L’amour entre deux Gang Bang
Il y a des moments de vérité dans une vie. C’est pas tous les jours, alors ça marque. Ça s’imprime au fond de la rétine et jusqu’aux tréfonds du cortex pour ne jamais s’effacer.
Le rapport au porno comme utilitaire de plaisir, comme moyen pour arriver à une fin, c’est le point commun d’une grande majorité d’utilisateurs anonymes. Youporn, Xhamster et autres PornHub sont là pour ça. Te durcir assez longtemps pour exulter enfin. Le plus vite sera le mieux, puis revenir aux obligations d’une vie qui n’a pas pris le temps de t’attendre, toi et ton besoin masturbatoire. Les 2, 3, 10 minutes utilisées le sont comme ces kleenex : je me laisse aller à l’animal, je jouis, avant de reprendre contact avec le rationnel, tout n’est plus qu’un souvenir dans l’apaisement post-orgasmique.
Les clips se suivent et se ressemblent tous sur ces plateformes bordéliques où les extraits de grosses prods léchées (haha) côtoient les vidéos shootées au portable par ton chargé de clientèle Société Générale, il se met en scène avec sa femme au milieu de son salon, des housses en plastique sur le canapé, pour ne pas tacher le cuir.
Ça couine, le plastique.
Le point commun de tout ça, ce sont des filles et des situations qui n’ont aucune réalité en dehors de l’image granuleuse que Flash et ta connexion ADSL pourrie te permettent de visionner. Quand ce ne sont pas les seins gonflés, ce sont les postulats de départ qui rendent impossible toute tentative d’identification. S’il y en a un, de postulat. Tu es spectateur et puis c’est tout. Ce porno là, tu ne le regardes pas pour t’élever, pas pour t’évader, mais juste pour ne pas avoir à te poser de question. Juste bander.
Et puis au détour d’une recherche, d’un clic ou d’une suggestion, c’est le choc. Une chevelure, un regard, la courbure d’une hanche et une moue mutine. Cette bouche entrouverte ou ce sourire innocent. Cette fragilité que tu vois en transparence dans la timidité avec laquelle elle se déshabille devant toi, l’écran entre vous deux.
À cet instant, elle ne ressemble plus à aucune autre, ou plutôt, elle ressemble à toutes les autres. À toutes celles qui ont peuplé ta vie, tes nuits, tes rêves parfois. Elle est en train de t’offrir sa pudeur, et tu en es le témoin ému. Elle te titille comme aucune autre, semble-t-il avant elle. Tes boyaux se serrent et tu réalises que l’érection est une chose, mais que ce qui se passe là en est une autre. Yeezy chante « I think I fell in love with a pornstar », c’est ce qui est en train de t’arriver. Ça te colle une beigne en pleine gueule. Tu as du mal à te relever.
Elle hurle son désir, son plaisir, haletante, luisante de transpiration et tu ne peux penser à rien d’autre que : « Dieu, qu’elle est belle. Spectaculairement belle. ». Bonne, chaude, cochonne, tous ces mots n’ont plus lieu d’être puisqu’elle est belle. Tu voudrais maintenant que ces mains qui ne sont pas les tiennes arrêtent de se poser sur elle, et que cette queue que tu ne connais pas veuille bien arrêter ses allers-retours parce que si tu pouvais, tu la garderais jalousement pour toi. Tu voudrais être seul avec elle, que tout le reste devienne flou.
Et puis Descartes vient frapper à ton système limbique et tout te rattrape. L’absolu laisse place au rationnel. Tu analyses, tu prends les faits et les détails comme ils viennent : cette couleur de cheveux, cette fossette, ce grain de beauté juste sous le nombril, ces seins bombés, roses, puis ce regard… Tu y retrouves l’abandon que tu voyais parfois dans celui d’une autre qui, elle, est passée entre tes draps.
Stop. Pause. Réflexe de stalker. L’image s’est figée sur son visage, les yeux fermés, la bouche grande ouverte, son cri n’emplit plus la pièce. Il ne reste plus qu’elle et toi. Enfin. Et la réalisation que ce qui te touche au plus profond, ce qui vient de te mettre à terre, c’est la ressemblance frappante avec l’Ex. Ce qui vient de te faucher en plein vol, c’est l’irruption bien tangible de ton expérience, avec ses odeurs, ses cris et ses accrochages, dans la fiction de ces images. Télescopage.
