Censure par l’argent : qui en veut à Fetlife et Bad Dragon ?
Chaturbate est fâché avec les sextoys Bad Dragon. Au mois de septembre dernier, la plateforme de cam a décidé d’interdir les produits de la marque pourtant très populaire chez les indépendants ; fini les godes en forme de sexe de dinosaure ou de tentacule dans les camshows. Shirley Lara, la directrice de l’exploitation du site, avait alors affirmé que la décision avait été prise sur conseil de son “équipe légale”.
Bien que Shirley Lara ait réitéré cette explication au cours d’un échange avec Le Tag Parfait, nous ne pouvons pas nous empêcher de douter : l’interdiction des jouets Bad Dragon est-elle une décision de la plateforme, ou celle d’une société tierce ?
En effet, si les conditions d’utilisation d’un site adulte ne sont écrites que par ses responsables, les règles appliquées in situ proviennent parfois d’autres acteurs économiques en lien direct avec leur business : les processeurs de paiement.
Ces sociétés qui gèrent les transactions en ligne se font souvent très chatouilleuses quand il est question de nudité ou de sexualité. La plus célèbre d’entre elles, PayPal, est allée jusqu’à mettre un terme à sa collaboration avec la plateforme de crowdfunding Patreon au motif que certaines de ses pages abritaient du “contenu adulte”.
Ces processeurs de paiement sont indispensables pour un site marchand ; sans eux, pas de transaction bancaire possible. Cette position de force leur permet d’imposer leur loi à leurs clients. CCBill, par exemple, interdit de diffuser des images “d’extrême violence, d’inceste, de snuff, de scatologie ou d’élimination de n’importe quel fluide corporel sur un individu, de mutilation, de viol”. Dans les faits, cela signifie qu’une scène d’éjaculation féminine ou de fist peut lui suffire à priver un site de ses services et donc de ses clients. Si ce n’est pas de la censure, c’est au moins du kink-shaming.
Beaucoup de professionnels du X ont été durement frappés par les décisions de leur processeur de paiement. JenniCam, la camgirl originelle, a mis un terme à son expérience de livestreaming permanent quand PayPal a désactivé son compte pour nudité. Engadget rapporte que le service s’en est pris à des dominatrices, des escorts et même des festivals érotiques. Désactivation de compte, gel d’avoirs, bannissement à vie… Cela dure depuis des années, et ça continue.
La semaine dernière, le plus gros réseau social pour fétichistes Fetlife a fait disparaître des centaines de groupes et des milliers de fétichismes de sa base de données pour contenter ses processeurs de paiement. Le premier évoquait des fétichismes liés “au sang, aux aiguilles et au vampirisme”, le second des raisons “d’illégalité et d’immoralité”. Le fondateur de Fetlife, John Baku, explique dans un long billet de blog que les deux services ne faisaient qu’obéir aux ordres de « l’une des deux sociétés de carte bancaire » – c’est-à-dire Mastercard ou Visa, American Express n’étant pas une solution de paiement possible sur les sites porno.
A demi-mot, John Baku confirme ce que beaucoup suspectent depuis longtemps : les principaux responsables de la censure économique de la pornographie en ligne sont en fait Mastercard et Visa. Les processeurs de paiement ne feraient que répercuter ces règles sur les sites qui utilisent leurs services. Une petite chaîne de la morale par l’argent que nous vous expliquerons plus en détails prochainement.
D’où l’intérêt des crypto monnaies, c’est typiquement à cause de ce genre de cas qu’elles ont émergées. Quand les échanges d’argent vont devenir incontrôlables, ils vont peut être changer leur fusil d’épaule ?