« Dan Quichotte » : La France qui khâgne
Je venais de quitter ma douce mais oisive retraite bruxelloise pour retrouver le rythme thrombophlébitique du métro parisien. Rasé de près et plus éphèbe que jamais, le très urbain Jizzkov m’accueillait en son humble demeure pour préparer notre immersion nocturne dans le X français : la présentation du nouveau film de Christian Lavil, « Dan Quichotte et les femmes », en présence du casting. Miam.
En guise d’apéritif, je lui infligeais une outrageante déculottée vidéo-ludique, rappelant les heures les plus roses de l’Histoire de son petit cul blanc. Enfin, la nuit tombant, nous nous dirigeâmes vers Pigalle et le Musée de l’Erotisme, où se tenait la cérémonie. C’était un jeudi d’octobre, et les feuilles mortes entamaient leur descente au rythme de la nôtre houblonnée. Nous ne savions pas encore où nous allions atterrir…
On nous a accusé, entre autre chose, de « chier sur le X français » (sic). On n’était pourtant là, sans peur et sans reproche, aux premières loges pour assister à la grand messe du porno à la française. Le lieu, sans équivoque, prêtait à la confidence. Malgré l’ennuyeux étalage de godes en macramé et autres objets phalliques d’un goût douteux, les nombreux étages et recoins exigües du musée correspondaient parfaitement à ce type de soirée informelle. It’s a trap ! Des filles dévêtues se baladent négligemment autour de nous tandis que l’on entame une OPA sur le bar. Sur des écrans disposés stratégiquement étaient diffusés film et making of tandis que de nombreuses télés qui avaient fait le déplacement interviewaient l’équipe du film, orpheline de sa star, Angell Summers (aux USA en ce moment), mais tout à fait disponible et aimable. C’est d’ailleurs dans les costumes du film qu’ils se présentent à nous.
Bonne ambiance au Musée, c’est une belle partouze entre Cervantès, Victor Hugo et la Comtesse de Ségur (entre autre !) où Sancho (Robert’O) fait chat-bite à Don Quichotte (Phil Hollyday), sous l’œil amusé de Cosette (Tiffany Doll) et Sophie (Charlotte de Castille). Mes années de prépa m’ont vraiment déformé, je suis perdu face à tant d’anachronisme et de rencontres improbables. On hésite à se jeter dans cette foule bigarrée, la chaleur est étouffante, mais que diable étions nous allés faire dans cette galère ? Jizzkov est comme habité, il n’a d’yeux que pour une beauté brésilienne inconnue, à moins que ce ne soit pour l’un de ces photographe « creepy as fuck » qui mitraillent à tout va et dont le charme exotique ne peut qu’interpeller mon comparse aventureux. On essaye de se balader à travers les étages et on réussit à se faire traiter de voyeurs par un putain d’énergumène, alors qu’une séance photo sans équivoque a lieu dans un coin sous nos yeux innocents. C’est le tesson qui se moque de l’ébréché (proverbe bulgare, ma gueule).
On finit par accrocher Christian Lavil, notre hôte, qui nous rassure quant à ce rassemblement de personnages disparates. En effet, le X ne s’embarrasse pas de syncrétisme, tout ça c’est pour le LOL, tant qu’on s’amuse et que l’on peut produire des films dignes de ce nom. Il nous invite à nous rapprocher de la cythéréenne Sabrina Sweet, que nous avions entre aperçu en début de soirée, se livrant à un shooting bien schwouing !
