Premiers Symptômes

Remontons le temps. – La fin du monde est proche. (D’après le calendrier Maya – Inca ? Aztèque ? – perso ma mutuelle me demande un renouvellement jusqu’en février 2013.) Depuis bien avant ces cons-là, nous passons une grande partie de notre existence à manger et dormir : notre souci quotidien principal, c’est de s’assurer que toutes les conditions sont réunies pour réussir à bien manger et bien dormir. Du moment où l’homme s’est trouvé une literie confortable (un petit coin de grotte abrité, la peau d’une biquette qu’il a tendrement aimée à son adolescence), il s’est concentré sur ses trois repas quotidiens. Et au moment où, connement, il a simultanément découvert l’Epeda multispire® *et* qu’on pouvait cuire la viande, il s’est assuré un sommeil de qualité et le long début de l’aventure gastronomique.
Lorsque la nourriture a cessé d’être un souci pour l’homme – parce qu’il chassait, élevait ou pêchait des animaux ; parce qu’il cultivait des légumes et des fruits après les avoir seulement cueillis ou ramassés – il s’est mis à perfectionner son art balbutiant ; et maîtriser le feu pour fondre des métaux, c’est au moins aussi délicat que de maîtriser la cuisson d’une côte d’auroch. (Ceux qui tentent, aux beaux jours, de faire un barbecue savent de quoi je parle.)

Parfait, Tag Parfait on vous dit. – Dans un lent processus d’évolution, nous sommes passés d’un acte simple à sa complication savamment théorisée. À ce titre, la gastronomie est à l’alimentation ce que le porno est à la reproduction sexuée : la théâtralisation d’un besoin primaire qui n’en est plus un, puisqu’on a tous les moyens de l’assouvir. (Ici, prendre son menton dans sa main et murmurer : « oh, tout simplement. »)
Bon mais restons calme, je ne vais pas filer la métaphore outre mesure pour me donner raison : le porno et la nourriture ne m’ont pas attendu pour se rejoindre ; confusément, ils arraisonnent notre inconscient avec les mêmes signaux : le désir, l’attente, le fantasme, l’assouvissement, la pulsion, l’addiction, la culpabilité. Les internets ont déjà largement évoqué le sujet. Tumblr, flickr et autres sites en –r (ou pas) fleurissent sur cette thématique du Food Porn dans un vaste foutoir. Ainsi comme d’autres, en arrivant au bureau, regardent les mises à jours d’Instagram coquins (sous réserve qu’ils ne changent pas à nouveau d’avis) ou de teens lambda à poil de isanyoneup.com, certains préfèrent de la belle bouffe anonyme bien photographiée sur FoodPornDaily ou FoodPorn.net – allez, ça ne tue personne, c’est dans l’écran. Ça ne peut pas faire de mal, d’ailleurs, tout le monde le fait !

D’ailleurs : Food Porn ou Porn Food ? – Est-ce de la pornographie alimentaire ou de l’alimentation pornographique ? Foin de cette distinction linguistique sur laquelle on trouvera bien l’occasion de revenir : au final, il s’agit toujours d’évoquer, représenter et consommer la nourriture par le prisme de son jumeau hormonal : le porno. Enfin, ça va quand même plus loin que la bête définition de Wikipédia. (Perso, un poivron farci, fût-il végétarien, m’excite modérément. Est-ce que celui-là n’est pas plus joli ? On dirait Cléopâtre au bain.)
Voilà, c’est la nouvelle année. Reposer son estomac n’a jamais empêché de se tirer sur l’élastique ou de se masturber le cerveau : nous aurons tout le loisir, ces prochains mois, de mettre à jour d’audacieux parallèles entre ce qui nous chatouille l’entrejambe et nous excite le palais.

Photos : © (en) substances

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