MyFreeCams
Avec ses trente millions d’utilisateurs uniques par mois, ses quinze millions de membres et ses cent mille modèles enregistrés, MyFreeCams revendique le titre de plus grand site de live cam du monde. Depuis 2013, il caracole régulièrement dans le top 500 des pages les plus visitées outre-Atlantique. Petit préféré de l’industrie, il a aussi été sacré champion de sa catégorie à trois reprises par les XBIZ Awards, de 2011 à 2013. Une consécration de taille pour MyFreeCams, qui est né en 2004 mais qui a rencontré le succès il y a seulement cinq ans.
Le père de MyFreeCams s’appelle Leonid Radvinsky. Plus connu aujourd’hui sous le pseudonyme de Leo, cet empereur de l’Internet a toujours fait preuve d’une discrétion peu commune, refusant toute interview et se substituant systématiquement aux organigrammes de ses différentes sociétés. Leonid Radvinsky a fait ses preuves avant le lancement de MyFreeCams en créant deux entreprises d’ingénierie informatique et numérique, Activsoft et Cybertania, respectivement en 1997 et 1999. En 2014, ces deux boîtes fonctionnent toujours très bien ; Activsoft enchaîne les rachats et s’est même installée en France.
L’année de la naissance de MyFreeCams, Leonid Radvinsky a pourtant fait beaucoup parler de lui. En septembre 2004, Microsoft et Amazon l’attaquent en justice pour une affaire de phishing à très grande échelle. A l’époque, le bonhomme a déjà une solide réputation de petit escroc et de spammer ; les deux géants l’accusent d’avoir utilisé leur nom pour tenter de récupérer les informations personnelles de dix millions de personnes via des e-mails falsifiés. Activsoft et Cybertania sont également concernés par la plainte. Malgré l’ampleur de la faute, il semblerait que ces poursuites aient été abandonnées sans trop que l’on sache pourquoi.
Ce n’est pas tout. Notre homme est également le fondateur d’un site qui a ennuyé beaucoup de monde à l’aube des 00’s : Ultrapasswords.com. Aujourd’hui, la page n’est plus mise à jour, elle ne fait que rediriger vers MyFreeCams et MyFreePaysite, un autre rejeton de Leonid. Mais il y a une dizaine d’années, Ultrapassword vendait à bas prix des identifiants de sites X volés. Le petit monde des webmasters porno en bruissait encore de colère et de jalousie il y a quatre ans, après le succès fulgurant et parfaitement légal du site : « Rien de mieux que le succès pour blanchir un voleur. »
En attendant, il faut bien avouer que Leonid Radvinsky a gagné à la loyale avec MyFreeCams. Au début des 10’s, le site adopte le modèle freemium : les visiteurs ont désormais le choix entre une offre gratuite et une offre payante, dite premium. Pour accéder à ce statut privilégié, pas question d’abonnement mensuel ; il faut acheter des tokens à environ dix centimes de dollar l’unité. Cette monnaie virtuelle permet de payer ou de récompenser les performeuses pendant leurs shows, publics ou privés. La plupart des cameuses fixent des tarifs précis : cent tokens pour enlever le haut, trois cent pour le bas, ainsi de suite. Le site prélève ensuite la moitié des tokens perçus ; c’est beau, simple et très efficace. En fait, MyFreeCams n’a rien inventé. Leonid Radvinsky a piqué l’idée à Cam4, un autre site de live show qui s’est lancé dans le freemium environ deux ans avant lui.
Avant l’avènement de ce modèle miracle, les sites de cam facturaient à la minute pour des shows privés, un marché extrêmement lucractif (car vite addictif) mais limité à ceux qui en ont les moyens. Dans le modèle freemium, les lurkers sont acceptés et ils sont largement majoritaires, d’où un énorme intérêt pour MyFreeCams (ainsi que Cam4 ou Chaturbate) et une certaine haine de la part du milieu qui voit le modèle freemium comme les « tubes de la sexcam ». Une comparaison un peu foireuse puisque le contenu est totalement exclusif et qu’il pleut des tokens par milliers à chaque session.
Qu’importe, ça fonctionne fort et la popularité du site continue de grimper en flèche jusqu’au début de l’année 2013. Sur les forums du milieu, on raconte que le site génère vingt à trente mille dollars de revenus par jour. Certaines camgirls sont de véritables célébrités, des milliers de personnes se pressent à l’entrée de leurs shows et les tokens pleuvent. Début 2013, le patron de l’agence de modèles indépendants Best Kept Secret, Ross Love, déclare à CNBC que certaines cameuses perçoivent « entre 75 000 et 100 000 dollars par mois » sur MyFreeCams. Les actrices professionnelles ont vite eu vent de ce succès. Aujourd’hui, on peut y croiser Tylene Buck, Julia Bond, Jenna Jameson et même Bree Olson. Elles ont toutes laissé tomber le porno avant de se laisser séduire par les sirènes du cam show.
Les studios aussi sont sur la plateforme, représentés par des actrices avec lesquelles ils sont unis par contrat. En avril 2010, par exemple, Monique Alexander et Sunny Leone se sont lancées dans un cam show lesbien ; à l’époque, les deux actrices bossaient pour Vivid. Il y a aussi les porn stars indépendantes qui passent sur MyFreeCams de temps à autres pour se faire un petit extra, Alexis Texas, Lexi Belle, Eva Angelina. Le problème, c’est que les actrices professionnelles reçoivent souvent un accueil plutôt mitigé. La plus performante, Bree Olson, s’arrache au mieux à quatre mille spectateurs. C’est pas mal, mais pas exceptionnel. Les internautes sont là pour voir de nouvelles têtes, des girl next door et ils ont du mal à lâcher des tokens pour une porn star qu’ils connaissent déjà par cœur, par monts et par vaux : Jenna Jameson dépasse à peine les deux milles admirateurs.
En faisant la part belle à la spontanéité et à la découverte, MyFreeCams et ses copains sont en train de changer la face du porno. Il suffisait de laisser les internautes choisir. Contrairement à ses homologues, Leonid Radvinsky a aussi imposé une règle un peu étrange pour les modèles : pas d’hommes, pas de trans. En solo, en couple ou à plusieurs, seules les femmes sont les bienvenues sur MyFreeCams, les éphèbes à la peau de porcelaines et les vieux poilus sont priés de se rabattre sur la concurrence. On ne sait pas pourquoi ils pratiquent cette discrimination mais ça ne les empêche pas d’être une machine à cash. Tant et si bien que Leonid Radvinsky a abandonné son costume de phisherman pour celui, plus confortable, de venture capitalist dans le domaine de la technologie. Sur son site, Leo.com, il parle d’investissements à hauteur d’un million de dollars.
Seule la cam paie.
Aucun commentaire. Laisser un commentaire