Jamais sans mon jouet
On doit tous un jour renoncer à nos jouets. Passage de l’enfance à l’âge adulte oblige. Ils finissent à la poubelle ou prennent la poussière sur une étagère, et parfois reviennent à notre bon souvenir, non sans nostalgie. Grandir est-ce abandonner le plaisir du jeu ? Certainement pas. A nos anciens petits soldats (pour les plus précocement virils) ou nos douces peluches (pour les plus précocement sensibles) succèdent d’autres joujoux qui vont de pair avec ce que l’on appelle la vie d’adulte. Des jouets qui ne sont pas pour les enfants, que l’on cache au fond d’un tiroir, dans un sachet noir anonyme, entre deux vieux pullovers. Bien que désormais les détenteurs de sex toys sont de plus en plus nombreux, pour beaucoup ces derniers restent liés à un plaisir assez coupable, caché. Car on a encore, mine de rien, du mal à parler de sexe quand il s’agit de sexe avec…soi-même.
A l’heure de l’adolescence, ils sont nombreux les garçons à parler entre eux de leur dernière branlette (ah ce bon vieux souvenir / fantasme des camarades de classe hétéros qui ne lésinaient sur aucun détail pour raconter comment ils se « tapaient des queues » sans se douter, qu’avec leurs petites confidences, ils nous faisaient tourner la tête et exploser la braguette). Passé la vingtaine, la trentaine, la quarantaine (avec les années au compteur, le phénomène s’accentue), les conversations qui tournent autour du cul ont cette spécificité qu’elles excluent les récits d’expériences solitaires. Avec ses amis, on a vite fait de partager le récit de son dernier plan cul, de cette rencontre avec un beau mec TTBM ou super salope chopé à la va vite sur Grindr. Mais on ne se raconte plus le bon plaisir branlette qu’on s’est offert dans son plumard et encore moins l’éclate avec son gode ou fleshlight/fleshjack. Evoquer en public sa sexualité en solo peut si vite nous amener à hériter d’une étiquette de pauvre type pervers… Alors on se tait, on cache son jouet dans le tiroir. Doux secret.
La sexualité solitaire relevant encore du tabou, rien d’étonnant à ce qu’elle occupe une place importante dans le porno. Des dizaines de milliers de vidéos de solos, d’auditions diverses et variées. Le bon vieux plaisir de violer l’intimité d’un mec, de pouvoir l’observer dans son rapport à son propre corps, de voir comment il parvient à s’auto-satisfaire… Les twinks qui se branlent en mode Chatroulette, c’est bandant. Sauf que cela devient vite chiant. Un petit sextoy en plus et ça devient déjà plus intéressant…
Dans mon jouet
Le summum du sextoy pour tout actif qui se respecte, c’est sans aucun doute le fleshlight. Des bouches et des culs artificiels complètement offerts, du confort : que demande le peuple ? Chaque acteur porno semble d’ailleurs désireux d’avoir le sien, à son effigie. Et le porn addict de s’offrir le cul ou la tige de Brent Corrigan… Si l’on a vite fait de comprendre en quoi un fleshlight peut être excitant pour tous les accros aux plaisirs solitaires, qu’est-ce qui nous pousse à regarder des vidéos de mecs seuls en train de fourrer un jouet ?
Lors d’un épisode de télé-réalité porno de Menoboy, des mecs se voyaient proposer de tester un fleshlight. Les observer en train de découvrir une nouvelle sensation, de prendre du plaisir en baisant du plastique, m’avait franchement troublé. Etait-ce le côté attendrissant du mec « baisant dans le vide » ? Peut-être y a-t-il ce fantasme de l’homme, tellement en manque de trou, qu’il décharge tout son désir, sa testostérone, dans un petit socle. Un jouet canalisant toute sa vigueur, sa charge érotique, avant qu’il ne décharge pour de bon.
Oui, c’est ça : un mec qui baise un fleshlight, ce n’est pas un mec qui se fait l’amour à lui-même, c’est un mec qui est prêt à fourrer n’importe qui. Avouons que le concept peut-être assez stimulant.
D’un point de vue purement esthétique, le fleshlight n’est pourtant pas très engageant. Pour peu, il susciterait presque le rejet. Mais ses créateurs ont su en faire un objet de fétiche, l’érotiser. Les « ice fleshlights » sont ainsi devenus légion et ont souvent la vedette dans les films ou les vidéos glanées sur le net. Des fleshlights transparents, qui permettent de voir la queue du mec en train de s’enfourner, d’aller « jusqu’au bout des choses ».
Un mâle qui démonte son toy, c’est presque de la science-fiction. Il ne fait jouir personne à part lui-même. Ce n’est pas une course, ce n’est pas une conquête : juste un plaisir simple, avec un objet privilégié, pour la beauté du geste.
Après plusieurs dizaines de vidéos consultées, j’ai fini par mettre le doigt sur ce qui m’avait émoustillé : le bruit. Quand un mec pénètre son fleshlight, ça fait toujours un drôle de bruitage. Comme si l’objet prenait vie et couinait ou comme si du sexe du mec jaillissait un bruit inédit. Il y a le bruit des fesses qui claquent, et il y a maintenant ce bruit-là, à part, mais pas moins troublant.
Mater un mec fourrer un fleshlight permet de contempler toute sa vigueur en action. Un beau mec bien punchy qui se fait un anus artificiel c’est toujours plus sympa, glorieux et amusant à regarder qu’un mec qui se tape une poupée gonflable (un mauvais exemple du genre, le côté pathétique étant accentué par l’amateurisme du filmage, du plan fixe faisant de cette baise solo un vrai grand moment de solitude).
