La Sextape 3 de Drixxxé et plus si affinités
Le beatmaker Drixxxé a balancé le troisième (et dernier) volet de ses Sextape récemment. Une série qui regorge de pépites soulful et du lointain souvenir de ta peau ; un condensé de bandes originales du golden age porno et érotique. Cette fois-ci on ne s’est pas contenté de gentiment donner notre pouce comme ça, on a voulu en savoir un peu plus sur son travail d’erotico-digger.
Pourrais-tu nous éclairer sur l’idée moteur derrière ta série Sextape ?
C’est vraiment venu par hasard après avoir posté la photo d’une cassette de musiques de films érotiques trouvée en brocante aux titres improbables du style Autant en emporte le gland sur Instagram. Un pote me suggère alors dans les commentaires de faire une mixtape érotique et ça a été le déclic. Comme je collectionne depuis un petit moment les vinyls ayant des pochettes un peu suggestives, j’avais déjà repéré quelques perles. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à faire des recherches plus approfondies…
D’où te vient ton attrait pour les sonorités des années 70 ?
Depuis très longtemps, je suis fan de soul, de funk, de rock des 70s. James Brown, Sly Stone, Stevie Wonder, The Beatles, Stax, Motown etc.. je sais pas d’où ça vient réellement mais j’ai toujours aimé ça, peut être l’amour des vieux samples… Enfin même avant d’avoir un sampleur, j’écoutais déjà ça de toute façon ! En même temps, quasiment toute la meilleure musique jamais produite l’a été entre 1966 et 1976 en gros (Thriller est une exception), c’est peut être tout simplement pour ça que j’aime cette période.
Dans la mine d’or de beats que tu mets à jour, on se laisse emporter vers de grands noms tels que Serge Gainsbourg, Luis Bacalov, Ennio Morricone ou encore Bernard Purdie. La musique te mène-t-elle aux films ou l’inverse ?
C’est quand même la musique qui m’y a mené, mais ça va dans les deux sens parce que la musique et l’érotisme ont toujours été très liés je trouve. Les trois quarts des chansons parlent d’amour ou de désir. Je me rappelle avoir été scotché étant gosse par la cover de Cerrone « Love in C minor ». Je devais me dire que ça devait être vachement cool d’être musicien en voyant cette pochette ! C’est peut être de là que me vient mon goût pour ce style erotico-vintage que j’adore, le fait d’être né à la fin des années 70, ça aide. C’est à cause des Ohio Players, Gainsbourg et Cerrone tout ça ! À cause de Nino Ferrer aussi et de sa pochette avec Radiah Frye.
Le fait d’être attiré par cette esthétique m’a conduit à collectionner les 33tours de cette époque, et dès qu’il y a un bout de peau qui dépasse, je prends. Je me suis donc retrouvé avec quelques albums de musiques de films érotiques, les plus connus en France : Emmanuelle, Histoire d’O de Pierre Bachelet, Bilitis de Francis Lai, Laura, les ombres de l’été de David Hamilton sur une musique de Patrick Juvet… Et bien tout ce que je peux dire, c’est que ce n’est pas dans ceux là que j’ai trouvé de la matière pour mes mixtapes !
La première fois que je me suis dit qu’il y avait sans doute des trucs intéressants musicalement dans ce genre de film, à part la B.O. de Madame Claude de Gainsbourg, c’est en achetant un album compilant des musiques de films érotiques italiens il y a une quinzaine d’années, un disque que je n’avais évidemment acheté que pour la cover ! Et là, c’est en mettant l’album sur la platine que je découvre une mine d’or en termes de samples. Je suppose que c’était le genre de films italiens qui passaient le dimanche soir sur M6 quand j’étais ado, ceux que je regardais sans le son pour ne réveiller personne… L’ironie c’est que plus de vingt ans après je suis prêt à tout pour mettre la main sur eux mais sans l’image cette fois ci. En tous cas, grâce à cet album j’ai pu découvrir les musiques de Sessomatto, des Black Emanuelle par exemple ou des compositeurs comme Armando Trovajoli ou Nico Fidenco. Ce fut vraiment le point de départ.
Comment as-tu découvert des compositeurs tels que Franco Micalizzi, Gert Wilden ou Alan Tew ?
C’est ensuite, quand l’idée de faire une mixtape dédiée au cinéma érotique ou porno est arrivée que j’ai vraiment approfondi le sujet. En fouillant dans ma collection et en virant les daubes (parce qu’il yen a quand même un paquet) je suis arrivé à une trentaine de minutes mixées, en gardant les meilleurs moments et en éditant les titres parce qu’il y a souvent des passages vraiment pas terribles dans certains morceaux.
