Google rompt avec les annonceurs porno

AdWords, la régie publicitaire de Google, existe depuis près de quinze ans. C’est elle qui glisse de petites suggestions sur la page de résultats lorsque vous louez les services de l’hégémonique moteur de recherche. Vous voulez prendre soin de votre premier bonsaï ? AdWords vous tend une poignée de sites sur lesquels vous êtes susceptibles de dépenser vos sous : des boutiques de jardinage, des bonsaïstes professionnels, et cetera. Toutes ces annonces sont sélectionnées par AdWords en fonction de votre position géographique, de votre langue, du moment de la journée et surtout des termes utilisés dans votre requête.

Lorsque vous vous inscrivez sur sa régie publicitaire en tant qu’annonceur, Google vous demande d’indiquer des mots clés correspondant à votre activité. C’est en croisant ces mots clés avec les requêtes effectuées par les internautes que l’algorithme d’AdWords sélectionne les annonces qui sont les plus à même d’attirer leurs pointeurs avides et leurs portefeuilles bombés. Ce service n’est évidemment pas gratuit, les annonceurs payent pour chaque chaland ainsi aiguillé dans leurs rayonnages par AdWords. Pour gérer tout ça et attiser la concurrence autour des mots clés, Google a mis en place un système d’enchères pour chaque mot clé ; au plus offrant la meilleure visibilité, qualitative et quantitative.

Bonsai Fukinagashi

Superbe spécimen de Fukinagashi

Au cours du dernier trimestre 2013, AdWords a rapporté plus de dix milliards de dollars – près de 70% du revenu total, soit environ 1 300$ par seconde – à Google. Une gigantesque poule aux œufs d’or qui n’en est pas moins dénuée de règles : AdWords a toujours refoulé les sites d’escorting et de prostitution, tout en se montrant assez tolérant envers les strip clubs et l’industrie pornographique. Une symbiose à laquelle Google a brutalement mis un terme ce week-end, à la grande surprise des analystes. D’ici peu, AdWords ne profitera plus aux sites pour adultes. Les raisons de cette nouvelle offensive anti-porno sont encore très obscures, mais cette initiative fait sens dans la politique du géant californien : l’année dernière, il s’était déjà débarrassé des pornographes ayant élu domicile sur Blogger et des applications pour adultes du Google Play Store.

Les annonceurs concernés ont été informés par e-mail de cette triste décision : « Dans les semaines à venir, nous n’accepterons plus les publicités faisant la promotion de représentations graphiques d’actes sexuels. » Le changement définitif aura lieu à la fin du mois de juin et concernera tous les pays depuis lesquels Google est accessible. On vous avait déjà parlé de la fine équipe de comiques de Morality In Media, qui n’a pas manqué de revendiquer cette victoire éclatante. « Nous avons rencontré les dirigeants de Google et nous nous sommes durement battus au nom de la défense de la dignité » explique Dawn Hawkins, la directrice exécutive du lobby. Google n’a pas commenté ces déclarations, mais Morality In Media n’a vraisemblablement rien à voir là dedans. Enfin, on l’espère.

Larry Page

Larry, un ami qui vous veut du bien

Reste à mesurer l’impact de cette nouvelle, certainement une goutte d’eau dans les revenus du géant américain, mais un coup dur pour l’industrie du porn. Du côté des annonceurs, la résistance s’organise et ça se présente mal. Il semble impossible d’éviter ou de contourner l’éviction, Google a soigneusement coupé toute possibilité de retraite. Maigre consolation, le géant ne semble pas décidé à bannir le porno de ses résultats de recherche classique. Il ne le sera probablement jamais ; prendre une telle décision reviendrait à « offrir un regain de popularité considérable » au vilain petit canard Bing d’après Adrian de AdultSEOPartners.com. Le moteur de recherche signé Microsoft ne profitera vraisemblablement pas de la décision de Google. Bien moins populaire et doté d’une régie publicitaire au fonctionnement franchement opaque, il ne séduit pas les webmasters porno.

Pendant que les tubes et leur vision assez personnelle du droit d’auteur caracolent en tête des résultats naturels de Google, l’industrie du porn qui s’appuyait beaucoup sur AdWords pour gratter du précieux trafic va devoir trouver de nouvelles solutions. Les alternatives ne manquent pas pour les pornographes, mais toutes réclament de se soustraire une bonne fois pour toutes à la suprématie Google et de construire quelque chose de totalement nouveau. On assiste peut-être au début d’une nouvelle ère ou juste à l’introduction d’un orteil supplémentaire dans la grande tombe du porn actuel.

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