La Québécoise qui voulait 23 gars pour ses 23 ans
Le 20 février, Heidi Van Horny va coucher avec 23 gars pour ses 23 ans. Une belle idée pour célébrer la date de sa naissance, mais aussi un bon plan marketing. La nouvelle a fait le tour du monde, avec cette culture du buzz qui nous caractérise sur internet, personne ne pouvait passer à côté des clics faciles que rapportent ce genre d’histoire.
Comment une Québécoise débutant dans le porn et une boîte de production inconnue en dehors de la Belle-Province ont-elles pu faire autant parler d’elles sur la planète entière ? Voici l’histoire du gang-bang d’anniversaire de Heidi Van Horny.
Un plan libertin comme un autre ?
Tout a débuté par la création d’une page événement sur Facebook le 13 janvier. AD4 Distribution Canada Inc invitait 23 hommes à se présenter dans un club échangiste de Montréal, l’Éclipse, pour fêter le jour de naissance de la mignonne Heidi. La boîte à partouze se situait au 1071 Beaver Hall, ce qui ne s’invente pas.
Au départ, on nous vendait le truc comme quelque chose d’amateur, purement récréatif, un fantasme innocent pour une jeune femme de son temps. « Gratuit et masque inclus » disait l’annonce. Dans les commentaires, AD4 précisait bien qu’il n’y avait pas de sélection, ils acceptaient « tout le monde à la porte ».
Rapidement, la béchamel prit et les Québécois cliquèrent en masse sur le bouton participer. Le 15 janvier, 117 personnes se portaient volontaires, comme le rapportait le site Affaires de gars. D’autres sites locaux en parlèrent. Le phénomène se répandit et toucha un public plus large sans pour autant sortir du Québec. Le 21 janvier, Nicolas Saillant, journaliste pour l’agence de presse du consortium Québécor Média, sortait une dépêche sur le sujet. Elle fut publiée dans le Journal de Montréal, parution populaire et très lue. Dans le compte des participants potentiels, nous arrivions à 465 bonshommes à ce moment-là.
Nicolas Saillant, en bon professionnel, avait contacté Heidi. Il nous la présentait comme très indécise, pas vraiment rassurée, en fort désaccord avec la formule on prend n’importe qui. Van Horny précisait qu’elle souhaitait choisir et « imposer ses conditions », notamment quant à la santé des mecs. Également questionné, le producteur d’AD4 André Delaseine rassérénait le journaliste en précisant qu’il n’y avait aucun problème, que la star du jour serait maîtresse de la situation, qu’elle aurait les cartes en main.
Jusque-là, aucune mention d’une quelconque production porno n’avait été faite. Nous nous trouvions dans le « party privé », une réunion d’amateurs de cul de bonne compagnie, du libertinage et rien d’autre. Mais, à la fin de l’article, Saillant écrivait : « Heidi voulait toutefois s’assurer de son cachet avant d’accepter définitivement l’offre. » Nous basculions d’un coup sec et sans lubrifiant dans le XXX. Tout allait alors changer très vite.
Qui sont Heidi Van Horny et AD4 Distribution ?
Heidi Van Horny commença le porno le 5 décembre 2013 lors d’une rencontre un peu bizarre sous forme d’auditions. Selon ses dires, elle avait, ce jour-là, couché avec Alyson Queen dans un duo lesbien. Sur une des vidéos de la soirée, elle se décrivait comme s’assumant nymphomane et relevant un défi. Elle évoquait la caresse du doux espoir de continuer dans le milieu et terminait d’un rire gêné.
AD4 Distribution organisait ce casting obscur, présenté comme la chance de devenir la prochaine porn star. Avec les vidéos disponibles sur Facebook, on pouvait juger que quatre garçons, apprentis acteurs, étaient présents, ainsi que Heidi et Alyson, la performeuse confirmée, célèbre pour son amour du fist. Plus les gens derrière les caméras.
AD4 distribue des scènes X sur internet, mais aussi des films sur le câble canadien. Tiens, dans son catalogue, on trouve du Jacquie & Michel. Maligne, la boîte française s’ouvre des débouchés supplémentaires dans la francophonie.
Edit 17h : Michel de Jacquie & Michel, lui-même, nous a contacté pour nous informer que AD4 Distribution volait ses scènes et les revendait sans autorisation. On a donc bien affaire à une entreprise aux pratiques vraiment douteuses. On vous tient au courant des suites de l’histoire.
AD4 crée également son propre contenu. La production avait défrayé la chronique à deux reprises. Une première fois en 2012 avec la parodie du matricule 728, une policière bien trop agressive pendant les grèves étudiantes de 2012 qui était devenue un mème. Une seconde fois, AD4 avait organisé un casting sauvage en janvier 2014, lors d’un festival western très populaire dans un coin paumé de la Mauricie. Deux actrices, dont Alyson, testaient des festivaliers à la volée, ce qui avait beaucoup déplu à nombre de nos cousins et à Jean-Sébastien Labrecque, responsable chez Pegas Productions. Il argumentait dans les journaux que de telles pratiques ternissaient l’image du porno. Du clash sauce gravy pour les amoureux de poutine.