J’ai donc dû commencer par faire des recherches pour trouver d’autres albums ou d »autres films susceptibles d’avoir une musique intéressante. Je suis tombé par hasard sur un titre énorme d’Alan Hawkshaw qui est sur Black Lolita, un film Blaxploitation à tendance plutôt érotique. Un beat à la « Superstition » de Stevie Wonder, un Moog, un Rhodes, des filles toutes nues : le paradis !
J’ai donc commencé à chercher ce qu’il avait fait d’autre, et en fait ce mec après avoir été membre des Shadows et des Mohawks (qui ont fait « The Champ » samplé par KRS-One notamment) a été l’arrangeur de Serge Gainsbourg quand ce dernier a cessé de bosser avec Jean Claude Vannier. C’est lui qui a bossé sur « Vu de l’extérieur » et « L’homme à tête de chou » pour la partie intéressante. Et c’est donc en creusant d’avantage que j’ai découvert toute cette équipe de requins de studios Londoniens, lui, Alan Parker et les musiques qu’ils ont fait pour Bon appétit, Aunt Peg ou Teenage twins par exemple. Alan Tew je crois que je l’ai découvert en meme temps aussi.
Gert Wilden j’ai du le découvrir en cherchant de nouvelles pochettes. Mais comme souvent, il faut trier… Parce que si il y a des trucs intéressants que j’ai intégrés aux mixes ; il y a aussi des titres atroces qui sont à mi chemin entre la musique d’ascenseur et la fête de la saucisse, ce qui est pourtant en plein dans le thème.
En tous cas, il n’ y a pas vraiment de règle pour trouver des pépites, c’est souvent le fruit du hasard.
Nous avons eu droit à la première Sextape il y a deux ans et nous en sommes maintenant au troisième volume. Tu mets combien de temps pour compiler tout ça ? À quand la Sextape 4 ?
J’ai une oreille et un oeil qui trainent depuis des années, donc les tracks je les accumule depuis pas mal de temps. Mais à la base je ne pensais vraiment en faire qu’une seule. Après le volume 1, j’ai continué à chercher des titres par curiosité et je suis tombé sur « Maman ne m’a pas dit » de Patsy Gallant qui est sur L’initiation et « Ta Fédubonboulou » de Jo Moutet. Deux titres que j’étais obligé de partager ! J’ai donc construit la seconde tape autour d’eux en y ajoutant des tracks que je n’avais pas mis sur le premier volume. Idem pour la troisième avec « All pink on the inside » de Bernard Purdie mais je pense que je vais m’arrêter là. Une trilogie c’est déjà pas mal. Je ne veux pas que ça devienne chiant ou trop prévisible.
Es-tu un collectionneur de films vintage des années 70 ? As-tu deux ou trois films qui t’ont vraiment marqués tant au niveau de la musique que de l’image dans cette ère là ?
Il y a quelques années, j’ai eu une vraie période blaxploitation. À chaque fois que je découvrais un album je voulais voir le film, pour m’imprégner du truc. J’ai du commencer avec Shaft, puis Superfly et après tu découvres Coffy, Foxy Brown, Hitman, Dolemite etc… Là très honnêtement concernant les films présents sur les trois sextapes, si j’en ai vus quelques uns, la musique et les affiches m’ont suffit pour le reste, parce que à quelques exceptions près, les films ne sont pas tous des chefs d’oeuvres ! Mais contrairement à la blaxploitation, personne n’avait remarqué que la musique était parfois géniale, comme quoi, ça doit effectivement rendre sourd.
J’ai eu une période Russ Meyer aussi, pas du tout pour les gros seins, mais les films étaient tellement barges ! Mon album instrumental des beats de Triptik sorti en 2004 s’appelle d’ailleurs Drixxxen. Il devait être suivi de Superdrixxxens qui n’est jamais paru.
Mais j’aime vraiment l’esthétique qu’il y avait à cette époque (je parle pas de Russ Meyer là !), les mini shorts en jean, les rollers, les Rolls Royce Silver Shadow, les fauteuils en osier ! Le soin apporté aux décors, aux cadrages, à l’image, il y avait encore un souci de faire du beau. Cela s’est perdu malheureusement par la suite.
Serais-tu partant pour participer a la B.O d’un film pour adulte ?
Oui carrément, pourquoi pas ! Mais un truc vraiment esthétique, avec une vraie place pour la musique, là je serais partant. Je me rappelle que l’ingé son avec qui on avait travaillé sur le premier album de Triptik avait notamment fait la musique des Visiteuses et comment dire… c’était pas hyper enthousiasmant comme oeuvre au final.
Un dernier mot sur ton actualité, tes projets ?
Je suis en train de terminer mon premier album solo, très inspiré justement par cette ambiance qu’on peut retrouver dans les trois sextapes. Je le construis justement comme une B.O. de cette période, j’essaie de créer une histoire entre titres funky et atmosphères plus moites, entre Gainsbourg période Jane B et programmations plus modernes. Il s’appellera NSFW et la pochette répondra aux critères requis pour figurer dans ma collection de vinyls !
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