Chicago’s Best Enormous Eats : la belle teub de Bartolini’s
Chicago’s Best est une chaîne qui fleure bon le rêve américain: des gus s’invitent à la grande table de l’Oncle Sam et savourent les mets du banquet, tel Jésus durant la Cène. Sauf que la mise en images de la barbaque s’apparente davantage à la décadence païenne. Dans cette contrée du bigger than life, les burgers sont remplis ras-la-gueule. Une montagne de bouffe dans un petit pain, la moitié qui s’échappe quand la bectée se fait vorace, ça dégouline de partout et on en redemande. Tacos, pizzas, steaks, tout arrive à Chicago, à travers un éventail de vignettes appétissantes, éparpillées aux quatre coins de ce sweet home chantonné par les Blues Brothers.
Le clou du spectacle, c’est le casse-croûte aux boulettes de viande proposé par le resto Bartolini’s. The Big One dans ton assiette. L’expression pure de la mégalomanie américaine, mais aussi de l’hypocrisie sociale ; on blâme volontiers les effets néfastes du gras tout en se délectant de cette imagerie fabuleuse, point commun de plus entre le bon-manger et le bon-baiser pornographique. Ce sandwich est le lieu de tous les excès. Vous pouvez le concevoir chez vous, avec de la baguette, beaucoup de viande, du parmesan, de la sauce bolognaise et un peu de magie. Créature hybride façonnée par un Dr Frankenstein de la toque, ce super truc énormissime est le croisement improbable entre le sandwich et la pizza, avec un petit côté flammkueche d’un point de vue esthétique. Un monstre qui veut ta mort comme ta petite mort. Regardez-moi ça : c’est fondant, c’est beau, c’est tout chaud. On entend presque la voix de Stevie Wonder entre deux couches lactées.
Dégueulis fabuleux de viande et de fromage, ce mastodonte est un chibre des plus imposants, te contemplant de sa hauteur démiurge, arrogante fantaisie culinaire qu’elle est, la garce. La pauvre présentatrice, pourtant mignonne comme tout, ne peut rien contre ça : les quelques mâles adossés à leurs chaises regardent à peine cette pauvre donzelle et ne pensent qu’à abattre leurs mâchoires sur la Bête, quitte à foutre en l’air leurs mécanismes digestifs pour la beauté du Diable. On les comprend. On a cependant le droit de se questionner sur l’utilité des concours de bectance. Une performance vulgaire, où quelques cochons jouent au concours de bites en se remplissant le bidon de saucisses ou de tarte. L’arrogance humaine à son meilleur, me direz-vous, la course typique des joueurs du bowling vers l’overdose gustative. Est-ce vraiment faire honneur à un si joli trésor pour carnivores que de s’en empiffrer comme un malpropre ? Restons gentlemen.
Pourtant, à en voir cette vidéo, on comprend la poésie de l’acte. Ce casse-croûte aux boulettes est une BBW apportée sur un plateau. Elle nait du plaisir, les préliminaires, et ne vit que pour celui des ogres affamés. On se jette sur la bouffe comme on se sacrifierait à une amante gironde. Après l’avoir léché du regard et admiré trop longtemps la superbe de ses formes, on ne peut s’empêcher de dévorer son corps jusqu’à la dernière miette. Brûlé par la passion, on enchaine les bouchées en s’en foutant plein les mains, la rapidité n’est pas superficielle mais pulsionnelle. A n’en pas douter, nous ne crèverons pas d’une explosion nucléaire, nous crèverons d’amour. En rut, nous nous bâfrerons de victuailles ou de sexe, jusqu’à l’ultime orgasme. Nourris depuis notre chère enfance, nous pousserons notre dernier soupir les meatballs en mains, c’est ainsi. Nos émotions sont contenues dans un sandwich. C’est une belle romance.
En soit, la finalité suprême du #foodporn, et c’est là l’intérêt de cette pratique culturelle, rejoint cette réplique évocatrice tout droit sortie de Love Actually :
« Gavons-nous d’amour jusqu’à en crever ! »
Je comprends pas trop votre délire avec le »food porn »