Mon food porn : sucre, calme et volupté
Mon vice est sucré et je me retrouve souvent bien esseulée quand arrive l’heure de m’aventurer dans les contrées de commentateurs du food porn, aux relents de salé et de gras. L’obscène pâtisserie sur Tumblr rime trop souvent avec son cousin anglais obvious ; le sweet est synonyme d’évidence comme l’anal sur les tubes. On le délaisse au profit de précieux fromages italiens, aux délicates charcuteries corses et autres beurres salés fondant langoureusement sur nos palais chauds.
Impossible de complètement caler mon fap culinaire là-dessus, in fine, il me faut un gâteau. J’associe le sucre et le concept de fin, tout simplement parce qu’il termine chacun de mes repas. Ainsi, je ne connais de satisfaction qu’à travers un dessert. Je déteste les restaurants qui les séparent de la carte principale car c’est là où se pose mon œil en premier. Dans ce petit bout de sucre raffiné réside tout le poids de mon jugement sur un festin. Le plat est déjà loin et l’entrée n’en parlons pas. En réalité, si je le pouvais, je zaperais toutes les étapes et ferais de ma vie un goûter permanent. Une succession de fins de repas qui m’approcherait comme un pas de plus vers le paradis.
Il y a bien quelques trucs salés qui viennent concurrencer mon amour. Mais rares sont ceux qui arrivent à me faire monter l’eau à la bouche comme la gosse que je suis devant la devanture d’une boulangerie. Le poulet rôti peut-être, mais mon excitation est pour son odeur. La beauté des pâtisseries, elle, est d’abord visuelle, suivie de la jouissance des papilles. Pour les sentir, il faut se pencher puis ouvrir grande les narines au moment où on gobe la première bouchée.
Obsédée au point de penser un emploi du temps des desserts, il était temps pour moi de faire honneur aux meilleurs desserts à caractère pornogustatif. Cake est un autre mot pour le cul, j’en ai donc fait mon cheval de fap. Petit inventaire des classiques dans mon exploration en terres d’oeufs et de lait.
Profiteroles au chocolat : mon fap sûr
La madeleine de Proust a bien changé, on la retrouve maintenant en supermarché, par lot de 75 étouffe-chrétien à bas prix. Il en va de même pour mon souvenir d’enfance – mes profiteroles – transformées en vulgaire yaourt noyé sous une crème chocolatée du plus mauvais effet par une certaine Laitière.
Passée cette parenthèse aberrante, on retourne à mes vrais choux chéris qui cachent une boule de glace vanille plus ou moins heureuse, mêlée de chocolat suivant la générosité du serveur. Les plus belles ne sont pas parfaites et font parties de ces desserts à mater en mode amat’ : couleurs fades et sans chichis, là où elles donnent le plus envie. Les profiteroles sont bossues et inégales : celle de droite sera plus joufflue mais moins bien pourvue en glace que sa voisine. Le chocolat trop noir servant à gommer les défauts.
Ces petites douceurs, souvent disposées en un saint triangle, n’ont d’interracial que la couleur. Loin des excentricités, le mariage chocolat-vanille est devenu mon missionnaire du samedi soir. Le climax se trouve au début, à la pénétration dans la bouche. Quand la cuillère s’engouffre, à peine trempée de chocolat, et que la glace vient lécher malicieusement les gencives. Ensuite, ça vire au coït d’amoureux quand l’équilibre thermique est atteint. Après avoir englouti la dernière bouchée, il ne me reste plus qu’à faire mumuse avec le foutre sucré de mon dessert, telle une Jackson Pollock striant un blanc ivoire de brun profond.
Les meilleures à ce jour sont planquées dans la rue François Miron. On m’a aussi parlé d’une Mecque sur l’île Saint-Louis, mais mon cœur reste pour toujours attaché à ce petit restaurant sur les bords de Marne.
Tarte Tatin : zinzin de l’extrême
Avec la tarte tatin, le tag foodporn est mitigé car l’objet de désir est complexe et surtout facilement ratable. J’en ai trop vu des décongelées, expédiées brûlantes dans mon assiette. Ou pire, avec de la cannelle. Le potentiel du trouble est pourtant bien haut : des morceaux de pommes caramélisés, cuits et étouffés sous une épaisse couche de pâte. « Eh viens-là que je te brûle le gosier avec mon sucre fondu » qu’elle me sussure doucement à l’oreille. Quant à son odeur, c’est tout simplement une torture. À la vérité, ce truc est bien trop diabolique pour que j’y touche trop souvent : le sucre me monte à la tête et me laisse toc toc et surexcitée.
Elle ressemble ainsi à une bonne pote qui m’offre sa dose pour un shoot discret mais efficace, avant d’ouvrir les jambes pour me montrer toutes les merveilles qu’elle recèle. Tout ça est chaud et pèse plus lourd dans l’estomac que n’importe quoi d’autre. D’ailleurs, il y a trop de fruits défendus là-dedans, ce dessert tient forcément du péché et j’aime y plonger la tête la première.
