Gainsbourg et les femmes
Oh le vilain bonhomme, l’affreux personnage à tête de choux, l’ignoble monstre du piano bar. Gainsbourg avait l’oeil vicieux lorsqu’il faisait chanter les demoiselles, des textes à plusieurs niveaux de lecture que certains s’enfilaient sans vraiment bien comprendre le sens. Tour à tour photographe du réel en chanson sur microsillon ; homme de l’ombre des yéyés ; compositeur de bande originale dans les 70’s ; planqué au fond de son verre sur une banquette du Palace ; papi pervers qui tutoie la grande faucheuse. De Gainsbourg à Gainsbarre, Serge a écrit l’amour et l’anamour, la passion en sens interdit, la sexualité, l’érotisme, la pornographie. En priorité pour lui, mais beaucoup pour les autres. C’est pour les femmes qu’il excellait dans cet exercice, faisant sonner les rimes en -queue, l’art de la pipe masqué derrière l’ambiguïté des mots, des vers pénétrants en double ou triple sens pour brouiller les pistes et mieux cacher son rire mi-gêné, mi-satisfait.
Retour en 13 morceaux pour elles, écrits par lui, où s’enlacent les mots et se déchirent les corps.
Brigitte Bardot – Je Me Donne À Qui Me Plaît (1962)
Bardot affolante avec son popotin pétaradant dans un mambo endiablé, du genre black on blondes et Ricard. C’est l’idée que l’on se fait de la Brigitte, bombe explosant dans un atoll lointain. Je Me Donne À Qui Me Plaît est une petite chanson plus mignonne que coquine mais qui annonce la couleur : femme fatale et homme objet. Bardot la giantess écrase de son aura les petits hommes.
Juliette Gréco – Strip-Tease (1963)
Dans les 50’s et 60’s Gainsbourg était le parolier de bon nombre de chanteurs et chanteuses de Saint-Germain. Dévoiler sans trop en montrer, garder la distance pour garder la tension, Gainsbourg dénude Juliette Grégo dans Strip-Tease. On colle notre oreille au disque pour y déguster chaque bout de chair qui se montre dans ce soft-porn auditif en clair-obscur.
Anna Karina – Sous Le Soleil Exactement (1966)
Anna Karina aurait pu être la Stoya de l’époque, elle préféra chanter l’érotisme que de se dévoiler, peut-être que la France ne s’en serait jamais remise. Chantant Sous Le Soleil Exactement, on l’imagine nue, terriblement nue, avec nos petites jumelles et une grosse envie de lui passer de la crème.
https://www.youtube.com/watch?v=TUVHv7Q-jh0?
Régine – Ouvre La Bouche Ferme Les Yeux (1967)
Régine traînait la nuit, chantait aussi, assez mal le plus souvent. Pas très fine la Régine derrière son accent de titi parisienne, mais que demander de plus au petit matin que la franchise de paroles qu’on oubliera aussitôt ? Ouvre La Bouche Ferme Les Yeux joue sur les mots mais va au fond des choses : pour avaler, il ne vaut mieux pas trop faire sa difficile.
Brigitte Bardot – Harley Davidson (1967)
Serge avait beau être moche, il se tapait tout de même les plus belles gows du territoire. En 1967, Brigitte Bardot (qui a encore bien plus mal vieilli que France Gall, c’est dire la performance olympique…) se faisait un petit kiff perso sur sa Harley Davidson transformée en vibro surpuissant pendant que la France se donnait du plaisir en l’écoutant.
Jane Birkin – Orang Outang (1968)
Jane Birkin a-t-elle une seule fois chanté un morceau sans être insupportable ? Le débat est lancé. En attendant, les morceaux qui parlent de jeunesse, de cul et d’autres joyeusetés pullulent dans sa discographie — pas forcément évidente à retrouver en streaming, tant pis. Orang Outang est un peu pénible à écouter mais il parle d’une poupée, d’une teen et surtout d’un type qui s’éclate à écouter sa copine chanter des mots qu’elle ne comprend qu’à moitié. Gare au gorille.
France Gall – Les Petits Ballons (1972)
France Gall représentait dans les 60’s la teen idéale, petite voix, minois mignon, fringues à la mode qui mettaient en avant ses petits ballons. Avant de devenir la conne aigrie que l’on connaît, France, en pouffe ingénue chantait ce qu’on lui disait de chanter. Mais difficile de croire qu’elle ne connaissait pas le double sens des paroles des Sucettes quand, amusée, elle lançait un clin d’oeil à la caméra pour appuyer la gorge d’annie.
Elle dira plus tard avoir été trahie, vaste blague puisqu’elle chantera Les Petits Ballons six ans plus tard, qu’on retrouve en face B du raté Frankenstein qui parle sans grande équivoque de sa petite paire de seins. Depuis, on entend encore résonner le rire de Gainsbourg au cimetière de Montparnasse.
Françoise Hardy – L’Amour En Privé (1973)
Revoilà Françoise Hardy qui dérive en privé. S’il est compliqué d’imaginer Françoise en dehors d’une magnifique étoile de mer qui attend doucement que les choses se passent, on peut aussi la voir comme une modèle de chez x-art, trop belle pour du porn, mais au regard et au visage si doux, que ça en devient intenable.
