La webcam porno pour les nuls : partie 1
Que vous soyez un lecteur fidèle du Tag Parfait, ou un néophyte fraichement débarqué, il est impossible que vous soyez passé à côté du sujet chaud du moment : le business des webcam hot. Tout l’été, les rédactions européennes se sont fait le plaisir d’interviewer des modèles et des consommateurs à tour de bras, et d’expliquer comment ces sites étaient en train de devenir l’Eldorado du porno sur Internet. Pourtant, malgré ce battage médiatique un peu racoleur, on me pose tous les jours les mêmes questions : « C’est quoi la cam ? », « Et comment ça marche ? »
Le plus simple, c’est qu’on reprenne depuis le début, et ceux qui auront tout compris pourront revenir la semaine prochaine, pour la suite de la leçon.
C’est quoi « la cam » ?
Quand on me demande ce que je fais en ce moment, je réponds souvent « J’fais d’la cam. » Personne ne comprend, évidemment. Alors j’ajoute : « Je suis modèle webcam sur des sites comme Chaturbate, ou Cam4… », mais personne ne comprend non plus. Alors je passe en mode Emmanuel Chain et je détaille, je vulgarise, j’explique. Voilà le topo : il existe des sites Internet spécialisés dans la diffusion de webcams sexy / porno / amateur. Des personnes comme vous et moi peuvent s’installer devant leur webcam et être diffusées dans le monde entier, en train de faire un « show » sexy qui peut aller du plus soft (poses en lingerie, strip-tease) au plus hard (fist, pénétration anale, squirt…). Et quand je dis « des personnes comme vous et moi », c’est absolument vrai. Il suffit d’avoir une webcam (la plupart des ordinateurs portables en ont une intégrée), une connexion Internet assez solide (pas en 56k donc), et d’être majeur. En 5 minutes vous pouvez vous retrouver devant l’écran à être observé par des « voyeurs » du monde entier, qui deviennent instantanément un public en attente de votre show. Vous êtes potentiellement la future star de la webcam hot, que ce soit bien clair.
Comment ça marche ?
Les sites de webcam fonctionnent sur deux modèles différents : le modèle dit classique et le modèle dit freemium. Le classique, ou cam-to-cam, fonctionne « à l’ancienne ». On se connecte sur un site, comme Live Jasmin, leader sur ce créneau, on choisit sa ou son modèle, on négocie avec elle/lui, puis on paie et on passe en privé : le payeur est le seul à voir le modèle faire son show.
La révolution du tout gratuit est arrivée après, alors que le porno souffrait de l’arrivée du téléchargement illégal et du streaming gratuit de contenus piratés. Grâce au freemium, on peut désormais se connecter et regarder des shows publics sans débourser un centime. Mais : on peut rémunérer la ou le modèle sous forme de pourboire en lui donnant des jetons (ou tokens en anglais), que l’on a payés et qu’elle pourra encaisser en argent réel. Pourquoi payer quelque chose de gratuit me direz-vous ? Il est vrai que nous français n’avons pas l’habitude de rémunérer un service selon notre niveau de satisfaction. C’est pourtant sur ce business model plus anglo-saxon que les sites se sont construits. On donne un pourboire parce qu’on est satisfait du show, qu’on a apprécié la ou le modèle et qu’on veut le lui montrer. Il est possible également que l’on aie une demande spécifique, et il est d’usage de « lâcher des tokens » avant de demander : « Lèche-toi l’aisselle stp bb ».
Une particularité des sites freemium est qu’ils autorisent également les modèles à faire des show privés pour les voyeurs qui le souhaiteraient. Un show privé est un moment privilégié ou le modèle est face à un spectateur unique, et ceux-ci sont nombreux à préférer se payer quelques minutes d’intimité que donner un pourboire dans la salle de tchat général. La modèle décide du montant à la minute de son show, et le voyeur accepte de payer pour autant de minutes que son solde le permet. Si vous êtes curieux, vous pourrez espionner un de ces show privés, en versant un nombre de jetons à la minute décidé au préalable par la modèle, et vous aurez un peu l’impression de la regarder par le trou de la serrure, c’est ce qu’on appelle, le mode espion ou mode voyeur.
Tour d’horizon
Vous imaginez bien qu’un concept qui fonctionne est largement réutilisé, tel quel ou avec des adaptations légères. C’est bien entendu le cas pour les sexcams. Je ne pourrai donc pas vous faire une liste exhaustive de tout ce qui existe sur le marché.
Pour les sites qui fonctionnent en mode classique, donc en shows payants et privés, on peut citer : Live Jasmin, qui existe depuis 2001 quand même ; Francolive où vous pourrez notamment avoir un tête avec Claire Castel ; ou Xcams… Le fonctionnement est le même pour tous ces sites. On achète des jetons ou crédit au site. On choisit sa modèle. On paie pour passer en privé avec elle. Elle encaisse l’argent selon le nombre de jetons qu’elle touche. La commission des sites est prélevée à ce moment. En effet, les jetons coûtent plus cher à l’achat par le voyeur, qu’à l’encaissement par la modèle. On parle en général de 50% de commission pour les sites, sur lesquels on estime par exemple que Live Jasmin se fait environ 15 à 20 % de marge [pour un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros / an, ndlr] . Pour éviter de devoir payer cette commission, certaines modèles ont tendance à lancer leur propre site internet une fois qu’elles sont connues, afin d’éviter les intermédiaires entre elle et leurs fans. C’est par exemple ce qu’a fait Cali Cruz, une camgirl française, qui propose des show privés achetables directement sur son site. Cela ne change rien pour le voyeur, mais au moins elle touche la totalité de l’argent.