Pegas Productions est le studio majeur au Québec, tournant beaucoup et recrutant des locales, la signature 100 % québécoise. Heidi Van Horny avait d’ailleurs tourné pour eux une scène de yoga qui m’avait mis le slip en effervescence. Elle y accomplissait une fellation pontée d’une arduosité rare à la Mia Malkova. Depuis, elle apparait dans une dizaine de scènes (selon la presse, perso je n’en trouve que deux), dont un ballet-strip tease sorti chez Pegas, à l’occasion du buzz.
À la lumière de la polémique autour du festival et du casting étrange où l’on découvrit Heidi, on peut dire qu’AD4 utilise des pratiques peu conventionnelles ou du moins assez floues pour l’observateur extérieur.
Un porno comme les autres
Revenons au gang-bang d’anniversaire. Avant l’article dans le Journal de Montréal qui avait mis le feu aux poudres, une vidéo traînait depuis le 16 janvier, filmée par Matthieu Bonin, spécialiste du buzz au pays du hockey-roi. Bonin est clairement ami avec les gars de AD4. Dans l’interview sous influence de Heidi (à moins que ce monde-là soit tout’ fucké en permanence), le côté porno du gang-bang n’était pas explicitement énoncé. Un membre de la production, nommé Rick Hard et présenté comme un ami de Van Horny, n’en avouait pas plus. Ce monsieur à l’accent pointu (pour un Québécois) est acteur-bodybuilder-hétéroflexible et un peu chelou avec ses références à Hitler.
À la fin de l’interview, on sentait quand même qu’il y aurait des caméras. Sinon pourquoi AD4 s’en mêlerait-elle ? Les relais dans la presse ne se focalisaient que sur l’aspect cocasse des 23 ans, 23 gars, sous-estimant l’importance de la différence entre délire libertin et projet commercial interdit au moins de 18 ans.
Le patron du club échangiste ne considérait pas cette différence si anodine. Possédant des notions de droit bien à lui, quand il apprit dans le Journal que la fille allait recevoir une rémunération, il refusa illico qu’AD4 utilisât son établissement. Heidi se retrouvait alors potentiellement les miches dans la neige par -23° avec ses 23 futurs intimes. Pour le propriétaire, « si vous payez les gens, c’est de la prostitution ». Il continuait en levant un peu le voile : « Peut-être qu’elle ne devait pas le divulguer, mais je suis content qu’elle l’ait fait. » Le producteur Delaseine tenta une filouterie en parlant d’un cachet pour ses frais de déplacement, mais la suite nous prouva qu’il jouait du pipeau.
Avec ce revirement, le discours des protagonistes changea. Tout le monde commença à assumer le côté porno de la chose. L’événement allait être filmé et une interview de Heidi dans le Vice U.S. nous donnait tous les détails. La séance du 20 février serait un tournage avec rémunération de l’actrice, un live-stream gratuit nous permettrait d’assister au gang-bang en attendant l’exploitation commerciale en DVD et sur le Net. Outre le porn, le show serait présenté par deux comiques et des surprises seraient prévues, il y aurait même un gâteau. La base pour un anniversaire réussi. Malgré ce que racontait Heidi à Vice ― « ce ne sera ni un gang-bang ni une fuck fest » ― tout se déroulerait comme dans un gang bang classique : pipe, pénétration vaginale, cinq minutes par gars, plusieurs gars à la fois. Pas de DP au menu, à une prochaine occasion sans doute.
Après cet entretien daté du 2 février, le temps de retrouver un lieu et de planifier les choses, la page Facebook fut actualisée avec plus de précision le 7 février. Nous voici désormais dans le spectacle à part entière. Un casting opéré par Heidi sera organisé la veille :
« Pour être l’un des 20 gars, présentez-vous au casting:
Date: 19 février
Heure: de 13h à 17h
Endroit: resto-bar Le CoLoc Plus
Adresse: 1600, Robinson, Laval, H7W 2W4. »
Oui, il y a marqué 20 gars, car 3 autres chanceux seront désignés lors de la soirée. En effet, la fête est ouverte au public. Des comiques d’internet, Gab Roy et Matthieu Bonin (susnommé), animeront la nuit, une actrice d’AD4 fera un show, « Kream vous éclaboussera comme elle sait si bien le faire » (intéressant), concours de t-shirts mouillés (ils attendraient des filles, donc), plus des séances de dédicaces, etc.
Voilà où nous en sommes.
Parallèlement, Heidi Van Horny a essuyé une tripotée d’injures, la traitant de tous les noms. Dans les interviews, elle a alors développé un féminisme ardent et un peu particulier. Elle assume entièrement son fantasme et je la crois sincère dans sa démarche, mises de côté les entourloupes d’AD4. Son délire consiste à connaître plusieurs hommes d’un coup, rien que de très courant dans la fantasmatique humaine. Et tant qu’à faire autant marquer l’histoire de porn québécois avec un concept original.
