Ghislain Faribeault : « Pour lutter contre le piratage, il faut déjà commencer par une offre légale complète »

Les tubes pornos changent et prennent un tournant plus légal : les vidéos sont rapidement supprimées en cas d’infraction au droit d’auteur, le modèle « freemium » s’impose pour les tubes qui ont pignon sur rue (exemple du Pornhub Network) et il existe dorénavant tout un arsenal d’outils pour les studios afin de mieux contrôler leur contenu. Sommes-nous à l’aube d’un changement dans la consommation du porno en ligne ou le public biberonné au tout gratuit continuera de bouder les solutions payantes ? On est allé poser quelques questions à Ghislain Faribeault, vice président média du groupe Marc Dorcel, en guerre contre les tubes mais pas contre Internet. 

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Des tubes réputés pour ne pas être très regardant sur le droit d’auteur comme Xvideos ou Xhamster prennent maintenant un tournant plus « légal », comment fonctionnent-ils ? Et pourquoi font-ils ça alors qu’il existe déjà le signalement DMCA ?
Xvideos et Xhamster travaillent avec une société tierce de fingerprinting et nous devons enregistrer nos vidéos auprès de cette solution qui reconnait chaque image. Ainsi, lorsqu’un internaute essai d’uploader une vidéo Dorcel, celle-ci est identifiée et l’upload est impossible.

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Le DMCA est une fausse excuse. Ces sites se retranchent derrière le statut d’hébergeur et non d’éditeur. Pour autant, ils animent leur site avec le contenu présent illégalement. Je vois de nombreux tubes communiquer sur Twitter qu’ils ont le dernier Dorcel. Ils ne peuvent pas alors se retrancher derrière leur statut d’hébergeur, surtout que la plupart d’entre eux ne font rien pour s’auto-réglementer. Il est même connu que certains piratent eux-même les studios pour avoir les dernières vidéos sur leur tube. Ils sont dépendants de ces nouveautés pour générer leur audience et leur business model est fondé là-dessus.

Nous sommes content de voir l’arrivée du fingerprinting, même si cela reste très contraignant, c’est un pas des tubes vers la légalité. Nous sommes encore loin d’être à l’équilibre quand d’un côté vous diffusez du contenu pour la plupart volé, que vous êtes hébergé dans des paradis fiscaux et que vous vous moquez totalement de tout contrôle parental. De notre côté, nous créons des emplois en France, payons nos taxes, nous finançons le cinéma français à hauteur de 10% sur la VOD/DVD…

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Pornhub et son modèle « freemium »

Marc Dorcel – à part une tentative un peu cachée sur Pornhub – s’est toujours mis à l’écart des tubes, même à titre promotionnel comme le font maintenant la grande majorité des studios, pour quelles raisons ?
C’était la tentative d’un prestataire il y a 3 ans à laquelle nous avons mis fin, vu le peu de résultat… Marc Dorcel est un peu à part dans l’industrie, c’est le seul producteur à être à la fois diffuseur, distributeur et même agrégateur.

Les tubes peuvent intéresser les studios à faible notoriété et donc sans réel trafic et qui cherchent une visibilité. Le freemium génère très peu de revenus et il est plutôt destructeur de valeur dans notre cas. Nous ne sommes pas dépendants du web et le contenu Dorcel reste payant. De plus, beaucoup de tubes prennent quelques légèretés avec la protection des mineurs [il n’y a généralement pas de disclaimer à l’entrée de ces sites, ndlr].

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Joli disclaimer chez Dorcel

Takedown Piracy, qui s’occupe depuis 2009 de repérer le contenu piraté sur Internet, lance un service pour l’industrie porno et notamment les tubes. Ils pensent être un « game changer » Est-ce l’outil ultime ?
Nous travaillons avec plusieurs sociétés dont TakeDown. Ce n’est pas LA solution mais un des axes de protection de notre contenu. Ils agissent surtout sur les torrent, peu sur les tubes. Au niveau du référencement, les sites pirates ressortent avant les offres légales, c’est le monde à l’envers, c’est encourager le piratage. Google sur ce point commence doucement à changer. Il était temps ! Malheureusement, l’adulte n’a pas le même lobby que Hollywood…

Est-ce que le public va se satisfaire de ce contenu promotionnel ? Va-t-il se remettre à payer ou au contraire va-t-il retourner chercher des vidéos par des voies parallèles (en torrent notamment) ?
L’audience des tubes qui pratiquent ce type de freemium commence et va fortement descendre. Ce qui est au final presque injuste car cela n’incite pas les autres tubes à être plus « propres ». Certains continueront à fuir en fonction de la législation, la taxation et le contrôle parental.

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L’architecte du business des tubes et son fameux taxi

Le fameux JT (dont les activités en ligne sont maintenant gérées par MindGeek) utilise les tubes pour tester ses vidéos et ses sites et ça semble plutôt bien marcher, puisqu’il dit investir maintenant 200k$ par mois dans la prod. Est-ce un modèle à suivre pour Dorcel ?
Par forcément car sans ces tubes, combien de temps auraient-il mis pour se faire connaitre ? Nous n’avons pas la même problématique de notoriété ni même de stratégie que ces pure-players porno. Le web n’est qu’une des nombreuses activités du groupe DORCEL : TV, VOD, Magazine, Boutique, Producteur TV… Comme tout groupe, nous faisons tout pour ne pas être dépendant d’une seule activité.

On estime qu’une partie du public est mur et prêt à payer pour un netflix du porn, pourquoi l’offre reste encore si petite ?
Contrairement au « mainstream », le public n’a pas l’impression de pirater en allant sur un tube. Pourtant cette audience enrichit certaines personnes qui n’investissent pas dans le contenu. Les internautes n’ont pas l’impression de voler avec cette consommation. Pourquoi payer alors que d’autres diffusent gratuitement ? S’ajoute à cela l’absence d’éducation par les médias. Contrairement à des Deezer ou des Netflix, il n’y aura pas de sujet sur le porno au 20h.

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xillimite, un des rares « netflix » porno

Il faut que ses sites bénéficient d’aide pour rentrer dans la culture populaire plutôt que de faire l’apologie des sites pirates en relayant leurs coups de com. Pour autant l’industrie va mal et ce sont des emplois menacés. De nombreux studios ferment chaque année. Les actrices gagnent de moins en moins…
Nous croyons beaucoup au système de xillimite.com [le « netflix porno » de Dorcel, ndlr]. Ce n’est pas encore simple de convaincre nos confrères producteurs du modèle.

Pour lutter contre le piratage, il faut déjà commencer par une offre légale complète.

Avec le contrôle plus strict du contenu et l’option purement promotionnelle que prennent les plus gros tubes, quel est leur avenir à 2-3 ans ?
Peut-être que leur modèle économique sera à revoir comme ce fut le cas pour Napster… Il faut plus de régulation et aider le développement des offres légales. Au-delà du porno, comment continuer à l’avenir à produire du contenu pour une nouvelle génération pour qui le contenu a toujours été gratuit…

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