Mangez-moi, un B. Root indigeste
Vendredi 13 (janvier). J’ai oublié de jouer au Loto. L’Élysées-Biarritz, chic. Gonzo et GrosMikko arrivent à la bourre. On m’a déjà tamponnée la main à l’entrée, avec de l’encre invisible. Marquée aux rayons X comme par magie.
La fine fleur du porno français s’expose. Notamment les playmate du mois, Phil Hollyday, Nikita Bellucci et Ovidie. On s’assied dans les sièges en velours. John B. Root monte sur scène. Un an après Dis-moi que tu m’aimes, le réalisateur et producteur d’Explicite-Art reste dans l’impératif avec Mangez-moi. Il manque toujours de thunes (Canal + lui a filé 45 000 euros, 5 000 sont partis dans le buffet post-projo), mais pas d’humour…
Un inspecteur (Roman Roquette) enquête sur la mort d’Elena (Liza del Sierra), retrouvée poignardée dans sa maison d’hôte, tandis qu’un invité, Arthur (Phil Hollyday), scénariste, tente de renouer avec l’inspiration.
Le pitch a du chien ; pas autant que les dialogues de haut vol (Bertrand Blier, si tu nous lis) prononcés par Liza del Sierra, Jasmine Arabia ou Mike Angelo, avec l’accent chantant du sud. Soleil, soleil. Welcome to California.
Une demeure de nouveaux riches au fin fond du Gard. Papier peint cheapo-baroque, fauteuils pop : Valérie Damidot, sors d’ici tout de suite. Une tente, un hamac et un terrain de tennis. Une piscine à l’eau verdâtre, encerclée par des chaises-longues et la nature. Oh oui, la nature, le grand air, les feuilles mortes, les insectes. Et cette petite table bancale dans le jardin. Bancal, c’est le mot.
Le décor est planté.
Action : un coup de hachoir dans la viande rouge. Dans la chair. Dégoulinante. L’inspecteur cuisine ses suspects tout en épluchant des pommes de terre. Quand Joël Robuchon rencontre Agatha Christie, ça fait des étincelles. John B. Root étale sa verve métaphorique dès l’introduction. Il essaie de susciter un désir morbide avec cet entrelacs de fluides. Et ces interludes culinaires qui aboutiront au remake de la Cène version Un dîner presque parfait, ces dégustations de fromage et de tapenade cadencent ce huis clos porno, bavard et longuet, aux faux airs de Cluedo.
Donc ouais, un polar, un polhard. Le Colonel Moutarde conte fleurette à Mademoiselle Rose dans la salle à manger. Un polar déguisé en film d’auteur plutôt. John B. Root parle d’une œuvre « personnelle ». C’est vrai qu’il met en abyme son syndrome de la page blanche. Le mystérieux producteur hollywoodien d’Arthur devenant ainsi l’allégorie de Canal +. C’est vrai que, planqué derrière ce personnage de scénariste, il dévoile sa névrose freudienne à un psy (Christophe Bier) factice et stéréotypé : voix caverneuse, idées préconçues. La thérapie par la création. C’est vrai aussi qu’il propose une interprétation très… pertinente ? expérimentale ? grotesque ?… du mythe d’Eros et Thanatos. Ce pseudo message philosophique évacué, il ne reste qu’un objet creux, pas plus mainstream qu’intello. En effet, raconter l’histoire d’un auteur qui sèche quand soi-même on sèche, sonne comme une splendide solution de facilité.
Et la baise, dans tout ça ? Bah on reste dans le porno chamallow. Sucré, sympathique comme un dimanche en famille, un peu mou. Dix scènes de cul très courtes. Aucune tension. Et encore cette ambiance Cap d’Agde : on #partage tout, mais au final on se fait chier. Une seule scène sort du lot car moins théâtrale, plus moderne, montage tac-tac-tac, musique rock (trop) forte : celle où Francis (Michael Cherrito), l’employé de maison, et Belle (Coco Charnelle), une auto-stoppeuse impétueuse, redécouvrent les plaisirs de la balançoire. Un hommage à La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beineix, peut-être.
Le reste du temps, je n’ai pas tout à fait envie de me toucher. Pas tout à fait, non. Ni devant les filles surmaquillées aux fesses boutonneuses, présentées comme de pauvres cruches qui enquillent les pénétrations anales sans sourciller. Ni devant la mise en scène du sexe, peinarde, désuette, banale. Ni devant les mecs caricaturaux aux tatoos Titi. Ni devant l’esthétique crapoteuse. Pas de méprise, hein, une image abîmée peut avoir beaucoup de charme (le porno amateur et le cinéma [souvent agaçant] de la Nouvelle Vague l’ont démontré). Ici je ne comprends pas. D’autant plus que John B. Root, qui est bien loin de débuter, avait une caméra Sony F3 et de supers optiques à sa disposition. Les panoramiques dont il semble raffoler sont hésitants, saccadés, la moitié des séquences cramées, la texture trop lisse (type Plus belle la vie), la musique mal mixée. Des erreurs d’étudiant pas toujours liées à la faible économie.
Ok, le planning et le budget étaient ric-rac ; l’équipe réduite a travaillé sans rémunération, pour l’amour de l’art et l’esprit colonie de vacances. OK, L’INDUSTRIE DU X EST EN DANGER. John B. Root l’a bien rappelé dans son oraison funèbre à l’issue du film, faisant débander les rares sensibles. Ok.
Là, il y a deux options. La première : pleurnicher. La seconde : foncer à la salle de réception où s’impatientent champagne, verrines alambiquées et exhibitionnistes. Hum hum…
Photos par © Florian Delhomme
encore, encore !!!
Je sens que ça vient… 😉
Très jolies photos, vraiment. Chapeau l’artiste.
En fait c’est le délire de la meuf là, Lula. Si t’aime l’auteure, la fille, la personne, et sa personnalité, t’aimes l’article. J’ai lu les commentaires avant l’article et je m’insurge de voir la réaction du réal. aaaaaaaaaaaarrrrrrgggghhhhhhh.
Le film m’a mis bien, pas l’envie de se toucher…sûr, comme beaucoup de film. Pour ça j’ai des actrices fidèles…
Mais j’ai bien aimé le film, d’un nouveau genre, qui s’inscrit à la française d’un univers cinématographiques plein de cliché et autres. Pourtant ce n’est pas de la parodie XXX.
Vraiment lisse comme PBLV ??? Les persos ont un rôle, un caractère, un tempérament, amateur vous diriez…ben disons.
Et la table, là Lula m’a tué.
La balançoire, c’était du good.
Mais qu’est-ce que le réal vient f%ç*& dans les commentaires ???