Lost in (Scarlett) Johansson…
Mert Alas et Marcus Piggott officient pour W. Magazine. Leur style, indéniable, invite à découvrir un monde à la fois sensuel et potentiellement dangereux. En quelques flashes ils se réapproprient une poignée d’icônes pop et parviennent à capter leur essence, plus que leur apparence. Rihanna devient une amazone, une guerrière tribale au look cannibale, une femme meurtrière que tu dévores des yeux et qui en échange pourrait dévorer ton sexe. Loin des indénombrables clichés de la mosaïque people où son fier popotin se fait vedette, ces quelques bribes d’images éclatantes dévoilent une chanteuse sauvage, Reine d’une Forêt d’Emeraude où sa nudité est recouverte non sans flamboyance des oripeaux et autres joyaux des temps anciens. Les loups alentours, ce sont nous autres, pauvres bêtes soumises à ses pieds de mégastar.
De la même manière, Eva Mendes n’est plus immortalisée en bomba latina aux jambes interminables, façon Jennifer Lopez dans U Turn. Fantasmée, elle devient une actrice tragique, de ces grands drames féminins dont Hollywood a le secret. Ressortent de ces photos sentimentales une belle émotion, mais aussi une sensualité, celle de la tentation. Dangereuse puisque femme fatale, sexy de par sa poitrine provocante à la Ava Gardner, Mendes n’en est que plus fragile quand toute une dramaturgie se dévoile dans l’humidité de son regard vertigineux. On peut s’exciter sur des images immobiles. Pas simplement des images de nu, mais des vignettes évocatrices qui semblent d’emblée nous raconter une histoire, une histoire de corps dévoilé et d’âme mise à nu, à la fois triste et charnelle.
Dernièrement, Alas et Pigott sont donc parvenus à magnifier Scarlett Johansson. Pas le plus grand exploit au monde, me direz-vous, vu l’érotisme implacable de la dame. Pourtant, loin de l’authenticité quotidienne de Lost in translation ou des mosaïques super-fashion pour parfums, les photographes inventent une autre Scarlett, ils lui font jouer un rôle, celui de la belle blonde énigmatique pour laquelle on se damnerait. La blonde n’est plus pulpeuse façon Marilyn, le modèle indétronable de la pin-up s’il en est. Elle est provocante, mystérieuse, rock’n’roll, elle respire la mort, la tristesse. Clairement, Johansson se transfigure ici en Deborah Harry, la déesse de Blondie, dont les charmes ne sont plus à prouver.
L’environnement urbain en arrière-plan rappelle évidemment la chronique romantique de Sofia Coppola, mais l’expression, le regard, tous ces petits détails sensuels, mettent en forme(s) une Johansson métamorphosée. La poésie du noir et blanc, l’air contemplateur, le doux parfum de nihilisme ou d’attente vers un grand rien, cette galerie évoque une atmosphère de rupture amoureuse mais aussi d’espoir à venir. Le temps d’une capture, les lèvres de l’actrice éveillent en nous tant de rêves naifs de baisers fougueux. J’aime me perdre dans le regard de Scarlett et j’aime qu’un photographe, en arrêtant le temps et en comprenant qu’une icône peut avoir autant de visages que de vies, enrichisse une femme de mille et un mystères.
Lost in translation, lost in Johansson…
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