La digue dentaire, la digue du cul
La digue dentaire fête ses 20 ans d’existence dans la prévention des infections sexuellement transmissibles, mais elle reste toujours aussi invisible, de Nantes à Montaigu, pour les publics concernés par cette barrière qu’on se colle où il faut pour éviter le pire.
The Verge (qui ne veut pas dire la verge) se penche sur l’histoire du carré de latex qui permet à pratiquer des cunnilingus et des rimjobs en toute sécurité. Au début, il s’agissait d’un accessoire de la dentisterie pour isoler un chicot de ses compères pour le triturer tranquillement. En 1994, l’Australien Clive Woodworth, patron de Glyde Health, fut le premier à produire des digues dentaires spécialement destinées à l’usage sexuel. Celles des dentistes étaient « trop petites, trop épaisses et pas vraiment sensuelles ».
Mais ces carrés salvateurs ne font pas florès, au contraire. Une infime partie des gens les utilisent. Arielle Duhaime-Ross rapporte les chiffres d’une étude australienne de 2010 où seulement 9,7 % des femmes queer s’en servent pour le sexe oral (2,1 % régulièrement) et que l’usage chez les hétéros et les gays est quasi inexistant. Toujours au pays des kangourous, une association de santé publique n’arrive pas à distribuer les digues et à éveiller l’intérêt ; tout le monde s’en bat les régions à protéger pour faire court.
Il faut dire que ce type de protection a une mauvaise image, ni très glamour ni pratique, il est de bon ton de s’en moquer dans les dîners en ville. Mais pourquoi ne porte-t-on pas plus d’attention à la sécurité dans le sexe oral ?
Début de réponse du côté de la médecine, elle a toujours dit que les risques de transmission du VIH seraient moins importants lors de la fellation, du cunni et de la feuille de rose (rimjob). Alors, ils ont tout basé sur la capote. Ce qui fait que dans les pornos par exemple, vous ne verrez jamais le tag #safesex apposé à #oralsex. Ce qui est bien hypocrite et dommage, parce qu’il n’y a pas que le sida dans les IST. La gonorrhée, le papillomavirus, l’herpès et d’autres vilains trucs, ça s’attrape vachement bien quand on suce ou qu’on lèche. D’ailleurs, les chercheurs viennent de faire une mise à jour de ces mythes de sécurité.
La bactérie responsable de la blennorragie, la célèbre chaude-pisse, devient de plus en plus résistante et prendrait une jolie place dans la liste des maladies intraitables dans un futur proche. Un cas de transmission du VIH entre deux femmes vient d’être publié, la légende disait que c’était impossible. Voilà qui devrait donner un regain d’attention à la digue du cul. Le sexe sans latex comporte toujours des risques.
Une autre raison du désintérêt provient du commerce. N’étant pas populaire, la digue ne se retrouve pas dans les rayons des supermarchés et détaillants divers. Le porte-parole de Walgreens (une chaîne de pharmacie américaine) avoue ne pas distribuer cette protection à cause « d’un certain nombre de facteurs, dont la demande du client ». Pourtant, les usines turbinent, les laboratoires Line One en vendent 300 000 par mois et Glyde en écoule 100 000 dans le même temps. Mais on ne sait pas trop qui les achète. Apparemment, il y aurait un marché en devenir au Salvador, destination vers laquelle Glyde a exporté 460 000 digues il y a peu.
Juliet Richters, chercheur sur la santé sexuelle, pointe la difficulté de soulever des fonds pour financer l’information sur les risques de transmission et sensibiliser les publics à risques : « c’est compliqué de récupérer de l’argent quand les gens ne meurent pas d’être lesbiennes. » En effet, tout au long de l’histoire rapportée par Duhaime-Ross, on voit bien que les femmes queer sont visées principalement par les associations. Existerait-il un désintérêt général de la santé des femmes qui couchent avec des femmes ? On n’est pas loin de penser ça quand on termine la lecture de l’article de The Verge.
Photo de une par D. Robert Wolcheck
Ouais mais non, porter du latex c’est déjà pas folichon (meme si pour le coup je ne transige pas). Mais lécher du plastique…