Rokudenashiko : gloire à la chatte !
Vous vous souvenez de la nature chatoyante et sexuelle de Alpha Channeling et des vulves colorées de chez Club Clitoris ? Et bien restons y bien au chaud car aujourd’hui je vous envoie à l’autre bout du monde, là où il fait bon se promener à pieds mais pas dans un canoë en forme de vagin.
« Je vous demande votre aide afin de ne pas être inculpée« . Voilà les premiers mots d’alerte du documentaire Pussy Power par l’artiste tokyoïte Megumi Igarashi. Plus connue sous le pseudonyme Rokudenashiko (« bonne à rien » ou « mauvaise fille » en français), vous l’avez surement croisée accompagnée de ses petites figurines en forme de vulve. Véritable phénomène dans son pays, elle fait des vagues au coeur du Japon conservateur où il vaut mieux cacher son entrejambe.
Partant de la volonté de démystifier l’organe sexuelle féminin, réel tabou au Japon, l’artiste a fait preuve d’une ingéniosité sans égale. Rokudenashiko s’est tout d’abord fait connaitre grâce aux illustrations et objets inspirés de sa vulve et de son vagin. Elle a également réalisé de nombreux dioramas (des petites maquettes) comme le merveilleux « All in one », des coques pour smartphones, des bijoux et des gâteaux : « Alors que les illustrations de pénis font partie de la pop culture, les chattes n’ont jamais été considérées comme mignonnes. J’ai voulu rendre la chatte décontractée et pop » explique l’artiste au Monde. Mais son oeuvre la plus sulfureuse reste un canoë-kayak construit à partir d’un moulage de son vagin.
Aidée par un ami, elle réalise un moule 3D de sa vulve grâce à un système de scanner hautement développé, lui permettant ainsi de jouer avec les dimensions. Financé grâce au crowdfunding, son projet voit le jour en juillet 2014. Afin de remercier les participants les plus généreux, elle leur fait part du scan de son entrejambe afin de pouvoir l’imprimer en 3D. Mais attention, la représentation d’organes génitaux est strictement encadrée au Japon – d’où les petits pixels dans les films ou manga à caractère pornographique. Foncièrement banni, l’envoi du scan vaginal de l’artiste l’amène manu militari au poste de police pour cause d’exhibitionnisme.
Mais pas de quoi décourager l’artiste qui repart en guerre après avoir été détenue quelques jours. Comme prévu, son canoë-vagin se retrouve sur le bord de l’eau sous l’oeil amusé des journalistes mais peu de temps en faut pour que la police nippone refasse surface. Quelques mois après sa première arrestation, elle est de nouveau arrêtée par les forces de l’ordre à cause de la diffusion de matériaux jugés obscènes : des sculptures en plâtre et des CD-ROM où l’on pouvait trouver des données afin de réaliser ces mêmes sculptures vaginales.
En plein coeur d’un procès hautement médiatisé, l’artiste a été condamnée à payer une amende de 400 000 yens (soit 3 250 euros). Mais le plus dommageable, comme le précise Kenya Sumi, un des avocats de Rokudenashiko, reste le retentissement du procès : « il serait regrettable que la décision ait pour effet d’intimider d’autres artistes ». Mais pas d’inquiétude, Rokudenashiko pour sa part ne s’est pas démontée. Elle a même proposé à ses fans, lors d’une conférence de presse suivant l’audience, des petites figurines roses de son manko aux yeux écarquillés. De nombreuses femmes ont aussi fait appel à l’artiste pour réaliser un moulage à partir de leur propre sexe.
Car c’est bien là le coeur du projet de l’artiste : casser les tabous et lutter contre la tradition qui voudrait attacher les femmes au schéma mariage-enfant-maison. « Une fois, une femme qui pensait comme ça est venue voir mes oeuvres qui sont très libres. Et cette liberté l’a aidée, lui a donnée de la force. Elle était persuadée que le mot vagin était tabou. Mais elle a compris qu’en employant ce mot elle pouvait défier la société phallocrate et ça lui a fait du bien » confit pour terminer l’artiste à l’équipe de Tracks. On se fait un petit tour de canoë-vagin après ça ?
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