Dating sims, le bonheur de la drague virtuelle
Faire une fixette affective sur un personnage fictif est une expérience rare et intense. Qu’ils sont à plaindre, ceux qui n’ont jamais rêvé de la petite voix de Scampi ou des bretelles d’Ondine. Au Japon, certains ont fait un business de ces dessins si attachants : depuis les années 80, l’archipel produit des jeux vidéo dont le but est d’obtenir les faveurs sentimentales et parfois sexuelles de divers personnages fantasmés. Pour ce faire, le joueur doit discuter avec ses prétendants et choisir les réponses qui lui permettront d’obtenir leur confiance, leurs confessions amoureuses et parfois même l’accès à leur couche.
Jusqu’en 1994, ces “dating simulators” souvent pornographiques s’adressaient uniquement aux hommes hétérosexuels. Cette année-là, l’éditeur vidéoludique japonais Koei a révélé Angelique, le premier “jeu vidéo dont vous êtes les héros” pour les femmes qui aiment les mâles façon manga. Dès lors, les dating sims destinés à un public féminin ou “otome games” n’ont cessé de devenir plus nombreux et plus populaires, notamment grâce à l’arrivée des smartphones. Assez, parfois, pour obtenir une traduction anglaise.
Pour Broadly, la journaliste Callie Beusman a mis 60 de ses précieux dollars dans ces simulateurs de drague anglophones sur téléphone – et découvert le bonheur illusoire d’être aimée en retour par un dessin. A l’origine, son expérience ne devait être que strictement journalistique. Mais au bout de quelques jours seulement, son “intérêt professionnel s’était transformé en curiosité pseudo-ironique, avant de muter en obsession pleine et entière” : “A la publication de cet article, écrit-elle, je suis l’heureuse propriétaire de cinq dating sims et neuf petits copains, parmi lesquels un démon aristocrate sexuellement agressif, une déité céleste pleine de retenue et un homme avec un fedora et un bouc qui semble bizarrement être mon oncle (c’est celui que j’aime le moins).”
Pour faire basculer leurs utilisateurs dans la dépendance, les dating sims disposent de plusieurs arguments. Le premier tient à leur durée de vie et à la grande variété d’options qu’ils proposent à leurs joueurs. Dans Kissed by the Baddest Bidder, Callie Beusman a eu à choisir entre cinq prétendants aux personnalités et aux développements différents. Chacun d’entre eux a droit à treize chapitres, au cours desquels deux à trois choix conversationnels devront être effectués par le joueur. Enfin, ils proposent tous deux fins différentes ; il y a beaucoup à faire et à rejouer. L’autre arme de ces jeux, c’est leur forme. Si certains trouvent les esthétiques manga rebutantes, d’autres n’en seront jamais rassasiés. La frontière entre ces deux états extrêmes est assez mince, croyez-nous.
L’argument ultime des dating sims, c’est qu’ils projettent l’eau de rose dans l’interactivité. Contrairement à un film ou un roman sentimental, ces jeux vidéo vous mettent au centre de l’action. Grâce à eux, vous pouvez vivre ce qui sera à jamais impossible dans votre existence misérable, comme charger une sauvegarde après avoir prononcé la mauvaise phrase et vivre des histoires incandescentes avec des entités parfaites. Bien inhumain celui qui saura triompher d’un dating sim sans s’y retrouver impliqué jusqu’au cou. Callie Beusman l’avoue du bout des lèvres : “J’ai vite trouvé ces séances virtuelles de drague affable (…) très prenantes.”
La journaliste fait désormais partie de ceux qui ont vu la terrible vérité : aussi connoté et arriéré puisse-t-il apparaître au profane, un dating sim est capable d’entraîner par le fond tous ceux qui lui en laissent la chance. C’est d’ailleurs pour ça que ces jeux connaissent un succès invraisemblable au Japon. Voltage Inc, l’éditeur qui a produit les simulateurs essayés par la journaliste de Broadly, a vendu pour près de 80 millions d’euros de marchandise aux Japonais en 2014. La même année, l’entreprise revendiquait 84 applications de drague imaginaire différentes et 22 millions de joueuses dans le monde. Depuis 2012, Voltage Inc. s’attaque même au marché américain depuis ses quartiers généraux de San Francisco, où travaillent déjà 30 personnes. Il s’agit sans doute de l’éditeur de dating sims le plus populaire de l’histoire.
Loin de s’arrêter au public anglophone, Voltage Inc. a commencé à traduire ses jeux en français : Seras-tu Ma Princesse ? est d’ores et déjà disponible sur l’App Store et l’Android Store. On vous recommande chaudement de vous laisser tenter. Si vous préférez la drague sur ordinateur, la plate-forme steam dispose d’un catalogue plutôt fourni en dating sims. Enfin, pour en apprendre plus sur les otome et ses codes, n’hésitez pas à parcourir l’article très complet de Callie Beusman.
Aucun commentaire. Laisser un commentaire