Stacy’s Mom : le parfum de la MILF
Chacun de nous s’est construit, brique par brique, sa propre culture, et cette culture toujours fut X, sensuelle, organique. Et ce durant l’âge bête, l’âge crasseux, l’âge ingrat dépeint par Todd Solondz : l’adolescence. Et ainsi nous voilà, à l’heure actuelle, l’esprit parcouru de songes nostalgiques comme d’ardents désirs bien actuels. Tel un parcours initiatique vers la branlette parfaite, nous sommes progressivement devenus des amateurs de sexy comédies, de vidéos très hot, de posters centraux trop lisses, de clips coquins façonnés pour MTV et autres publicités au sous-texte fort parlant, avant de sombrer corps et âme dans le lac porno pour mieux s’en abreuver.
Et au-delà de la puissance émotionnelle des images ou du poids des mots d’un S.A.S, demeure, toujours, un hymne musical déclencheur, celui-là même qu’on chantonne au détour d’un plaisir estival ou d’un court instant de sérénité. Un morceau qui transforme le corps en objet insaisissable, ou au contraire lui retire toute nervosité et en appelle aux vertus aphrodisiaques de l’enlacement charnel. Au centre de ces extrêmes, ce morceau peut également être exceptionnel en cela qu’il a tout compris à son sujet, et, par là même, à une certaine culture. Stacy’s Mom est de ceux-là.
Le titre en lui même a tout de la chronique djeunz : il évoque plus The Girl Next Door que La femme d’à côté. Quelque chose d’insaisissable et de pourtant si proche. On doit cette idylle à Fountains of Wayne, un groupe ovniesque, qui ne s’est jamais défini comme un quator de rockstars et plait certainement moins aux skateux qu’un The Offspring. Pourtant, c’est incontestablement l’une des voix les plus énergiques de la jeunesse américaine, celle qui est “too cool for school, entre insouciance du bal de fin d’année, dilemmes sentimentaux pas si éloignés de Dawson et rêveries juvéniles.
Cette chanson, qui comme tout tube pop par excellence semble faite pour clamer son refrain en boucle, parle de l’amour ultime, ultime puisque de l’ordre de la fantaisie irréelle : le fantasme de la MILF. Notre protagoniste, teenager classique, sort avec la jolie Stacy, mais trouve sa mère bien plus bandante et rêve de l’avoir comme goûter à la fin des cours. Au fil des paroles, le mauvais esprit potache se conjugue à la découverte du corps, naive et exubérante. Touchante. Depuis Le Lauréat, ce désir de se soumettre tout entier à une femme plus mûre demeure intact, à la fois comme valeur subversive, chamboulement des codes sociaux, rébellion typiquement juvénile, tabou à transgresser…mais aussi comme quête identitaire. L’adolescence comme lieu de tous les possibles et de toutes les masturbations, époque où tout est encore à faire, à expérimenter et à penser, où l’envie de s’enfuir entre les jambes d’une déesse protectrice est plus forte que jamais.
Stacy can’t you see, you’re just not the girl for me ! I know it might be wrong, but I’m in love with Stacy’s Mom…
Sans plonger dans le monde coloré de l’inceste, la MILF nous renvoie une image différente, une voie à suivre pour explorer de nouveaux horizons. Paradoxalement, de par son ancienneté, elle nous propose quelque chose de neuf. Et face à elle, nous sommes à la fois le gamin de dix ans face au décolleté de sa prof de français et le mâle macho en rut, prêt à prouver sa virilité à une Mrs Robinson tentatrice. L’amour impossible n’est plus celui, tragique, à la Roméo et Juliette. Le nouveau Shakespeare raconterait plus volontiers l’histoire d’un doux idéaliste se crevant corps et âme pour une quadra fantasque. D’ailleurs, même Disney a su nous convaincre que le true love était là, sur les lèvres parfumées de cette femme dont vingt ans nous sépare. Revoyez Freaky Friday pour vous en convaincre : le corps de Jamie Lee Curtis a résisté aux désordes du temps et à toutes les tempêtes, comme scultpté dans la pierre. Il demeure pharaonique, tandis que celui de la pauvre Lindsay n’est plus qu’un souvenir de collégien. Les MILFs sont éternelles…
Et ce ressenti complexe face à la MILF, entre maladresse de la première érection et fascination durable, Fountains of Wayne le traduit à la perfection. Peut être faut-il mettre cela sur le compte des subtilités harmoniques du power pop. A l’énergie du riff rock qui déboule comme l’éjaculation se mêlent les choeurs nostalgiques de la sensibilité ado, aux résonnances électriques à la Cheap Trick s’accouple la douce mélodie sentimentale d’un morceau de Badfinger. Tout est dans le terme : POWER POP. Quelque chose de puissant comme un bon coup de reins, mais aussi de croquant, et craquant, comme le pop corn. D’ailleurs, Stacy’s Mom est un hommage à The Cars, et en particulier aux irrésistibles romances My Best Friend’s Girl et Just What I Needed . Les temps changent mais l’amour demeure.
