Aux straights masqués ohé ohé
Un blondinet attend sur le trottoir, les mains dans les poches de son bermuda, un t-shirt col en V repassé par sa maman sur le dos. Il n’a pour lui que la jeunesse et une bonne tête d’abruti. C’est sûrement lui le dumb #straight guy dans le titre. On ne croise pas ces hétéros comme on tombe par hasard sur son prof de maths au rayon charcuterie du Franprix : ils sont à la sortie des clubs de gym, en train de laver leur voiture dans des lotissements de banlieue, ou s’apprêtent à louer un bon vieux film de boules. En gros, ils font des trucs d’hétéros tendance douchebag et ils veulent du cul ; sauf que ce sont eux les proies.
Après, tout s’enchaîne rapidement. Un cameraman un peu chelou se ramène, en voiture ou à pied, et demande au boloss s’il n’a pas deux minutes à flinguer pour qu’on filme son zboub — meuf bonne à la clef. Puis, on retrouve notre cutie, teub à l’air dans une backroom avec glory hole ou sur le siège en cuir d’un Ford Explorer.
La biatch à faux seins est là, et en plus de rigoler bien trop fort, elle suce gratos. Quand n’importe qui aurait flairé le tag foireux, lui, y va à fond ; pouces en l’air, les yeux bandés, les mains dans le dos, et tend son zizi à la mada… au monsieur en fait.
Qui le suce pas mal faut dire, on pourrait presque se pignoler à deux mains. Pour une fois que c’est celui qui pépon qui a le pouvoir… Mais cette pipe est interminable, et surtout entrecoupée de moments particulièrement débandants.
L’enjeu de la vidéo va être de pervertir son hétérosexualité. Au début, ça semble assez honnête. On est complice de ce piège mal branlé et notre hétéro nous lance des sympathiques regards caméra.
Ensuite, ça devient vite une petite catastrophe. Les autres en font des tonnes. La meuf à faux seins dit avec un sourire appuyé « huuuum c’est bon, oh oui, t’aimes ça, t’aimes ce que je fais ? » à peu près cinq fois en deux minutes, au cas où on n’aurait pas compris qu’on faisait une bonne blague. Évidemment, elle est censée avoir la bouche pleine quand elle prononce ces mots, et l’hétéro doit penser qu’il assiste à un numéro de ventriloque impressionnant, mais là n’est pas le problème : après tout, on ne cherche pas la cohérence, ça se saurait, et entre nous le ventriloporn a de l’avenir.
Le pire est sûrement quand le pédé – avant de se lancer dans sa pipe d’un quart d’heure – se sent obligé de taper systématiquement un joli clin d’œil à la caméra, ou tout autre signe de connivence qui n’existe plus depuis 1984. Ce clin d’oeil n’est plus celui de votre pote mignon de vestiaire qui mouille son zlip et sa serviette trop petite ; non, c’est plutôt celui de tonton Gérard, ce bon vieux farceur qui vient de mettre un coussin péteur sur la chaise de mémé. Krkrkrkr. Grosse ambiance.
Et là, on a perdu le rythme. J’y étais presque et ces connards ont pourri mon groove.
Avec BaitBus, le pire est à venir, puisque l’hétéro finit par voir qu’il se fait sucer par un porteur de testicules…. Il crie alors très fort en se réfugiant dans un coin du SUV. Dans ses yeux, on aurait pu voir la panique, l’envie de se jeter hors du véhicule et de courir tout nu sur une autoroute, sauf que non : l’acteur remballe juste le matos et devient très vulgaire, mais toujours pas convaincant.
On n’est plus à un artifice près : on sait très bien que les hétéros du porno gay, ce sont tous des lopettes qui ne s’épilent pas les couilles (ou, bien trop rarement, des vrais hétéros sans états d’âme ni réticence), donc deux « Sale pédé » et trois « Je savais pas Marie » plus tard, on pourrait peut-être s’y remettre, non ? Non plus. Après de longues minutes de négociations beaucoup trop réalistes (et en même temps pas du tout crédibles : c’est là où ils sont très forts), l’hétéro est devenu un gay-for-pay et on a arrêté de fapper depuis un moment.
Unglory Hole, la seconde série la plus regardée sur le sujet, a au moins le mérite de ne jamais dévoiler l’astuce à l’hétéro, qui finit par jouir sur la charmante tête de toune qui suce de l’autre côté du mur. L’originalité de cette série vient du split-screen : deux plans – un de chaque côté du mur – sont tournés simultanément. Vous vous souvenez très bien des séries cheap qui coupaient l’écran en deux ou plus, selon le nombre de personnages qui se téléphonaient : le principe est le même, sauf que le lien entre les plans, au lieu d’être un téléphone, bah c’est une bite. Du coup on a plus besoin de choisir entre mater une faciale ou regarder un mec jouir. Plutôt sympa mais bon, on sort pas non plus les serpentins à la fête du foutre.
Les commentateurs ne s’y trompent pas : les « fake! », « boooooring » ou, pire, « LMFAO » sont fréquents. Le concept du piège à hétéros livre donc des vidéos à dominante demi-molle alors qu’elles ont un putain de potentiel. Le tag interdit #rape se cache derrière toutes ces relations, qui sont en théorie non-consenties, et qui avaient de plus le mérite d’amorcer un dépassement du clivage straight porn / gay porn. Ce mec, qui finit par jouir avec des garçons, c’est toujours un hétéro blanc issu des classes moyennes, le même qui se paluche devant des trucs filmés avec les pieds, celui qui est devenu un stéréotype – et dont la stigmatisation est également devenue un stéréotype. Belle occasion ratée de péter le cul aux clichés.
Si je vous ai surtout parlé de BaitBus et d’Unglory Hole, c’est parce qu’ils sont assez symptomatiques de la majorité des prods actuelles, et que je suis un mec mainstream. En cherchant un peu plus, on peut tomber sur des vidéos qui dépendent d’autres séries, mais qui ne sont toutefois que des variations prometteuses, sans être assez abouties, de l’idée de base : par exemple, un bizutage avec des hétéros qui se font sucer par des mecs dans le noir, caméra thermique et bitounes vertes, ambiance sympa à la « on suçotte des Mister Freeze au citron », mais qui se termine en sodomie monotone sous les néons de la fraternité. Il arrive bien qu’on aille plus loin avec certaines meufs transgenres (d’autant que les tranny-traps, c’est Satan), parce que certains hétéros à marcels et casquettes à l’envers finissent parfois l’anus en l’air. Vous sentez tous les trucs cools que ça pourrait donner ? Moi aussi. Et j’y crois.
En attendant, je trouve la transgression où je peux en me touchant la nouille sur des vidéos pour blancs-becs un peu beaufs, pour les « 90% du public », pour les lecteurs de Hot Vidéo. Ces extraits qui n’ont pas été tournés pour moi. Eh ouais, il est là le vrai piège à hétéros.
Juste deux mots : straight hell.
J’avais d’ailleurs hésité à proposer le titre « Straights to hell », mais entre la Compagnie Créole et les Clash, bon…
Spotted : la référence à LOL. J’ai gagné mon poids en fraises Tagada.
Sinon le ventriloporn, ça m’enjaille beaucoup.