The Holy Culotte, la Quête de la Sainte Culotte
Le blog The Holy Culotte est apparu sur Internet cette année. Tenu par Sophie et Louise (et quelques contributeurs), elles posent leurs pensées et réflexions sur les sexualités, le féminisme, le porno, le genre, le plaisir, le désir… A force de se retweeter mutuellement, on s’est dit qu’il serait intéressant de lancer un Skype pour qu’elles nous racontent plus en profondeur leur vision de la pornographie et de leur quête de la Sainte-Culotte.
Comment vous avez eu l’idée de monter The Holy Culotte ?
Louise – Au détour d’une discussion. Je voulais écrire à propos de féminisme et elle à propos de ses relations.
Sophie – Je lui ai dit viens, on lance le site à deux, histoire de partager nos discussions. Puis, quelques contributeurs sont venus se greffer. Il y a par exemple Joséphine qui écrit des textes. Elle voulait juste un endroit pour poster des textes érotiques. On en a d’autres qui se tâtent à écrire aussi, on les relance de temps en temps.
Est-ce que la quête de la Sainte Culotte c’est votre tag parfait, votre inaccessible étoile ?
S – On est toutes les deux fans des Monty Python.
L – Moon nous a aussi filé un coup de main pour l’illustration de quelques articles. Sophie – habile avec les mots – a su nous faire toute une ligne éditoriale autour de ça.
S – Après, est-ce que c’est une quête comme celle du Tag Parfait ? Je ne saurais pas te dire. On ne cherche pas à démontrer quoi que ce soit, on ne cherche pas un Graal, un idéal… C’est plus l’idée de pouvoir discuter de ces sujets-là.
Il y a quand même une sorte de voyage initiatique, le lecteur peut suivre vos découvertes au fil du temps. C’est une réflexion qui change, même si le site n’existe que depuis six mois.
S – Le site suit des réflexions qu’on avait bien avant de l’avoir créé. Un exemple concret : j’ai parlé de relations non-exclusives et depuis quelques mois je suis dans une relation vraiment sérieuse avec quelqu’un, ce qui n’était pas le cas quand on a lancé le site. Il y a des choses que j’ai expérimentées depuis qu’on a créé le site, j’aime partager ça.
Personnellement, je me suis mise à lire beaucoup plus de publications sur le sujet, à m’intéresser à d’autres sites, des bouquins, des choses que je ne serais pas allée chercher avant. Ça fait évoluer notre réflexion.
Pourquoi cette volonté d’anonymat ?
S – Je ne veux pas me limiter aux sujets que j’aborde, je ne veux pas me sentir limitée parce que des personnes que je connais vont me lire. Par contre, je n’ai aucun problème avec le fait que ma nudité soit exposée sur Internet. Mais ici c’est vraiment mon intimité et je considère que je ne dois me mettre aucune limite quand j’écris. Joséphine, c’est plus parce qu’elle est assez discrète dans la vie. Elle n’est pas très branchée Internet, c’est plus parce qu’elle a une belle plume.
L – L’anonymat permet aussi de distancer. On peut écrire et tweeter sans complexe, puisque quand on tweete à propos d’une actrice porn ça peut aussi bien être Sophie que moi. On n’a pas vraiment envie de nous construire une identité. Je suis complètement fondue dans le site, qui je suis n’apporte rien.
S – Et puis, en l’occurrence, n’importe qui peut s’identifier. J’avais été assez étonnée par le nombre de personnes qui avaient réagi à cet article en disant « C’est génial, je comprends ton point de vue », et cetera. Je veux pouvoir faire ça de manière complètement libre, sans me sentir gênée.
Sophie, tu reviens souvent sur la notion de lâcher prise. C’est quelque chose que tu recherches, quelque chose vers lequel tu tends dans tes relations sexuelles ?
S – C’est quelque chose dont j’ai pris conscience assez tardivement. Pendant le sexe, je ne vais pas être dans la réflexion, mais en dehors du sexe j’aime bien réfléchir, discuter avec mes amis, lire des choses dessus. J’ai fini par me rendre compte que j’avais besoin de ça pour vraiment prendre mon pied.