Avant tout, même si ces images de bombe mature n’ont fait que s’accumuler depuis la sortie du film de Mike Nichols, citons entre autres la mère de Stifler dans American Pie, Stacy’s Mom est bel et bien l’expression musicale d’une révolution culturelle. Notre génération n’est plus simplement celle qui bande sur la pom-pom girl, la fille mystérieuse ou celle du proviseur du bahut. Mais celle qui fantasme sur la mère de cette fille, ses seins fermes et généreux, son expérience sexuelle, son arrogance de maternelle matricielle, son appétit de desperate housewive…Et surtout, sa supériorité iconique. Le corps de cette mère raconte déjà une histoire, en a déjà raconté tant d’autres. Ce n’est une page blanche, vierge, mais un palimpseste qu’il faudrait réécrire à l’envi jusqu’à jouir de sa plume et faire déborder l’encre. Et à jouer au papa et à la maman, comme il est dit non sans mauvais esprit…
And I know that you think it’s just a fantasy, but since your dad walked out, your mom could use a guy like me !
Le clip fabuleux du morceau, hommage au teen movie culte Fast times at Ridgemont High, est tout un concept. Univers hybride et référentiel, des vignettes s’y entremêlent. Le gosse a un coupe d’ado des années 2000, il zieute la Mère comme une première vidéo Youporn mais nous rappelle aussi les classiques scènes voyeuristes des campus movies de la grande époque ou l’excitation vécue durant le premier visionnage d’un Sexcrimes, sa girlfriend a des airs de Britney Spears et porte les lunettes de soleil d’une Lolita. Au centre, intemporelle, la sublime Rachel Hunter. L’un des plus célèbres modèles des années quatre-vingt, aux jambes interminables et à la poitrine de rêve, découpée en images dégoulinantes de sensualité, corps chaud comme la braise et objet premier de notre érection. Sans dévoiler le show de la belle, qui provoque l’éjaculation métaphorique de l’ado libidineux (un soda qui déborde) et lui donne des envies de rentre-dedans (le gag de la tondeuse), disons simplement que la vidéo, comme le morceau, a l’intelligence de ne pas tant se valoir pour sa figure mystifiée (la mère de Stacy) que pour l’ado qui la sublime par son esprit. Foutains of Wayne ne rend pas seulement un bel hommage à Rachel Hunter ainsi qu’à toutes les potentielles MILFs du monde en nous faisant tous hurler comme des loups face à ce corps mouillé, enduit d’huile, déshabillé et magnifié, mais, en nous collant aux basques d’un gamin standard, ils évoquent une belle tranche de vie, perçue avec authenticité, humour grivois et candeur. Ils racontent leur adolescence, et aussi la notre, la votre. Un flashback aussi émouvant que profondément juste. Avec, en cadeau, Rachel Hunter comme mythe sur lequel jouir. Le rêve peut se réaliser, il suffit juste de répéter…
Stacy’s Mom has got it goin’ on,
Stacy’s Mom has got it goin’ on,
Stacy’s Mom has got it goin’ on,
Stacy’s Mom has got it goin’ on…
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