Il faut quand même se retenir d’y fourrer ses doigts, cette vicieuse est bien trop chaude pour les pulpes sensibles. Au besoin, il y a toujours un peu de lub qui traîne pas loin, genre une boule de glace à la vanille. À un moment, ce fut la mode, désormais, cette glissade extatique se pratique avec de la crême fraîche – une bien belle avancée à mon avis.
Enfin, comment dire non à cette belle rousse ? Cette chaire si molle et gorgée de sucre est aussi obscène qu’un sexe gonflé d’amour, lustré au beurre et posé sur un plateau pour notre bon plaisir. Bref, ce truc-là est dan-ge-reux, c’est l’empire des sens du sucre. On frôle l’overdose en plus de se cramer les papilles.
Tarte Chiboust : allô maman gros lolos
Je dois bien avouer que si je n’étais pas au Tag, je n’aurais sans doute jamais connu une si petite merveille. Avant de croiser sa beauté complexe, je pensais naïvement avoir roulé ma bosse dans les étals des pâtisseries. Rare comme un bijou à la pierre véritable au milieu des verroteries, elle a surgi au détour d’un coin de rue près du bureau. On a fricoté du regard un temps comme ça, car j’avais un peu peur d’être déçue, un peu timide aussi. Un jour, j’ai sauté le pas et je lui ai proposé de prendre mon bras. D’abord, j’ai fricoté avec sa fine couche de sucre caramélisée qui vient faire crac-crac contre mes dents. Puis ce fut la chute vertigineuse dans une crème jaunâtre et légère, avant d’atterrir mollement sur le coussin formé par un amas de poires. C’était enivrant car elle suintait le rhum, rendant ce plongeon plus humide que prévu. Enfin, retour à la réalité sur une pâte feuilletée, jamais désagréable.
Ce dessert est un mélange des tags girl next door et milf en bout de course. Comme une petite recette héritée de mamie, elle commence à se faire rare dans les studios des hauts fourneaux. Une fois ce bout de triangle en bouche, j’admets une jouissance étrange, une sorte de retrouvailles avec le sucre originel, sans doute liée au lactose sucré dont j’ai rempli mes biberons jusque beaucoup trop tard.
La tarte chiboust, c’est un quicky à s’enfiler prestement dans un coin, une fois par mois. À la fin, il en reste forcément sur les doigt. Un mélange de rhum et de sucre brûlé qu’on lèche en prenant soin de laisser les jointures coller jusqu’à la prochaine douche. Tant pis s’il faudra serrer des mains plus tard dans la soirée, cette amour-là mérite de laisser quelques traces à exposer fièrement au grand jour.
Je la désire d’un amour tendre et probablement éternel, mais penser à ce mélange floppy comme des seins débordants de tendresse me fait rougir comme une jeune première. En somme, si le réconfort était un vice, une tarte chiboust en serait le sommet.
S’more Pie : à l’ouest, l’Eden
J’ai fait l’erreur de goûter pour la première fois à une S’more pie pleine comme une barrique. Au premier croc, j’ai amèrement regretté d’avoir ingéré d’autres aliments dans ma bouche depuis le début de ma vie. Ce nappage de guimauve encore chaud, ganache de chocolat et pâte de crackers avaient le goût de cette enfance américaine que je n’ai jamais eue, de toutes ces sirènes californiennes que je ne verrais que sur Tumblr. Y’a-t-il vraiment quelque chose à ajouter ? Cette part en face de moi avait tout ce qu’il manquait au cheesecake. La même toile de fond, mais un changement de médium soudain qui nous menait à rebours du sucré. Les origines du fap prenaient ainsi la couleur des premiers émois gustatifs : chocolat, biscuit et marshmallow. Le tout était assemblé dans une composition baroque qui défiait dangereusement les lois de la gravité lorsqu’elle croisait mon regard.
Cette tour de Babel du sucre envahissait l’ensemble de ma mâchoire, impossible de mastiquer cette masse compacte. Le deepthroat alors avait atteint son paroxysme. J’ai fermé mes yeux pleins de larmes, et j’ai avalé. D’emblée, la S’more pie repoussait toutes les limites, rendant le fap de mes papilles avide et dur. Elles frémissaient pour mieux déglutir avec la même frénésie qui guide une main découvrant un nouveau tag. J’aurais pu être écœurée devant tant de sucre, mais finalement j’étais fière d’avoir foulé du bout de la langue une telle quantité de douceur.
J’ai englouti dans l’urgence ce petit miracle. Mes souvenirs se prélassent encore quelques jours dans cet Eldorado, avant de repartir à la recherche de nouvelles merveilles.
J’ai bavé. Au moins autant que devant l’instagram de la soeur du taulier.