Sur un plan plus personnel, j’ai vécu beaucoup de choses qui m’ont fait comprendre que c’est la bonne attitude à avoir dans la vie en général. Ne te prends pas la tête, il y a tellement de choses qu’on ne contrôle pas. Autant les accepter et les laisser couler. Je trouve qu’on vit beaucoup plus facilement quand on laisse aller les choses et qu’on saisit les opportunités quand elles se présentent. Après, sur le plan sexuel, c’est comme une libération d’arrêter de penser, d’être dans la sensation.
Avoir un rapport plus physique que mental ?
S – Ce n’est pas seulement physique, il y a une grosse part de psychologie là-dedans. Même si on n’en parle pas sur le blog, avec Louise on partage pas mal ce point sur nos sexualités. Je ne dis pas que je suis toujours dans la perte de contrôle. Je suis comme tout le monde, parfois je baise de manière plus réfléchie. Je trouve que c’est une sensation qui est libératrice : ne plus réfléchir, se laisser aller dans la situation et dans le présent.
Vous êtes, a priori, plus dans le porn gonzo que le porn scénarisé, ce qui est une habitude de consommation assez classique pour notre génération.
S & L – Ouais.
Est-ce que le « porno pour femmes » – qui sous-entend également qu’il y aurait un « porno pour hommes » – n’est pas une sorte d’impasse ?
L – Je pense que le porno mainstream d’aujourd’hui est plutôt destiné aux hommes. Je m’en suis particulièrement rendu compte il y a quelques mois quand j’ai regardé un porno gay, c’était la première fois de ma vie. J’ai réalisé que le porno que je consommais était vraiment hétérocentré et tourné vers l’homme. On voyait la fille en train de jouir, ceci, cela. Alors que moi, en général, j’aime voir les hommes prendre leur pied aussi. Même si c’est un gang bang j’ai envie de voir leur tête, pas seulement celle de la meuf. Mais est-ce qu’il y a un porno pour femme et un porno pour homme ? Je ne suis pas vraiment partisane de ça, je pense qu’on peut faire évoluer le porno mainstream. Le porno mainstream est tourné par des hommes, pour des hommes et on ne prend pas nécessairement les désirs de la femme en compte. Après, ce sont les trois-quarts du porno que je consomme, alors bon… Ça ne me dérange pas tant que ça.
Quand on regarde du porno tourné par des réalisatrices comme Bobbi Starr ou Katsuni, il y a assez peu de différences avec du porn tourné par des réalisateurs…
L – Je ne trouve pas que la réalisation soit si différente de ce qu’on peut voir comme porno pour homme. C’est pour ça que je n’aime pas trop « pour homme », « pour femme » : on va avoir du porno qui soi-disant est « pour femme » dans lequel je ne verrai pas de différence et du porno « pour homme » qui va tout à fait correspondre à mes attentes en tant que femme, voir le visage des hommes par exemple. Je pense que tous les goûts sont dans la nature, mais si on pouvait faire un petit peu plus de porno mainstream où on voit le visage des hommes… Tout simplement prendre en compte qu’il y ait, je crois, trente pour cent des femmes qui consomment du porno.
S – Si je peux compléter là-dessus, je n’ai pas vraiment la même approche que toi. Je ne regarde pas beaucoup de porn, parce que ça m’ennuie. Je lis le Tag, je m’intéresse à la culture porn mais le porn en lui-même me fait vraiment chier. Pourquoi ? Parce que la majorité du temps, et c’est ça que je reproche à ce qu’ils appellent le « porno pour homme » même si ce n’est pas mieux chez les femmes, les femmes simulent, ça se voit. Je ne peux pas rentrer dans un truc où je vois que la fille fait semblant. Je suis quelqu’un de très expressif au lit, je ne critique pas le fait qu’elles gueulent. C’est juste que la manière dont c’est fait… Je trouve que c’est fake.
