Retour sur buzz : Belle Knox On Porn Heaven’s Door
Maintenant que le feu de l’émotion s’est apaisé, revenons sur l’affaire Belle Knox qui a agité l’Internet du porn ces derniers mois, sur l’histoire de cette étudiante de 18 ans qui passait ses vacances à tourner du porno pour payer ses frais de scolarité et qui fut affichée sur son campus, puis insultée par de courageux anonymes sur l’Internet.
Le jour de la Saint-Valentin 2014, un premier article sortait à propos d’une rumeur brûlante sur une étudiante de l’université de Duke en Caroline du Nord. Elle tournait des pornos en catimini. Katie Fernelius, qui travaille pour le journal de la fac, rencontra celle qu’on ne connaissait alors que par les pseudonymes de Lauren/Aurora. La mystérieuse jeune femme raconta tout à Katie, mais à la place des angelots de l’amour, cette révélation déchaîna la haine des trolls.
La belle et les bêtes
L’info circulait depuis le mois de janvier, depuis qu’un fappeur reconnut une fille de son campus sur une vidéo. Le gars déambulait quand même sur Facial Abuse, ce qui se fait de pire en matière de porno. Une rencontre eut lieu entre Belle Knox et lui. Elle le supplia de ne rien divulguer, mais sous la pression de ses congénères de fraternité, Thomas Bagley avoua qui elle était et sa véritable identité se répandit comme une trainée de poudre.
L’acharnement pouvait se libérer sur le Net, les commentaires dégradants et insultants furent légion. L’épicentre de la haine se trouvait sur un forum anonyme nommé CollegiateACB. Katie dans son article parlait de 136 commentaires infamants à la date de parution. Belle tenta de répondre, mais après l’avoir vue se faire méchamment humilier dans la scène de Facial Abuse, on pouvait imaginer que l’avis du peuple derrière les écrans resterait inébranlable. Nulle part ne fut abordée la question des menaces IRL, si des gens l’insultèrent en cours ou sur le campus. Cela arriva probablement, mais aucun moyen de le vérifier. Le slut-shaming 2.0 s’amplifia ensuite, au fur et à mesure que les sites et les blogs reprenaient son histoire.
Alors, Belle Knox déballa l’artillerie lourde, elle se fendit d’un papier en forme de déclaration féministe qui parut, anonymement, dans xoJane, le site « où les femmes sont décomplexées et applaudies pour ça ». Cette sortie fut répercutée par plusieurs médias d’envergure et l’info qu’une étudiante payait son instruction en bossant sur les plateaux de la Porn Valley atteignit la France et le reste du monde. Avec son discours positif et sa fierté d’assumer le sexe, de combattre les insultes, Belle Knox, dont le nom de scène commençait à fuiter par-ci par-là, séduisit la planète et notamment les actrices pornos en place. Plusieurs relayèrent son message et lui apportèrent du soutien moral.
I wish I knew her. Maybe I do. http://t.co/BoUANcPC9d
— Kayden Kross (@Kayden_Kross) February 22, 2014
To all the haters: http://t.co/LxQTMvHU1A
— Baby Dreamer (@SovereignSyre) February 22, 2014
A must read! http://t.co/tn87NGcOUZ Thank you @xojanedotcom for publishing such a compelling article. Kudos to the author
— NIKKI BENZ (@nikkibenz) February 24, 2014
Sous le feu de la persécution, Belle était touchante, l’empathie faisait verser une larme au lecteur. La pression financière du système éducatif américain, le patriarcat oppressant qui la rabaissait parce qu’elle jouissait d’un boulot d’appoint lucratif et dénudé, l’hypocrisie ambiante de ceux qui matent du porn et qui chient sur les actrices, ces raisons valaient la peine qu’on s’indigne envers les critiques injustes dont elle portait le fardeau. Le slut-shaming n’a pas bonne presse sur le Tag.
Retournement de situation
Les articles à propos de Belle Knox se multipliaient, elle lâcha alors un papier bien foutu, toujours sur xoJane, pour révéler son nom d’actrice porno. Elle en profita pour en remettre une couche sur la tartufferie de ses détracteurs (les fraternités notamment), de l’Amérique qui ne laissait pas de place à ces artistes de levrette claquée et pour se réengager dans une démarche féministe où son corps, sa sexualité lui appartenaient et va te faire si tu n’es pas heureux avec ça.
Belle Knox, plus populaire que jamais et qu’elle ne sera jamais, faisait un tour médiatique, dopée à la communication de masse, elle se débrouillait très bien en télé et radio, sur CNN ou avec Whoopi Goldberg, pour se justifier et elle proposait l’image d’une jeune femme blessée mais forte, droite dans ses cuissardes en similicuir.
Le vent tourna pour la brunette aux petits seins suite à cette exposition extraordinaire. Certes elle en agaçait certains et certaines à se réclamer du féminisme quand elle jouait pour Facial Abuse, pire prod américaine depuis Max Hardcore (répétons-le, ils humilient et poussent à bout les filles), mais surtout Belle Knox commençait à gonfler ses coreligionnaires. Sa fiche IAFD répertoriait quatre scènes, nous en comptions au moins 14, trop peu pour accéder à une telle notoriété, selon le milieu.
La persécution changea de camp et des actrices se mirent à la moquer, à la discréditer. Il y eut les tweets assassins ou taquins. Notre déesse Dana y allait de son bon mot, Bonnie pensait au bien de l’industrie et Jenna faisait de la lèche pour obtenir un rôle dans le prochain James Deen.
Ooh this Belle Knox thing got everybody in a tizzy. Don't you wish you thought of pretending to go to college to get press too?
