Enquête exclusive : sexe, porn et employé de l’année

Une journée au Tag démarre toujours de la même façon, pendant que je sors de la douche, Saint-Sernin débarque avec sa veille pour me sécher. Une belle liste d’informations du monde entier agrémentée de petites blagues qui navigue généralement entre euphorie, old, tragique et quelques coups de teub. La curation effectuée, les rôles distribués, tout le monde s’attèle à son travail pendant que tourne la grande roue d’Internet. Une mécanique bien lubrifiée mais qui parfois s’emballe, comme ce fut le cas ce matin.

Une info déboula depuis le Huffington Post et Peeperz : une compagnie chinoise aurait payé une porn star à son meilleur employé de 2013, une belle récompense qui changeait des habituelles voitures et bonus de fin d’année. L’unique source disponible était le Kwong Wah Yit Poh, un site d’info malaisien, sans lien ni rien, comme si le fait d’aligner dans la même phrase « porn star » et « Chine » suffisait à valider une information. Qui était cette fille, quelle était cette boite, savaient-ils que le porn et la prostitution étaient toujours interdits en Chine ? C’est ça le web qu’on veut léguer à nos enfants ? Il fallait enquêter.

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« Saint-Sernouilles, cette soupe chinoise m’a pas l’air très fraîche »

Nous nous emparâmes de notre embarcation pour remonter les courants d’Internet, à la recherche de cette mystérieuse actrice. Un messager mandaté par le service public nous emmena en Malaisie – joli pays s’il en est –, chez Kwong Wah Yit Poh qui reprenait une dépêche Reuters datée du 09/01. Cette fameuse actrice était donc Hatano Yui, jeune star du porn japonais venue se faire mousser à la fête de fin d’année d’une boîte de jeux vidéo à Shanghai. Ni une, ni deux, nous partîmes alors pour cette destination, comme Tintin et Milou à la recherche de cette fameuse société dont tout le monde parlait mais dont personne ne disait rien.

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Arrivés par le fleuve Yangzi, nous fîmes une pause pour admirer la construction d’une très belle teub, la Shanghai Tower et ses futurs 632 mètres de haut. Alors que je serrais la main de Saint-Sernin, l’émotion nous submergea. A peine avions-nous eu le temps de considérer ce début d’érection inappropriée que notre mission nous rappela à notre devoir. L’heure tournait, il fallait faire vite, Hatano Yui était peut-être en danger. C’est alors qu’un passant nous alpagua et nous montra sur son iPad une vidéo de TomoNews, chaîne d’info spécialisée dans la reconstitution d’événements en 3D.

Pendant que l’idée d’un hoax s’échappait, nous reconnûmes la bouille de Hatano Yui et des employés heureux mais pas de coït certifié à se mettre sous la main. Une info supplémentaire nous mit la puce à l’oreille, il s’agissait d’une rumeur lancée par les employés eux-mêmes :

« Pendant que les membres de l’équipe prenaient des photos et embrassaient Hatano Yui, des rumeurs circulaient sur le gagnant du grand prix de l’année, il pourrait passer la nuit avec elle ! Beaucoup d’internautes ont émis des doutes quand à la véracité de cette info et il est fort probable que l’heureux élu ait juste gagné un dîner avec elle. »

Alors que je regardais Shanghai et sa vie bouillonnante, perdu dans mes pensées, Saint-Sernin profita de ma torpeur pour jeter un œil sur Xvideos par l’intermédiaire d’un VPN : Hatano pratiquait le rimjob comme il l’aimait tant. Nous étions heureux, là, au bord de ce fleuve qui draguait des poissons morts. Qui étais-tu Hatano ? Pourquoi les journalistes te transformaient-ils en prostituée alors que tu n’étais venue que pour offrir un peu de bonheur à ces employés stressés ? Chienne de vie Internet, tu es si cruelle quand il s’agit de traiter de porno

Dépités, nous nous consolâmes en remontant sa timeline Twitter. Sa petite tête heureuse et ses emoticones kawaii nous remettaient du baume au cœur quand, entre deux tweets sur les Adult Awards, la vérité surgit. C’était la première fois que tu partais en business class, c’était le 5 janvier, direction Shanghai pour la fête de fin d’année d’une boîte de jeux vidéo.

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Les employés t’avaient couverte de mille présents ; des ballons, des nounours, des paillettes et surtout ce tweet, qu’un vieil interprète appelé GoogleSensei nous traduisit, nous comblant de joie. La boîte en question s’appelait Shanda, entreprise aux revenus insolents qui s’était offert un petit délire en t’appelant pour féliciter ses employés d’avoir bien bossé et du plus valeureux d’entre eux de pouvoir t’accompagner à dîner.

Pas de coït, juste de l’amour pour cet homme qu’on imagine fébrile de t’avoir en face, tes seins menus et tes yeux de chat. Du moins, c’est ce que sous-entendaient tes photos depuis l’hôtel où tu semblais seule, admirant de cet immeuble la futuriste Shanghai où, quelques jours plus tard, deux internautes en mal d’informations chercheraient ton regard, les yeux mouillés.

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