Elle explique un peu mieux son idée dans Vice : « le but n’est pas de faire jouir les participants ; c’est de réaliser mon fantasme de princesse ». « Dans le porno, l’objectif est de rendre la femme sexy, alors les hommes sont là pour mon plaisir », « je m’en fiche un peu des acteurs pornos, car ils sont quasiment des objets ». Heidi frémit de se sentir reine des Amazones, avec une ribambelle de mecs à ses pieds qui s’inclinent pour obtenir ses faveurs. Pourquoi pas après tout, j’en rêve aussi .
Actrice porno, le buzz à devenir célèbre t’aidera
Résumons, au départ on était dans un délire tranquillou, on s’enjaillait sur le ton de la rigolade avec 23 bolosses . Puis ça commence à partir en sucette, tout le monde se retrouve à la rue, faut assumer le biz, gonfler les pecs ; ouais c’est du porno et alors t’as un souci ?! Et la gow, tu lui mettras pas à l’envers, y a pas moyen, c’est elle qui gère qui la kenne. Plus personne n’a rien à dire, fin du game.
Personnellement, je retire deux enseignements de cette affaire. Une leçon de marketing Web et la preuve que la sexualité féminine fait peur.
Premièrement, AD4 a tenté d’entourlouper tout le monde. Les mecs savaient à peu près ce qui les attendait, ils cherchaient le buzz comme notre Gonzo cherche le trans parfait dans un environnement à 360° et en 3D. Heidi souhaitait qu’on la connaisse, c’est fait. Peu après les premiers articles à son sujet, elle ouvre sa page Facebook et entame une stratégie de communication basée sur le fun, elle poste des vidéos courtes où elle fait la folle à la Riley Reid ou Dani Daniels sur Vine. Heidi se doutait bien que ce projet d’anniversaire mènerait à la célébrité éphémère des buzz internétiques. Peut-être n’avait-elle pas envisagé qu’il aurait suffi d’une dépêche reprise en anglais pour que l’info traverse la planète. Voilà, cher Strategic Planners, quelques protips pour organiser votre prochaine campagne marketing sur les réseaux.
Deuxièmement, le slut-shaming corsé et tous azimuts suscité par Heidi prouve qu’en matière de sexualité féminine, la tolérance n’a pas droit de cité. Tout au long de l’histoire, elle fut présentée comme l’instigatrice du gang-bang et les commentaires stigmatisaient cette décision. Des termes dégradants à la phrase « ses parents doivent être fiers », poncif rasoir de l’injure à actrice — qui a fait réagir l’excellent Éric Chandonnet —, on se noyait dans un dépotoir de frustration, d’esprits étriqués et d’insultes faciles. Dans cet amoncellement de stupidité, le 23e participant ne semblait pas le plus envié, le discours sous-jacent de la pureté dans la sexualité démontrant combien le porno et la sexualité sont encore des thèmes qui méritent d’être discutés. Des gangs-bang ont pourtant lieu régulièrement sans soulever le moindre débat. Il suffit qu’une jeune femme, une girl next door qu’on peut identifier comme une proche, se présente émancipée, décidée et la voilà rhabillée pour les 500 prochains hivers.
D’un petit événement, dans un club interlope montréalais, les sites d’infos ont transformé le gang-bang d’anniversaire de Heidi Van Horny en un rendez -vous attendu par nombre de fappeurs à l’internationale. C’est quand même beau ce projet Internet qui réunit les peuples autour du porn.
No offense mais ça part trop loin dans « l’anti slut shaming ».
Tu voudrais d’elle comme mère de tes gamins? Tu voudrais que ce soit ta fille? Sincèrement ?
Elle fait ce qu’elle veut, elle est grande, elle est libre. Tout comme ceux qui trouvent ça navrant et/ou répugnant.
Du coup est ce qu’on peut vraiment en vouloir à l’un des deux partis de penser ce qu’ils pensent ?
Typiquement le genre de réflexions bien connes dont je me passerais bien. L’anti slut shaming, c’est un peu mon dada, même dans les cas extrêmes comme celui-là.
Je sais bien que c’est un peu le cheval de bataille par ici, mais y a pas besoin d’aller traiter de frustrés et de rétrogrades ceux qui cautionnent pas.
J’utilise le terme stupidité parce que c’est du défoulement à peu de frais. Donc un peu stupide.
Excellent article
Très bon article, merci 🙂
La vidéo de yoga est une escroquerie. On n’a a jamais vu un prof de yoga en jean.
N’importe quoi le porno.
t’as vraiment beaucoup de recherches dans ton arcticle. Habituellement les journalistes et blogueurs ce contentent d’ecrire a peu pres n’importequoi sans creuser plus loin. good job!