Bruce LaBruce
Avez-vous déjà vu un zombie enfiler un mort et prendre son pied ? Non ? Alors je vous emmène chez Bruce Labruce pour un voyage au pays de la transgression, à travers un entretien écrit qu’il m’a accordé et sa filmographie.
Si les films de Bruce Labruce sont souvent classés dans le porno gay, le photographe, réalisateur et producteur canadien ne vient pourtant pas du milieu du X, comme en atteste sa production aussi hétéroclite que non-conventionnelle. Sa façon de filmer les scènes de sexe diffère totalement de la façon de faire habituellement requise sur les tournages. Il considère d’ailleurs ces conventions comme très limitatives et contraignantes. Les gros plans et les éjaculations sont généralement peu visibles dans ses images et la narration y est primordiale. Chez Labruce, on vous fait bander à coup de belles images, de fantasmes fantasques et de tabous transgressés. Il a compris que nos sexes avaient un cerveau, ça change… Pour le réalisateur, le sexe sert autant à exciter qu’à faire passer un message politique et ses films se retrouvent, pour son plus grand plaisir, à concourir aussi bien à la Berlinale en 2004 qu’aux Porn Awards en 2009.
Bien que le porno ça ne soit pas vraiment son genre préféré, il tourne en 1998 pour la maison de production berlinoise Cazzo, spécialisée dans le porno gay hard, et réalise Skin Flick, puis sa version hardcore Skin Gang avec une façon de filmer très conventionnelle, et à mon avis moins intéressante. Labruce m’explique que depuis, il réalise régulièrement des versions explicites, voire carrément porno, de ses films pour répondre à la demande des boîtes de production de films X.
Lorsque j’évoque l’aspect politique de ses films, Bruce Labruce me répond qu’il se considère comme un « activiste gay » qui a toujours cherché le non-conformisme. Effectivement, dans ses films, il s’attaque à tous les tabous, hormis ceux de la pédophilie et du snuff auxquels il affirme ne jamais vouloir toucher. C’est ainsi qu’Hustler White (1996) offre un panel varié de pratiques sexuelles grâce aux personnages principaux que sont les prostitués de rue d’Hollywood et leurs clients. On peut y voir un garçon se faire momifier par un travesti plus âgé, un autre se faire pénétrer par le moignon de mollet de son partenaire ou encore plusieurs hommes se livrer à de la suspension, du fouet et de la domination dans un appartement transformé en donjon. Dans Skin Flick (1999), Labruce s’intéresse à l’érotisation de l’esthétique nazie et à l’excitation que peuvent provoquer les rapports de pouvoir et l’utilisation des armes. Des thèmes assez similaires à ceux de The Raspberry Reich (2004), qui met en scène un groupe de terroristes qui se révoltent contre l’hétérosexualité obligatoire et qui se font bander à coup d’entraînement militaire.
L’originalité des films de Bruce Labruce, on la retrouve dans la créativité du scénario et les détails amusants, comme par exemple le film de cul hétéro que regardent les trois néo-nazis en se branlant et se suçant, les images du défilé de la garde nationale londonienne, ou encore celles de la vieille dame qui se fait voler son sac à main par un des protagonistes dans Skin Flick. Certains trouveront qu’on tourne autour du pot et qu’on perd le fil. Mais je suis attachée à cette légère complexité qui me stimule un peu plus profondément que les muqueuses, en faisant appel à un imaginaire fétichiste qui érotise tout le film et maintien l’excitation entre les scènes de cul. Je pense encore à cette très belle scène dans laquelle un jeune type lèche sa mitraillette, la bite au garde-à-vous, réalisant ouvertement ce que bien des amateurs de treillis doivent faire inconsciemment en astiquant leurs rangers et leurs armes à feu.
Il me semble que si les productions de Labruce ne sont pas à proprement parler des pornos, en ce qu’elles contiennent peu de plans génitaux et beaucoup de scènes narratives sans sexe, leur contenu sexuel sous-jacent les rend prodigieusement obscènes. Dans la même logique, le fait qu’il y ait aussi des femmes, chose très rare dans un porno gay, qui baisent dans les films de Bruce Labruce me plaît bien. Cela renforce cette impression que le monde entier est une vaste aire de jeux sexuels, toutes pratiques confondues. J’aime cette variété et cette créativité érotiques qui, bien qu’étant parfois au bord du grotesque, ouvre des perspectives sexuelles infinies.
Mais LaBruce j’aime tellement ses photos .. et j’avoue que je ne connais pas très bien son boulot vidéo, au début je n’savais même pas qu’il y avait plus que des photos en fait. Un pote a joué le rôle principal dans le film Otto or Up with dead people, c’est là que j’ai réalisé le truc .. Et que j’ai jalousé mon pote du coup.
En tout cas voilà, l’univers du mec, l’ambiance, tout ça, ouais, c’est bandant. Putain de bandant.
Par ailleurs l’avant dernière scène du film Doom Generation de Gregg Araki, qui est juste mon film fétiche, aurait pu avoir été tournée par lui vu le truc, donc je l’aime.
A noter le fabuleux « commentaire audio » (j’insiste sur les guillemets car il est autant audio que vidéo, finalement) présent sur le DVD de Hustler White, magnifique film sur lequel plannent les ombres de Kenneth Anger et Paul Morrissey… J’aime un peu moins le reste de sa filmo, mais c’est toujours agréable de lire des articles sur ce réalisateur trop méconnu.