S – Le porno pour femmes, je ne citerai pas des Katsuni mais plutôt des Erika Lust, c’est super beau, la réalisation, les acteurs sont plus proches de ce que tu peux croiser, plus « girl next door ». Tu vas plus t’identifier à ces situations, mais ça reste beaucoup trop scénarisé. Personnellement, je n’ai pas besoin de tout ça pour rentrer dans l’excitation quand je regarde du porn. C’est pour ça que je passe plus de temps sur Tumblr à mater des gifs et photos pour me faire mon histoire. Je n’ai pas pas besoin que quelqu’un me raconte l’histoire du livreur de pizza ou de la rencontre avec ta vendeuse de soutif. Mais pour Erika Lust, je n’ai pas vu ses derniers projets parce que son site est payant…
C’est moins scénarisé sur Xconfessions, ce sont des scènes assez courtes, des sortes de courts métrages porn.
S – Dans ce cas, ça pourrait peut-être m’intéresser. C’est super quali ce qu’elle fait, j’aime vraiment beaucoup son concept et toute la réflexion qu’il y a derrière.
Qu’est-ce que le porno hétéro mainstream a à apprendre du porno gay ?
L – La valorisation des corps des hommes. Ça peut sembler bizarre, mais le post-coït, aussi. Les quelques films porno gay que j’ai vu, les deux hommes s’embrassent, se font un câlin… Un truc qui se passe dans mon pieu aussi. Et dans le porno hétéro mainstream, une fois qu’il a éjaculé sur la gueule de la meuf, qui jouit tout le temps d’avoir du sperme sur le visage, elle est contente, elle fait des grands sourires et des grands yeux et puis coupez.
Quelle autre fin serait susceptible d’être excitante pour tout le monde ?
L – De voir que les deux ont pris du plaisir, dans le porno mainstream il n’y a pas de représentation explicite de l’orgasme de la femme. En dehors des orgasmes, simulés ou non, qu’elle a pu avoir pendant l’acte, c’est le moment où on montre vraiment qu’elle a pris son pied et que lui a éjaculé. Montrer que la complicité qu’on a essayé de donner – parfois, pas toujours – pendant le film peut se retranscrire en mode un peu plus off.
S – Je trouve qu’il manque parfois ce côté relation qu’il peut y avoir entre deux acteurs. Je sais que dans les scènes que j’ai beaucoup aimées il y avait une scène avec Manuel Ferrara et Tori Black, une scène de sodomie juste incroyable. Il y a vraiment un lien qui se créé entre les deux acteurs, tu sens qu’il y a une dose de complicité assez ouf, ce qui n’est pas toujours le cas. Mais je comprends que ça reste des acteurs et que parfois la magie n’opère pas. Dans toute la production porno qu’il y a, c’est normal qu’une bonne majorité ne soit pas de cette qualité.
Quel est votre tag parfait ?
S – Je ne l’ai pas trouvé… Je consomme peu de porn, donc c’est dur à dire. Les choses qui m’ont plutôt excité dans le porn ont toujours été très variées. Je tombe sur une scène par hasard, un jour, elle va m’exciter et je ne sais pas pourquoi. Elle n’aura aucun rapport avec l’autre scène qui m’aura excitée quelques mois plus tôt.
L – Je n’en ai pas vraiment. Généralement il y a DP, anal, après c’est au gré de mes voyages et de ce sur quoi je tombe. Un coup je vais sur les tubes, un coup je vais sur les films qui sont déjà téléchargés sur l’ordinateur et qui n’y restent pas souvent. Mon mec télécharge du porn et je regarde en même temps. De temps en temps c’est moi qui télécharge du porn en fonction de ce qui se trouve dans ma veille de téléchargement.
Comment vous voyez le porn dans le futur ?
L – Avec des Oculus Rift !
S – J’ai aussi vu passer un truc tactile qu’une firme japonaise a développé… Tu peux mettre des trucs sur tes doigts…
L – L’innovation technologique, c’est ça le porno de demain.
S – Ouais. Je trouve que c’est intéressant, aussi, de voir l’évolution des sextoys pour les gars. Globalement, jusqu’à il y a quelques années, il n’y avait pas grand-chose pour vous, en dehors de la pénétration anale. Du coup tous les toys là, les Eggs et compagnie c’est pas mal intéressant.
Il y a même plus de sensations qu’avec une fille, alors…
S – Ha ouais ? Merde ! (Rires)
Il manque l’essentiel, mais c’est vrai que c’est quand même bien foutu.