Jane Birkin – Raccrochez C’est Une Horreur (1976)
D’après un sondage Ifop, 48 % des français trouveraient l’accent de Jane Birkin agaçant, 13 % horrible et 2 % auraient même pensé au suicide en l’écoutant. Quant à nous, on oublie les réponses de Jane dans Raccrochez C’est Une Horreur et on se focalise sur le vieux Gainsbourg qui lui téléphone la main dans le slip pour lui raconter des saloperies. Délicieux comme du Pierre Moro.
Françoise Hardy – Enregistrement (1977)
Françoise Hardy, égérie des 60’s à la beauté parfaite et aux chansons douces, enchaînait les couvertures, les mini-jupes et étalait noblement son visage dans le monde en digne représentante du bon goût à la française. Si sa discographie provoque parfois des ennuis polis, il existe tout de même quelques fulgurances remarquables. Dans Enregistrement, les rimes en -queue soulignent avec justesse chaque courbe qui se dessine sur le mur. Petite pépite erotico-glamour du début des 70’s, une ode au début de la pornographie maison.
Isabelle Adjani – Pull Marine (1983)
Est-ce que Adjani avait la moindre idée de ce qu’elle chantait dans ses brumes de Lexomil ? Pull Marine n’est pas que l’histoire romancée d’un amour destructeur entre Gainbarre et l’actrice sur fond de paparazzi, c’est avant tout l’allégorie incroyable d’une gorge profonde. Faut dire que le chlore n’était pas qu’au fond de la piscine quand Serge écrivait avec sa teub.
Charlotte Gainsbourg, Serge Gainsbourg – Charlotte For Ever (1986)
Morceau ambigu et provocateur de Gainsbourg si fier de sa fille mais aussi troublé par ce petit corps grandissant. Charlotte For Ever dérive jusqu’au scandale d’une relation passionnée entre un père et sa fille. Accusé d’inceste, il en sortira blessé, il y a des tabous sur lesquels il est encore délicat de jouer.
Vanessa Paradis – Tandem (1990)
Dernier morceau de bravoure avec Vanessa, la teen qui s’émancipe, avant qu’elle ne tombe dans les mains du non moins salace Kravitz. On en a déjà parlé par ici, suivez le guide.
Petite birdy la Françoise Hardy quand même.
Source pour le Pull Marine = Gorge Profonde ?
Hmmm… les paroles ?
Oui j’avais bien compris, mais est-ce que c’est une interprétation personnelle ou bien quelque chose lu/trouvé quelque part ?
Interprétation personnelle mais assez évidente « Viens au fond de la piscine repêcher ta petite sardine », « C’est plein d’chlore au fond de la piscine.
J´ai bu la tasse, tchin tchin. »
Mhh oui je comprends la logique, mais si effectivement on peut trouver quelques images, je pense pas que toute la chanson soit une métaphore de l’acte, ou en tout cas, je pense pas qu’elle ait été écrite en ce sens ( contrairement aux Sucettes à l’anis où c’est évident et assumé ), dans la mesure où elle correspond à une période tout à fait différente de sa vie, moins axée sur les délires érotiques.
1983 ? Ahah non, il était en train d’enregistrer l’album Love On The Beat. C’est le Gainsbarre qui débarque.
D’autant plus que c’est ultra facile d’analyser un texte à travers un prisme et de faire en sorte que tout corresponde à l’idée qu’on veut en avoir.
Genre si je veux que le Poinçonneur des Lilas soit un texte sur la prostitution et les transsexuels, c’est possible.
Interprétation personnelle mais assez évidente :
« Le gars qu’on croise et qu’on ne regarde pas » à la manière des péripatéticien sur qui l’on n’ose pas poser ses yeux.
« Pendant ce temps que j’fais le zouave
Au fond de la cave
Parait qu’il y a pas de sots métiers
Moi je fais des trous dans les billets »
On peut y voir l’idée de sexe en groupe (tournante dans les caves) et le fait qu’il n’a pas honte de son métier. La pénétration en échange d’argent représentée par les TROUS dans les billets.
« Je suis le poinçonneur des lilas,
Pour Invalides changer à l’Opéra »
Là il indique bien que c’est une bête de sexe, et qu’il est capable de rendre quelqu’un invalide en le « poinçonnant » (métaphore de la sodomie). L’anus de la personne devient un trou béant, où tout résonne, un peu comme à l’Opéra.
Pour ce qui est de la transexualité :
« J’en ai marre, j’en ai ma claque de ce cloaque.
Je voudrais jouer la fille de l’air »
Ce à quoi on rajoute qu’il veut : « S’faire un trou, un p’tit trou, un dernier p’tit trou. », qui marque bien la volonté d’avoir un vagin par le biais d’une opération.
Quel coquinou ce Serge.
Petite précision, ce ne sont que des titres qui ne sont pas directement liés à sa propre discographie. Je dis ça pour éviter les « oh mais il manque tel morceau ».
Oh mais il manque « Transit à Marilou » 🙂
Comme tu ne l’as pas lu plus haut, c’est que des morceaux de Gainsbourg pour les femmes (y’a que lui sur Transit…) et qui ne figurent pas sur sa discographie. Sinon morceau incroyable et certainement son meilleur album (L’Homme à tête de chou)
Je faisais écho à ta phrase juste au dessus. Incroyable en effet, comme tout l’album, et la séance de masturbation de Variations Sur Marilou. Tu sais, juste avant qu’il ne la tue à grands coups d’extincteurs.
ahah ok, pardon. L’enchainement Transit à Marilou / Flash Forward / Aéroplanes est un des trucs les plus classes de tous les temps.