que l’on sait pour le moment, c’est tout juste que l’on n’en sait rien.
Maintenant on le sait : le lectorat masculin du Tag est composé d’une bande d’abrutis sans âme souffrant d’une dévastatrice dépendance au sexe et au porno. En tant que femme (je ne pas différente de mes congénères, j’ai une sexualité saine, je ne couche qu’avec des sentiments et mon mari, je n’ai ni fantasme tordu ni perversion et ne ressens rien sinon dégoût à la vue d’un pénis), je me demande ce que je fais ici. Ah ouais je sais : pour la rubrique musique.
J’organise un séminaire à Lourdes pour tenter de sauver nos lecteurs, la marche partira dimanche de l’église Saint-Nicolas du Chardonnet
Zut, je suis au Québec, je ne pourrais pas y participer. Mais je vais prier pour vous…
Ho mon Dieu !
On signe où pour la marche ? =/
(*commence à sortir son chapelet poussiéreux*)