Il n’est pas rare de lire dans les commentaires des vidéos, des internautes excités qui lancent : « j’aimerais être à la place du fleshlight ». Car la capacité à bourriner un faux trou laisse entrevoir la capacité à bourriner tout court ? Beauté subite de l’actif passant en mode automatique et démontrant l’étendue de ses talents d’étalons…
Du beau mâle viril en manque d’orifice au jeune minet qui se délecte des plaisirs artificiels en attendant de passer au véritable plaisir charnel : le trou chaleureux du fleshlight s’apparente à un terrier magique , aller simple pour le pays des merveilles. Les chauds lapins s’y engouffrent tandis que notre propre chute prend la forme d’un jet sur le clavier, qu’il va encore falloir nettoyer.
Mon jouet et moi
Et dans l’autre sens ? Indéniablement plus de possibilités. Les boys avec leurs toys, en quête de désirs pénétrant, ont même un goût certain pour la surenchère. On a vite fait de passer du gode de poche au dildo géant. Et on tombe du coup aussi plus facilement devant du contenu plus hardcore, plus trash, méga-dilatations inside (ou délires franchement bizarres). Avec le temps, le célèbre godemichet est devenu plus accessoire que jouet. Il fait des apparitions récurrentes (pour ne pas dire constantes) dans les films, est parfaitement intégré dans la «caisse à outils » de l’actif, au milieu des capotes, du gel et du poppers. On s’est peut-être un peu trop éloigné du but initial, de l’usage tout personnel.
Comme le fleshlight peut donner au visionneur l’impression que son utilisateur est prêt à fourrer n’importe quel trou, le godemichet laisse à penser que son propriétaire a envie de n’importe quelle queue, plus ou moins grande, épaisse, spectaculaire, selon le modèle pour lequel il a opté. Si dans la réalité les actifs peuvent être plus stimulés par le fait de baiser leur partenaire à 4 pattes ou de le goder dans cette même position (pour ne rien louper du spectacle en somme), dans les vidéos, on préférera que le mec soit sur le dos, ou légèrement assis, les jambes écartées. Pour qu’on puisse bien voir son visage pendant qu’il se pénètre avec son toy (et aussi , pour les fétichistes, contempler ses petits pieds – pas mal de commentaires sur des vidéos de toys sont ainsi du type : « nice feet ! »).
Quand je regarde la vidéo d’un passif en train de se goder, j’ai étrangement plus l’impression d’assister à de l’exhibitionnisme que quand je mate un actif avec son fleshlight. Peut-être est-ce parce que le passif se donne davantage, est plus expressif, s’offre à son jouet en même temps qu’il se laisse absorber par ce dernier. Tout cela est peut-être aussi lié à ces souvenirs lointains de dialogues coquins sur MSN, des chat webcams où soudainement un super passif allumeur se montrait avec son jouet, permettant en quelque sorte à notre sexe de passer de l’autre côté de l’écran.
Allez, je l’avoue, c’est plus fort que moi : dans ma consommation de porno, j’aime les clichés. Je préfère ainsi mater un mec plutôt viril, la trentaine, avec un fleshlight et un minet passif, fluet, en train de se goder. On ne se refait pas. J’ai remarqué, lors de mon exploration de tubes, que les vidéos qui m’avaient empêché de cliquer sur « next » (exemple) étaient bizarrement des vidéos un brin floues, relevant du porn amateur. Sans aucun doute le fantasme du boy next door excité, qui a envie de sentir quelqu’un, quelque chose en lui, un après-midi, tout seul chez lui. Canapé un peu creepy de rigueur, dans lequel le boy s’engouffre. On tendrait presque l’oreille pour entendre les frottements des fesses qui en redemandent…
En plein fap, je réalise tout de même que je suis un peu déçu par la qualité des vidéos que je trouve. Je perds des heures à la recherche de la vidéo qui sortira du lot, aussi bien au niveau de l’excitation que de la beauté de l’image. Finalement, c’est ce bon vieux Kink.com qui me donnera le spectaculaire, les sensations fortes, que je recherchais. Jamais à la traîne quand il s’agit de faire dans l’originalité, le site a lancé « Butt Machine Boys ». Comme le titre l’indique, on y retrouve des garçons s’abandonnant à des machines. Vous êtes prévenus : la machine à baise n’est plus du tout un mythe. Ici, le gode n’est qu’une petite pièce incorporée à un engin impressionnant.
Choc esthétique, choc tout court. Butt Machine Boys inverse le processus : le jouet n’appartient plus à l’homme, c’est l’homme qui se laisse commander par lui. On pourrait vite être tenté de s’emballer, de parler de la technologie qui nous dépasse, de comment on se fait de plus en plus enculer par elle (et ici, ô bonheur c’est au sens littéral). Voir ces mecs, souvent très virils, hurler de plaisir face à des machines qui prennent possession de leur cul, à une vitesse de plus en plus affolante, laisse sans voix. Dans un entrepôt, dans une cave, à la maison, dans le garage, sur un comptoir de bar : la fuck machine s’intègre partout et finit toujours par imposer sa domination. L’homme succombe et nous on est franchement tendus, entre excitation et légère angoisse (avouons que l’idée de remettre ses fesses à une machine est pour le moins anxiogène – en cas de bug, bonjour l’horreur…).
Une leçon à en tirer ? « Pignole-toi devant ton ordinateur mais pas DANS ton ordinateur » ? Attention tout de même à ne pas abandonner sa vie sociale comme avait failli le faire une certaine Charlotte dans Sex and the city, quand elle avait découvert les joies du désormais mythique Chaud Lapin…
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