— Dana DeArmond ™ (@danadearmond) March 21, 2014
Why put a girl who knows nothing about the industry and is barely in the industry as the voice for our industry. Laughable! laugh it off!
— Bonnie Rotten® (@thebonnierotten) March 19, 2014
https://twitter.com/JennaJRoss/statuses/446724419461726208
Puis, il y eut les pamphlets anti-Knox. Jacky St. James, réalisatrice féministe, fut de celle qui préférait montrer que d’autres voix plus expérimentées représenteraient mieux l’industrie. Belle Noir fut aussi de celle-là, mais l’actrice qui débuta en 2013, déjà agacée qu’on lui ait chouravé son beau pseudo, allait terminer de rhabiller Knox. Les kalashs étaient sorties comme à Compton.
Nous passerons sous silence les allégations invérifiables de Noir sur le comportement de Knox qui visaient à prouver qu’elle n’était pas professionnelle. Mais en gros, Noir reprochait à l’étudiante de Duke de surjouer la victime.
« Knox dit à PlayboySFW : “Si Duke m’avait donné des ressources financières suffisantes, je n’aurais pas fait de porn, ils n’ont personne d’autre à blâmer qu’eux-mêmes pour le scandale.” Il y a de la condescendance chez Knox à suggérer que le porno était son dernier ressort alors qu’il s’agissait plutôt de son choix pour ne pas s’endetter. »
Noir rajoutait qu’elle connaissait au moins « 20 performeurs, hommes et femmes, qui sont à l’université actuellement ». Elle bavait sur Knox parce que cette dernière se justifiait de son propre cas à une audience immense, alors que tant d’autres collègues vivaient des situations similaires. Pourtant dans ses interventions, l’étudiante usait du « nous » commun au statut de sex worker. Pour Noir, Knox tirait un peu trop la capote à elle. D’autant que cette notoriété lui ouvrait les portes de nombreux partenariats. L’actrice en herbe était devenue bankable.
Le business en marche
Le 21 mars, Pornhub, le tube de MindGeek, annonçait que Belle Knox deviendrait sa nouvelle stagiaire, selon le terme consacré. Elle allait porter des t-shirts siglés, se faire dessiner le logo sur les fesses et procéder à quelques campagnes de promotion. Ce choix allait être déterminant dans le retournement du business contre elle. Après avoir payé pour la frustration des fappeurs imbéciles, elle stigmatisait la haine du milieu contre les tubes, responsables de l’écroulement du biz pour certains. Le débat est houleux et ne sera pas traité ici.
Belle avait signé aussi pour le rôle d’animatrice dans un nouveau projet à sensation, un équivalent de X Factor sauce porn : The Sex Factor. Basé sur le principe des talent shows, l’émission verra s’affronter plusieurs aspirants et aspirantes porn stars pour un gain d’un million de dollars. « L’Amérique décidera des vainqueurs », lisait-on sur le site officiel un peu cheap. Qui organisait ? Comment cela serait-il diffusé ? Les réponses manquaient, mais le jury prévu comptait Tori Black, Keiran Lee, Lexi Belle et Remy Lacroix. Voilà notre Belle présenter un show sur des débutants, alors que sa confirmation d’actrice n’était pas acquise. Les rageux allaient rager.
Depuis peu, sur son site officiel, elle (et l’équipe qui a pris sa communication en main) invitait ses fans à la rejoindre dans des shows en boite de nuit ou sur des salons, comme à Exxxotica qui eut lieu à Atlantic City du 11 au 13 avril. Lors de cet événement, la cérémonie des Fannys récompensa Belle du meilleur espoir féminin. Avec Flirt4Free, Belle ouvrit sa petite chaîne de cam. Stripteaseuse, Webcameuse, on devrait apprendre sans trop tarder son inscription sur SnapGirlz et Customs4U. Parallèlement, elle continuait à tourner, notamment pour Adam & Eve. Voilà une carrière classique d’actrice porno plutôt sur la bonne voie.
Ses diverses nouvelles activités n’empêchaient pas Knox de continuer son combat de « sex-positive feminist, activist for sex-worker rights », comme il était écrit sur le Huffington Post où elle publia le 14 avril une tribune sur la politique du travail et les travailleurs du sexe. Pourquoi pas après tout, nous avons affaire tout de même à une étudiante en Women Studies et sociologie.
Voilà donc notre sensation du moment prise sous les feux croisés des puritains, des actrices pornos et des fappeurs hypocrites, la ligue des slut-shamers extraordinaires a créé une alliance improbable contre Belle Knox. Elle est devenue, malgré tout, l’image d’une pornographie assumée, qui se présente correctement sur les plateaux télé, un porn plutôt positif et qui n’a rien de bizarre. Mais surtout, n’oublions pas qu’elle n’a pas encore soufflé ses 19 bougies (selon toutes les sources). Subir un tel ouragan médiatique à 18 ans, être affichée dans le monde entier, être insultée, menacée, voir Internet débattre autour de sa personne, de la valeur de son féminisme ou de son opportunisme supposé, ça demande d’avoir les reins sacrément solides pour tenir le choc.
Pendant ce temps-là, la nouvelle comète du porn continue sa course dans l’espace Internet. Pas un jour sans avoir de ses nouvelles, à l’heure où on publie cet article, elle passe dans la rubrique culturelle de Rolling Stone.
Photos par Zishy.
belle leçon d’opportunisme et d’hypocrisie de la part de tous les « acteurs » de cette « affaire »
En tout cas, dès qu’elle ouvre la bouche, tu te dis que t’aurais mieux fait de tenter l’ivy league.