L’avènement des fappeurs romantiques
Les fappeurs le savent bien, le porn n’est pas qu’un support masturbatoire pour décharger un trop plein d’énergie, il est aussi question d’amour, de romance, de passion, de cette relation étroite et éphémère qui forme un triangle entre notre sexe, notre tête et l’écran. Improbable pour ceux qui ne voient dans le porn que la décadence de l’espèce humaine et la soumission des corps ; le romantisme pornographique existe bel et bien. Il y a une histoire entre l’écran et nous, aussi futile et courte soit-elle.
C’est tombé comme une évidence avant même de créer le Tag Parfait, le porno allait plus loin que la simple branlette expédiée par ennui ou excitation. A partir du moment où Stoya est entrée dans ma vie – ça aurait pu être une autre, chacun son déclic –, le mur qui séparait la masturbation de la vie sexuelle à deux s’effondra. Laissant alors apparaître des ponts, des cordes, des liens entre ces deux mondes. Il n’y avait plus d’un côté : le fap pratique, triste et solitaire et de l’autre : l’amour qui brûle et vous transporte. Stoya mettait fin à cette binarité, au blanc et au noir et laissait place à la peinture de Chagall armé de son gros pinceau.
La jalousie
Voilà où on est arrivé, à devenir jaloux en matant du porn. C’est chaud, mais on s’y habitue. Aimer une porn star ce n’est pas étaler des posters souillés au-dessus de son lit ou en harceler sur Twitter en espérant un reply qui ouvrirait l’impossible porte de sa chatte. Non, c’est un amour frustrant et doux, inoffensif et rassurant. On a nos petites habitudes de fap, ces vidéos qu’on garde près du coeur, ces sourires dédiés à l’ordi la tête penchée sur le côté et le sourire gêné. On est excité mais on n’ose même plus se lancer. La romance pornographique nous empêche de fapper avec vigueur, car en face ce n’est plus une simple actrice, c’est une figure familière, celle qui revient plus tard la nuit nous tenir la main dans nos rêves.
Alors arrive cette terrible étape dans la vie d’un fappeur où on n’accepte plus qu’en face ce soit notre avatar imaginé, fantasmé, projeté qui besogne notre mi, pas même pas un pote, un James Deen, un Mick Blue — plus personne. L’amour entraîne la possession et sans capacité d’abstraction ou de perversité (les amateurs de cuckold se reconnaîtront), il devient difficile de ne pas avoir promptement les glandes. Qui prend son pied en regardant son ex se faire secouer ? Pas moi en tout cas. C’est pareil avec Stoya, elle envoie trop de cuteness en direction de son Daddy (James Dean) pour ne pas se sentir de trop. L’époque bénie où elle apparaissait mienne est donc révolue, tout comme ces POV, ces instants de bravoure où le temps semblait suspendu. Il faut savoir tirer un trait sur ses ex, même celles qui vous font encore frétiller de la queue. La solution est ailleurs, dans l’immensité des possibles qu’offre le porn en ligne.
Un dénominateur commun qui s’appelle l’amour
Si on était des drôles de types bas du front, on piocherait n’importe quel porn et on se finirait en cinq minutes en crachant à la gueule des meufs… pas de bol, c’est pas notre délire et on galère sérieusement à remplir la rubrique au bon fappeur. Alors quel est le dénominateur commun à l’excitation quand on sait que chaque personne est différente devant du porn ? Qu’est-ce qu’il fait qu’une vidéo tend à être universelle quand on change de fantasme à chaque seconde ? L’amour. Et c’est pas tomber dans une analyse fleur bleue des va-et-vient claqués que de dire ça, mais juste constater la réalité. Sans lien, sans crush, aussi furtif soit-il entre l’actrice et le spectateur, il n’y a pas de réelle excitation.
Elle est donc là la corde qui relie notre entrejambe à l’écran, ce putain d’amour éphémère et volatile qui te scotche au siège au détour d’un tube, d’un tumblr ou d’une image. Un regard, une tête nouvelle, et bam, ça t’envoie une bonne décharge dans le gland. Ça t’apprendra à avoir un coeur sensible et une connexion internet.
Après plus de 15 ans à mater du porn, on connaît TOUS les rouages, les enchaînements de positions, toutes les marques de canapés et de literies possible, on jurerait presque habiter dans ces villas vides avec piscine et escaliers interminables, avec l’énorme pot de lub caché sous le buffet. Les rambardes, le bruit des talons sur le carrelage, ces boulis qui dansent avant de s’empaler — on les connait par coeur. Là-bas les corps n’ont plus d’importance, on a tout vu, tout connu, plus rien ne nous étonne.
Ce qu’on veut c’est autre chose qu’un décor et le ronflant bal des positions, c’est abolir les distances, y croire, y être, peu importe les tags, les actrices ou les scénarios improbables. Ce qu’il nous faut, c’est aimer, un sein, un regard, une bouche ou une bite.
L’équation d’un bon fappeur
J’ai trouvé l’amour sur internet, ça m’a pris 2 secondes, ça a duré 15 minutes — voilà comment on pourrait résumer un bon fappeur. Pour bander vrai, il faut se sentir concerné. C’est comme un regard croisé dans le métro qui t’envoie en orbite, sauf que devant un porn, la fille ne se barre pas sans te calculer avec dédain. C’est tout de même plus puissant que de fermer les yeux très fort quand les portes du métro se referment. Il suffit de seulement quelques secondes ou minutes pour faire connaissance, pour capter le regard à travers les milliers de vignettes, à se dire que cette fille là fera l’affaire et que ça sera bien, car ce n’est plus le petit soldat entre les jambes qui commande, c’est le grand général en chef de l’amour au fond de ton crâne.
Le lien est cérébral ou dans le coeur puisque le choix est sans limite. Des millions de paires de seins, des chattes de toutes les tailles, de toutes les formes, des culs tout petits ou immenses. Tomber amoureux par vidéo, la posséder l’instant d’un plaisir solitaire.
Alors oui, nous sommes des fappeurs romantiques et nous en sommes fiers ; ce qui nous relie au porn décrit un coeur dans le ciel. Nos corps sensibles s’agitent au détour des tubes, des tags, de tout et de rien. L’alchimie, le tag parfait, ça vous tombe sur la gueule et ça ne prévient pas.
Un poison violent, c’est ça le porn.
Bah ouais moi je refuse de regarder un porn avec Skin Diamond ou Stoya, je suis jaloux, envieux, dégouté, je refuse de voir des bimbos californiens ou James Deen leur passer desus, je préfère rester avec l’idée de cette voisine bonasse qu’on attend de serrer (et de marier) en supportant ces écarts de jeunesse pour la cueillir au bon moment.