S – Sur le plan général, parce que pour moi le porno c’est une culture générale qui s’intègre de plus en plus dans notre vie, je pense que la sexualité va globalement continuer à devenir de plus en plus mainstream. J’espère qu’il va y avoir une évolution dans un sens positif et que le fait de parler de sexe de manière plus ouverte va aussi rendre les gens plus heureux parce qu’ils vont mieux connaître ce qu’ils aiment. Et donc être plus heureux au lit, et donc être plus heureux dans la vie.
Est-ce que dans le futur, les hommes hétéros auront enfin un peu libéré leur cul et prendront du plaisir par là ?
S – Ouais. J’aimerais ça.
L – En fait, dans le porno de demain, sur le fond, le porno hétéro mainstream dominera moins le marché. C’est-à-dire que dans un même film, tu ne verras pas seulement un mec, une fille et puis ensuite deux filles, un mec, tu verras plusieurs personnes, tu verras des hommes prendre du plaisir entre eux… Tous les plaisirs pourront être transférables de l’un à l’autre et tu auras autant de chances de tomber sur le type de films qu’on connaît que sur du porno queer ou du post-porno quand tu feras ta recherche sur Internet.
S – Moins de catégorisation, c’est ça que tu veux dire ?
L – Ouais, voilà ! Qu’il y ait un petit peu plus que ces courants qui proposent une sexualité alternative à ce qui domine le marché à l’heure actuelle. Que ce soit mis un petit peu en avant, parce que ça permettrait, je pense, de contribuer au développement du plaisir. Parce que je pense sincèrement que le porno est rentré dans cette boucle de faire passer le plaisir au-delà de la morale et que peu à peu, la sphère « morale » diminue au profit de la sphère du plaisir. On se rend compte qu’elle n’a pas état de lieu dans la cité, quoi.
S – La morale catholique, chrétienne, coincée. Parce que ce n’est pas immoral de baiser.
L – C’est immoral si ce n’est pas dans un but de reproduction. Toutes les autres pratiques qui visent le plaisir et qui n’ont pas de but reproductif sont considérées comme perverses et donc moralement moins bien. Le porno montre toutes ces pratiques qui ne sont pas de la morale judéo-chrétienne mais aussi que le plaisir peut prendre le pas sur la morale. C’est ma réflexion du moment.
S – Comme tu peux le voir, on n’est pas toujours d’accord avec Louise. On a souvent des tas de discussions sur les sujet de nos sites, blogs, etc Et c’est justement ce qu’on trouve intéressant. Et le fait d’avoir occasionnellement des contributeurs extérieurs pour entretenir la réflexion sur le site. Par soi-même c’est bien, tu peux lire, tu peux faire des trucs, mais le fait d’échanger avec les autres c’est le meilleur moyen de faire évoluer ta pensée, de t’ouvrir et d’avoir…
L – Un retour intellectuel, quel qu’il soit.
Chouette interview.
J’avais raté ce blog, très intéressant 🙂
Merci pour cette découverte !
Je ne relève qu’un point de l’article qui est sympa d’ailleurs.
Mouais enfin le sexe chez les chrétiens n’est plus tabou depuis le siècle dernier faut pas déconner non plus.
Il ne l’est que chez les traditionalistes ou encore les créationistes, en gros les gars de chez civitas / opus dei ou encore les mormons, bref les minorités pas très évoluées qui gravitent autour.
Les chrétiens sont ouverts et pas du tout fermés comme certaines personnes laissent penser.
Je suis chrétiens et catéchumène, donc en voie d’être catho, et pour autant un fervent lecteur de ce site, et pas que celui-ci d’ailleurs, mais avoir l’esprit ouvert c’est aussi valable pour les personnes qui sont dans le pr0n, il faut arrêter de stigmatiser les personnes ayant des affinités avec le religieux.
Nous ne sommes plus des culs-bénis depuis bien longtemps.
Bon sur ce, continuez votre taf, c’est sympa à lire / voir 🙂
Tu as raison de rappeler ça. C’est vrai que les cathos n’ont pas bonne presse en ce moment avec la manif pour tous 🙁