J’ai toujours été amoureux de Béatrice Dalle. Alors forcément, quand je me retrouve face à son incarnation blonde et tatouée, je redeviens immédiatement puceau, les mains moites, le regard fuyant, la pression. C’est l’effet Sabrina Sweet. Bien installée dans le X français, elle est passée par de nombreux styles, goth électro, punkette, etc, ce soir c’était fishnet, high heels et blond platine. Une scène entre elle et Milka Manson me revient, je suis saturé d’images saugrenues. J’arrive tant bien que mal à lui dire qu’elle me fait penser à Béa, on lui a déjà dit mille fois, Jizzkov, ce flagorneur invétéré lui dit qu’elle est plus belle que Dalle. Amertume. Bon, moi j’ai la bave aux lèvres, j’essaye même plus d’articuler, je gobe devant cette superbe créature, un brin destroy, une Betty Blue post-apocalyptique. Dans le film, elle incarne la mauvaise conscience de Don Quichotte, wèwè, non content de faire forniquer les grandes figures de la littérature européenne, Lavil a fait intervenir la métaphysique, ainsi que Bernard Maddoff mais là ça va trop loin pour moi. Sabrina nous raconte le tournage dans le Sud de la France, l’aspect clanique de la bande à Cricri, la semaine passée avec l’équipe un brin déjantée mais soudée… Des souvenirs de vacances plus sympas que les miens à Royan.
On parvient à coincer Tiffany Doll dans un coin du musée pour la soumettre à la Question, ambiance inquisition espagnole, la jeune effrontée, allergique aux boutons de chemise, s’assoit sur une chaise à trou et se prête à l’exercice. De Tiffany, je ne connaissais que son casting chez Woodman, plutôt marquant dans son genre, où elle ne cessait de rire face à la surenchère agressive de ce bon vieux Pierrot la Bedaine. Nature aux pommes, avec ses tâches de rousseur et son franc-parler, elle nous explique sans sourciller comment, lors du tournage, elle a pratiqué pour la première fois l’auto-fist anal. La scène étant présente dans les bonus du film, un clin d’oeil malicieux du Jizzou m’annonce le programme télé de notre fin de soirée.
Elle interprète donc Cosette, la souillon des Misérables, cette fois nymphomane et adepte des manches à balai. On s’est penché sur ses habitudes masturbatrices, notre façon à nous de briser la glace :
« J’aime bien me branler, je me branle plusieurs fois par jour, c’est un passe temps, c’est compulsif. Je peux me branler devant à peu près tout, que ce soit La petite maison dans la prairie, ou n’importe quel dessin animé… D’ailleurs ce matin je suis déçu, je n’ai pas pu voir Bob l’Eponge, dont je suis fan absolue, il est carré, il a des trous. Un trou c’est fait pour être rempli, c’est ma philosophie dans la vie. »
Et au niveau des tags, plus précisément ?
« J’utilise un support porno quand j’ai vraiment besoin d’excitation (…) Je vis un peu la sexualité comme les hommes en fait, on a tendance à penser que les femmes ont un point de vue romantique en matière de porno, ce n’est pas mon cas, le « porno pour femmes » pour moi c’est de la connerie »
« En terme d’actrice, je vais préférer des nanas inconnues, je suis tentée par l’amateurisme. Parfois ça m’arrive de revenir sur certaines scènes qui m’ont plu. Quand j’arrive sur un site, je tape #anal, #monstercocks, des trucs comme ça. Il y a une différence entre ce que je regarde et ce que je peux faire dans le privé. Le plus important c’est de voir que la nana prend son pied, sinon ça n’a aucun intérêt. »
On saute sur l’occasion pour faire référence au coup de gueule de Bruno SX, tombé sur les internets quelques jours auparavant, sur la norme imposée par les Etats-Unis, « pays de mongols » (sic), en matière de calibre:
« Bruno n’a pas tout à fait tort car la plupart des nanas n’ont pas forcément envie de se prendre des bites de 30cm. Ça a faussé les choses, par exemple, des mecs ayant des sexes de taille tout à fait normale, on va dire entre 15 et 20cm, m’ont déjà dit qu’ils ne se sentaient pas capables de m’enculer, c’est ridicule, la taille ne compte pas »
Le paradoxe veut que Ian Scott, l’homme qui ne vieillit jamais, accessoirement héros de mon enfance et BGBM, TTBM, passe à ce moment là à côté de nous. Tiffany le charrie gentiment sur une scène de sodomie où il se trouva fort dépourvu face à l’appétit anal de Tiffany qui conclue sur un tonitruant : « Ce n’est pas de ma faute s’il y a trop de place dans mon cul ».
Et sinon, Tiffany, pour filer la métaphore, comment as-tu fait ton trou dans le milieu ?