En ce qui concerne les sites freemium avec des shows publics accessibles gratuitement, le trio de tête se compose de : Chaturbate, Cam4 et MyFreeCams. C’est ce dernier qui a eu l’idée en 2004 de permettre à tous les visiteurs d’accéder à tous les shows sans payer. Le modèle est donc diffusé en public et en live gratuitement, et les spectateurs peuvent se connecter à sa tchatroom, discuter avec elle à l’écrit et lui verser des jetons selon leur envie. Rassurez-vous, les sites font quand même du bénéfice, puisque comme pour les sites de shows privés, les jetons sont plus chers à l’achat pour le voyeur qu’à la sortie pour la modèle. Exemple : sur Cam4 un lot de 500 jetons vous coûtera 84,95 € (soit environ 95 $), mais une modèle qui encaissera 500 jetons touchera environ 45 € (50 $ exactement, hors frais bancaires). Cher me direz-vous ? Quand on aime, on ne compte pas ! Ces sites prennent donc aussi 50 % de commission, ce qui ne correspond pas non plus à leur marge réelle, difficile à calculer mais certainement proche de 15-20% aussi. C’est donc un business bien plus lucratif que le porno à l’heure actuelle.
Pourquoi ça marche ?
La question n’a pas de réponse universelle. Le tour de force que les sites en freemium ont réussi est un cas à étudier dans toutes les écoles de commerce. Ils ont tout simplement amené les spectateurs à payer pour quelque chose de gratuit, et cela fonctionne depuis plus de 10 ans. On peut avancer plusieurs raisons à ce succès. La première est à mon avis la pléthore de choix à l’écran : tous les jours des centaines, des milliers de modèles (hommes, femmes, trans, couples…) sont connectés, et il s’agit de personnes de tous styles, de tous âges, aux fétichismes divers et variés.
La seconde raison est sans doute la proximité, ou l’interactivité entre le voyeur et la modèle. On a la possibilité de parler avec la personne qui est en train de faire un show, de lui poser des questions, de lui demander de faire ce qui nous excite, voire de l’exciter elle, de la faire rire, et même de l’énerver. En quelque sorte, nous sommes invités à entrer dans l’univers intime du modèle, dans sa chambre, son lit, ses draps. On partage un instant de sa vie, comme on le ferait avec un amant. C’est une forme dérivée du fantasme de la « girl next door » : ce ne sont plus seulement des professionnelles du sexe ou des actrices porno inaccessibles qui nous excitent, mais notre voisine, notre collègue de travail, la mère d’un de nos potes, ou ce mec croisé en soirée ; tous sont susceptibles de s’exhiber en ligne, et j’irais même jusqu’à dire que vous seriez surpris de savoir qu’ils sont nombreux à le faire dans l’intimité.
En 2015 n’est plus obligé de se contenter du porno de Canal+, on n’est plus obligé de consommer passivement ce que la télévision nous donne, mais on a le choix d’aller chercher quelqu’un qui nous plaît vraiment et de personnaliser son show à l’infini, moyennant quelques euros. Elle est sans doute là, pour moi, la clé du succès des webcams porno.
Lexique pour récapituler
Modèle / animatrice(teur) / camgirl(boy) : la personne qui fait le show devant sa caméra
Voyeur / spectateur : la personne qui regarde ledit show chez lui
Tips / Tipper : pourboire / donner un pourboire
Token / jeton /crédit : le pourboire que vous achetez au site pour pouvoir tipper votre modèle, ou accéder aux show privés payants à la minute
Private / privé / pv: show privé en face à face avec la(le) modèle
Spy mode / mode espion ou mode voyeur : espionner un show privé moyennant quelques tokens
Alors vous y voyez plus clair ? N’hésitez pas à nous poser vos questions, et nous tenterons d’y répondre dans les prochaines leçons de cam.
Image en une : le documentaire Cam Girlz
J’ai trouvé la conf bien foutue, si t’en refais une sur le même thème, tu pourra peut-être l’enrichir coté mainstream avec ce qui est patreon dans l’art/BD, et, pour les français pinces pas éduqués au tip (je l’ai remarqué en voyage en comparant mon comportement avec celui d’américains/australiens …), ils commencent à l’être avec certains youtubeurs proposant de les soutenir via tipeee.
Bref, toujours autant de bon contenu sur le tag, continuez comme ça !
Et « l’ancétre » CamFrog dans tout ça ?
Est-ce qu’il était spécifiquement orienté sexe au début ?
bonjour, existe t-il un site comme chaturbate mais cam to cam où multicam, merci pour vos articles, bonne et belle route