De l’IRL dans l’irréel.
Moi, ce matin, c’est M. que j’ai cru reconnaître entre deux gémissements.
Les réactions sont troublantes. D’abord le syndrome du chevalier blanc qui fait surface. C’est un réflexe, je n’y peux rien. Le désir, l’envie de la « sortir de là », de l’arracher à cette industrie qui broie la chair. Et puis je remets les choses à leur place, je me rends compte que je ne suis pas un vieux con coincé, que l’industrie du porn malgré ses travers, est de plus en plus éloignée de cette sale image que l’on en a, et que cette fille qui hurle sous les assauts de trois mecs grognant est sans doute très heureuse d’être là. Elle ne cherche personne pour la sauver puisque cette situation, cette vie, cette carrière, elle l’embrasse de tout son corps. Et pourquoi ne le ferait-elle pas, puisqu’elle vient de me faire tomber amoureux ?
Alors je ferme ma fenêtre Safari parce que merde, à force, ça fait mal.
La vidéo n’avait pas de titre reconnaissable. Pas de crédits, peu ou prou, sur ces sites de partage. La paternité de l’œuvre, de la performance, n’ont ici que peu d’importance. Alors, ces 12 minutes de jouissance vont rejoindre la multitude sans nom et sans visage. Je ne recroiserai sûrement plus jamais celle qui vient de me marquer la mémoire au fer rouge. Ça s’est passé très vite, comme une des Passantes de Brassens, mais il reste ce regret de ce qui pourrait finalement être l’idéal sexuel : une fille belle et touchante, et qui n’a pas froid aux yeux. Parce que le cul, c’est important.
Celui qui a dit du porno que « le romantisme c’est pour les autres » est un pauvre con.
Cette analyse est si juste ; je me rappelle mon amour de jeunesse, sur papier glacé : cette coquine de Florence, la tante super cochonne qui se fait trombiner par deux malfrats entrés par effraction dans sa maison bourgeoise…
Bref, je voulais juste verser ma larme de nostalgie pour ces amours pornographiques qui nous hantent pour toujours et c’est vrai que la profusion des sources gratuites en streaming rend le porno fatalement jetable et l’objet me manque, ce bel objet que l’on cachait sous son matelas ou dans son dessous de tiroir, ces hot video, ces vieux rodox piqués à papa, ces mini calendriers avec des gonzesses à poil, ces playboy avec la belle Pamela toute collée au milieu…
J’aime bien cette dernière idée des passantes (dont je donnerai plus volontiers la paternité à Baudelaire qu’à Brassens, mais bon, ça c’est perso j’imagine).
Ces rencontrent qui n’en sont évidemment pas du tout mais qui pourtant viennent nous chercher dans des coinstots bizarres qu’on ne pensait disponibles que dans le réel troublant de la rencontre amoureuse.
C’est que ce furtif esthétisme du porn qui toucherait la même chose qu’un film de midinette… On reste finalement peu de chose devant un écran, branlant ou pas…
« La pornographie, c’est l’érotisme des autres. » André
Breton
Cet article me plonge dans une tristesse
souriante.
La citation en fin d’article est inspirée de « La pornographie, c’est l’érotisme des autres » d’Alain Robbe-Grillet, et non d’André Breton.
La Rédaction
« L’érotisme, c’est la pornographie des autres. » Alain Robbe Grillet
vs.
« La pornographie, c’est l’érotisme des autres. » André Breton
Que la citation soit inspirée par Robbe-Grillet ou par Breton importe peu, la seule conclusion est qu’une forme de beauté existe dans le porno. Cet article est une dédicace à toutes ces anonymes qui nous ont marquées la pupille par leur beauté: une note de douceur dans ce monde de foutre.
Petite id de la brunette sur la deuxième en n&b please ?
Article tellement touchant !
Me voilà bien émue.
Oui, oui, si quelqu’un lis encore les commentaires de cet article 3 ans après, dites-nous qui est la fille sur la deuxième photo SVP. Elle a « un petit air » d’Afrodite Night, mais je ne crois pas que ce soit elle… Back in the days, I did fall in love with Afrodite’s inverted nipples.
si quelqu’un « liT », excusez ma conjugaison.