« J’habitais à Londres à l’époque, je suis tombée sur une pub : devenez la pornstar de demain, j’ai toujours aimé expérimenter, le porno allait donc dans la continuité de ma sexualité. Au début c’était plus de la découverte qu’une orientation pro »
Quid de ton opinion sur le porno français :
« J’ai deux facettes, la consommatrice et la professionnelle. Professionnellement, il est difficile de s’épanouir dans ce métier là, car on n’a pas beaucoup de boulot intéressant ou alors on me demande de faire des choses qui me plaisent pas des masses. D’un point de vue consommateur, je ne vois pas la différence entre ce qui se faisait il y a 5 ans et aujourd’hui, si ce n’est que certaines actrices ont arrêté. Sinon c’est toujours les mêmes mecs, les mêmes décors, les mêmes vêtements… Il y a quelques exceptions à la règle, heureusement. De toutes façons, ce n’est pas là-dessus que je me branle. »
Nous évoquons ce que nous a raconté Sabrina quelques minutes auparavant sur « Dan Quichotte », la cool ambiance, l’aspect familial/festif, toussa, à la bien, tu vois. Tiffany confirme, elle a beaucoup apprécié sa collaboration avec Lavil, ce dernier s’étant constitué un crew homogène, où acteurs et actrices s’éclatent à jouer la comédie, sans pour autant que cela éclipse leurs performances. Alchimie visiblement complexe et rare à obtenir sur un plateau. Atmosphère relâchée, donc, propice aux craquages (la behind-the-scene d’auto-fist, totalement improvisée, saisie sur le vif, et qui inspira d’autres membres du casting à reproduire la prouesse) et aux blagues potaches « Il faut être un peu débile pour être dans ce milieu » nous rappelle Tiffany, le sourire aux lèvres.
Sinon, tes projets ?
« Je projette d’aller aux USA, ça se met en forme depuis longtemps. J’aime bien quand ça démonte. » Nous aussi.
Le défilé continue, ça shoote de partout, ça glousse dans les toilettes. Je me suis limité au porto mais ça commence à cogner, Jizzkov est écarlate, serait-ce le whisky ou sa rencontre avec Charlotte de Castille ? On reste dans la thématique espagnole avec Carlotta la libertine, qui interprète Sophie (Les Malheurs de….) et nous parle de sa passion pour l’Amérique du Sud mais il se fait tard et demain c’est contre la gueule de bois que je vais lutter à défaut de moulins à vent. Se retirer n’est pas fuir, disait Cervantès.
Retour dans le ghetto du nord-est parisien pour conclure notre immersion avec un visionnage du film. J’ai cru comprendre, dans le pas entraîné de mon compagnon de fortune, qu’il lui faudra sa dose de fluides corporels à l’écran pour calmer sa soif de pornographe averti.
On passe chez le Jap à l’arrache, on se lave les mains et on s’installe pépère-tranquillou pour regarder le dvd du film, professionnels jusqu’au bout, malgré l’absence du taulier nazi qui n’est pas là pour nous serrer le vit. On sent effectivement le côté « bonne franquette », films de copains, ça me rappelle la fin des 70’s que je n’ai pas vécu. Pas notre came, est-il besoin de le préciser, mais pas détestable pour autant. Un air de vacances malheureusement insuffisant pour réchauffer le salon.
Lavil s’est offert un petit plaisir scénaristique qui défrisera sûrement la moustache de mon ancien prof de lettres, mais qui a priori amusera les étudiantes en khâgne qui nous lisent en cachette dans leur chambre d’internat. Le porno français, plus efficace qu’une anthologie littéraire selon Beigbeder, à défaut de nous transcender véritablement. Je sens d’ailleurs la frustration du Jizzou, et crains qu’il ne la reporte sur mes jambes viriles. Aller Jizzkov, allume donc ta x-box que je te remette une branlée.
GrosMikko (assisté de son fidèle Jizzkov)
Bravo pour le site, ça fait plaisir. Nous reviendrons.
Je suis en khâgne et je vous lis depuis ma chambre d’internat. Que d’émotions.
C’est ça l’amour des Lettres.
Tu veut dire Queue d’émotions …