#thirty : Itinéraire d’un trentenaire blasé
A vingt ans, je portais ma quine en avant tel un soldat pas très dégourdi s’apprêtant à prendre le train pour la première fois en direction de l’Est de la France. Un « on sera rentré dans 6 mois et on va bien les éclater ces cons d’allemands ahahah! » reflétant une naïveté certaine ainsi qu’une méconnaissance de la vraie vie où les choses se passent à fond. Comprendre : j’étais jeune, mes potes étaient cool et on kiffait tous la life façon Baywatch, courant moitié nus sur les plages ensoleillées de la Californie sans trop se préoccuper des requins. J’enchaînais à ce moment là des relations au potentiel cul plus ou moins lol, c’était ma phase d’expérimentation, celle dont tout le monde se souvient avec nostalgie et où le #adventurous est roi. Le temps béni où un rien me faisait frétiller l’entrejambe. Puis les années passant, je réalisais certains ou la plupart de mes fantasmes à la bien, cartographie 18+ et situations singulières, me disant que parfois un peu de love dans tout ça ce n’est pas si mal. C’est aussi durant cette période que je consommais le plus de porn, en one shot ou carrément boulimique, comme la majorité de mes connaissances, filles ou garçons : Tout le monde au même niveau, communisme pornophile assumé et l’internationale des pipous comme bannière.
Puis est arrivée la trentaine. LA trentaine. Le tag #thirty qui te colle à la peau comme ta langue pâteuse un lendemain de cuite. Ce tag que je me préparais à rencontrer sans vraiment le connaître. Après plusieurs relations longues et de nouveau single, j’étais devenu too old pour les #barelylegal, ou il me fallait les attraper en cachette comme un chasseur des Pyrénées qui tente de flinguer une espèce protégée. La honte en bandoulière, tout cela laissait présager d’une décennie soit franchement maqué, soit franchement relou. Dans les deux cas, ça ne sentait pas bon pour le soldat Cold. J’avais déjà enfilé du kilomètre niveau vie à deux et retourner au front sans profiter d’une bonne perm méritée, non merci. Expérience contre petit cul encore solide, il me fallait donc choisir entre les youngsters portant sur leurs épaules la dure mission de me surprendre, ou risquer de tomber sur une relation sérieuse non consentie. Le #thirty est parfois farouche, l’horloge biologique le titille constamment et surtout, il est souvent blasé.
Pour résumer la situation, les trentenaires ont ce postulat en commun : le plus dur n’est plus d’aller au front pour gagner la bataille du coït, mais de trouver des façons de s’envoyer en l’air qui n’ont pas déjà été usées jusqu’à l’os ou sabotées par les clichés. Nourrir son propre désir, fabriquer de nouveaux fantasmes, en gros : la guerre contre la monotonie. Vaste sujet qui englobe toutes les dynamiques de cette période de la vie, dont une des plus importantes est le besoin de nouveauté face à la somnolence sexuelle. Well Sir, challenge accepted.
Je me suis donc donné la mission de trouver du porn à la hauteur de mes ambitions, à la fois bien fait et bandant, à la hauteur d’un tag #thirty durement mérité. Mais c’est là que le bât blesse : le jeunisme est partout et les trentenaires n’ont plus rien à se mettre sous la dent. C’est déjà flagrant chez les actrices : rares sont celles qui dépassent la trentaine et qui sont encore désirées et désirables, têtes et attitudes trop consommées, vieux disque rayé qu’on rechigne de plus en plus à poser sur la platine des tubes. Le porn jeu se construit à la petite vingtaine, une fois que t’as dépassé ce créneau de quelques années tu gicles direct à la case #milf ou à la case #hasbeen. Forme de No Future post-vingtaine que les acteurs toyboy ne connaissent pas des masses, sûrement du au fait que personne ne les regarde vraiment. Je ne parle même pas de 99% de la prod se limitant à du pipe-pénétration-sodomie-faciale pour boloss mondial. #ennui profond. La pornographie est un média artistique comme les autres mais elle souffre grandement d’un simplisme adolescent. Un autre chemin est possible, tout reste à faire, car presque rien n’a été fait. Il y a bien des îlots de félicité : Malice In Lalaland, Dirty Diaries, Body Heat, Porn of the Dead, ce fameux Rage Anthracite ou dans le cinéma traditionnel Intimacy de Patrice Chéreau, puis plus récemment Too Much Pussy pour relever le niveau et faire apercevoir des rivages plus glorieux. C’est carré, souvent bien filmé, audacieux, surprenant. Ça fait bander ma bite et mon cerveau. Ces gens ont tout compris.
Depuis mes vingts ans, je me suis toujours dis que le porno restait la dernière des frontières encore vierge à explorer dans l’art, constatant la quasi inexistence affligeante de l’indé ou de l’expérimental dans ce monde et leur non-vie ne serait-ce que dans les intentions en France. Parce que disons le franchement. Quand t’as vu un POV lambda, tu les as tous vus. Quand t’as vu un threesome lambda, tu les as tous vu. Quand t’as vu l’histoire du plombier, t’as vu celle du masseur, du livreur de pizza et du boss qui veut sa secrétaire dans son bureau et tout de suite, ferme la porte merci il fait chaud ici non ? Il faut creuser encore et encore et toujours pour trouver son bonheur, flirtant parfois avec l’inavouable, seul moyen de raviver le désir et te coller le thermomètre cérébral au rouge mercurochrome.
Le tag #thirty n’existe pas mais il faudrait l’inventer. Un tag pour tous ceux qui attendent autre chose qu’une prod à deux balles, pour le snob qui dort en chacun de nous et qui réveillerait le porn game à grand coup de créativité et de lol. Un tag qui transcenderait le jeunisme et les canons du genre. Un tag qui éviterait la médiocrité, qui ne tomberait pas dans l’intello-psycho-sexactu mais qui te donnerait envie d’y retourner parce que ça te réveille la quine, la chôtte et le cerveau en deux deux.
On a tous connu ces fins de soirées où chacun y va de sa petite considération sur l’état du monde artistique. “Tout a déjà été fait”, “tout le monde copie sur tout le monde”, “vas y que ça recycle les vieux succès en boucle”, “on a déjà vu/entendu ça mille fois”. Toutes ces petites phrases qui ont le don de me foutre en rogne. Déjà parce que sorti d’un manque de maîtrise en digging de nouveauté, il y a une sérieuse cécité face à tout un pan de la culture mondiale dont on se fout royalement car trop éloignée de nous, et ensuite parce que dans toutes ces considérations, il y a LE grand oubli. Celui auquel on ne pense jamais. Dans le porn, tout reste à faire.
Ah il est là lui ; bravo pour ta promotion mec, très bel article.
Tu devrais essayer le cinéma contemplatif, y’a des trucs chouette chez Hegre Art et la plupart ont la maturité de la pratique
salut simon et merci 🙂
Hegre Art ont déjà le bon point d’utiliser du matos convenable et de faire des lumières intéressantes. Pour ce qui est du contenu c’est une autre histoire …
Le flow coule, Peter déroule !
Merci pour le bon moment.
Peter Cold, votre article me fait l’effet de la pluie fraîche qu’on attend désespérément après une semaine de canicule. Ça fait du bien, quoi.
Peter Cold, le facial raining du tag
@clairette : merci 🙂
@simon : restons corrects ahaha
@oli : susu !