Les pires scènes de sexe de l’année, le mauvais fap des lettrés
‘I love your cock,’ she said.
‘It loves you.’
‘What do you want me to do?’
‘Touch my ass.’
The Martini Shot (George Pelecanos)
Depuis 1993, les Bad Sex in Fiction Awards désignent le rendez vous annuel des lettrés qui se la racontent tranquille dans les cafés new yorkais – à savoir les rédacteurs de la prestigieuse revue Literary Review – mais qui, à l’instar des membres de la cérémonie des Razzie Awards, ne cachent pas leur passion déviante et très incisive pour une littérature « autre », volontiers désastreuse. Avec le même aspect donneur de leçons que les membres des Razzie (respectabilité oblige) ou du Comic Book Guy des Simpson, car le but est d’ « attirer l’attention sur une écriture pauvre, des redondantes scènes de sexe dans la fiction moderne…pour les éviter à l’avenir« . Si les anti-Oscars célèbrent régulièrement avec beaucoup d’humour les pires séquences de câlins de l’usine à rêves, les pires scènes de sexe de la fiction romanesque ne sont pas en reste niveau drôlerie, dépassant chaque année un niveau qu’il faudrait désormais déterminer en nuances de Grey.
Sont nommés pour cette vingt troisième cérémonie du Bad Sex in Fiction : Before, During, After (Richard Bausch), Book of Numbers (Joshua Cohen), Against Nature (Tomas Espedal), Fates and Furies de Lauren Groff, The Making of Zombie Wars (Aleksandar Hemon), Fear of Dying (Erica Jong), List of the Lost (Morrissey) et The Martini Shot (George Pelecanos). The Guardian nous offre le panel de ces extraits faisant offense à la Grande Littérature du Sexe. Même si entre nous, on sait que le meilleur bouquin sur le sujet a été écrit par les gamins de South Park (Colorado) et qu’il s’intitule The Tale of Scrotie McBoogerballs.
La mauvaise foi est au rendez vous, car on ne peut pas non plus dire que le timide et finalement plutôt rigolo « He touches my cunt as if he were Adam just discovering Eve’s pussy » d’Erica Jong ou le traditionnel « She grasps his long hair with both her hands and rides him as if he were a horse » de Tomas Espedal soient les pires descriptions sexuelles qui existent – ou alors je vous conseille de vous taper des fanfics. Franchement, Pelecanos fait mieux en privilégiant la comparaison lyrique, aussi nécessaire au bonheur quotidien que le petit déj’ des champions : « I got between her and spread her muscular thighs with my knees and rubbed myself against her until she was wet as a waterslide ». Malgré ce frisson humide, on préférera largement le porn bien cheap de Hermon, joli nanar du cul qui, entre une péné glaciale et deux réflexions sur le port du préservatif, se conclut sur une maxime universelle qui peut tout servir à tout moment de votre existence, surtout si vous comptez passer le CAPES de philo cette année : « She let him in so deep he didn’t have to think about her, and therefore he didn’t have to think about himself, but of course he was thinking about not thinking about himself …« . Sérieusement, il faut que vous arrêtiez de parler aux gens.
Au sein de ce jeu de massacre, il n’est pas étonnant de voir un mecton aussi légendaire que Morrisey figurer dans le top, car rappelons que, tout comme les DePalma, Verhoeven et autres McTiernan furent « récompensés » par un Razzie en leur temps (la vie est une biatch), des auteurs de renommée mondiale tels que Normal Mailer et Tom Wolfe ont également eu droit à leur Bad Award, ce qui prouve que tout un chacun peut un jour sombrer dans les méandres du Harlequin explicite. Quand au potache Bret Easton Ellis, nul doute qu’il n’a fait à travers l’over the top Glamorama que provoquer au maximum ce genre de reviewers taquins ! Morrissey nous offre ainsi à mes yeux la plus belle punchline du bookgame en accouchant de la cryptique SNOWBALL OF FULL FIGURED COPULATION, que je n’hésite pas à écrire en lettres capitales tellement ça balance. L’extrait entier pour les Jamy gourmands. Attention, c’est une sorte de diatribe à la Hubert Selby JR avec plein de mots tordus dans la mélasse du foutre :
« At this, Eliza and Ezra rolled together into the one giggling snowball of full-figured copulation, screaming and shouting as they playfully bit and pulled at each other in a dangerous and clamorous rollercoaster coil of sexually violent rotation with Eliza’s breasts barrel-rolled across Ezra’s howling mouth and the pained frenzy of his bulbous salutation extenuating his excitement as it whacked and smacked its way into every muscle of Eliza’s body except for the otherwise central zone. »
Dans le même genre, le GALLONS OF MILK EVOKING BOOBS de Lauren Groff n’est pas mal non plus – l’abstraction est définitivement l’un des pires ennemis du sexe dans la fiction – et autant vous prévenir que ça vire style Neuf Semaines et Demie au bon gros foodporn décadent des familles, et ce pour mon plus grand plaisir d’amoureux des livres boiteux et du bien-manger :
Lotto, who was always ready, who was ready at the most abstract imaginings of a girl – footprints of a sandpiper like a crotch, gallons of milk evoking boobs – was not ready at this oh-so-abrupt beginning. It didn’t matter. Gwennie shoved him in though she was dry. He shut his eyes and thought of mangoes, split papayas, fruits tart and sweet and dripping with juice, and then it was off, and he groaned and his whole body turned sweet …
Pour conclure, voici le meilleur face à face jamais écrit dans un récit romantique. De quoi faire pâlir les amoureux d’Howard Hawks, de Billy Wilder et de Richard Curtis. Je crois que DH Lawrence vient de mourir une deuxième fois et qu’il n’est pas très content. Attention, c’est so frenchy – plus proche du talent d’Arielle Dombasle que de Brigitte Lahaie cela étant – tellement d’ailleurs que ça en est presque poétique dans son genre :
« Her mouth was intensely ovoid, an almond mouth, of citrus crescents. And under that sling, her breasts were like young fawns, sheep frolicking in hyssop – Psalms were about to pour out of me.
“Vous?”
“Josh,”
I said. “Vous habillé.”
“Je vais me undressed, clothes off, unhabillé, déshab.”
Quand je lis ça, j’ai envie de repartir écrire mes fresques littéraires sur Yelp, pipe en bouche et musique classique en fond. Plus qu’à attendre décembre pour connaitre le nom du grand gagnant, celui du mauvais fap, de la nullité érotique, du degré zéro de la forme littéraire. En attendant, je vous conseille de vous undressed et d’aller sur le Good Fap, posay, avec not habits du tout, tranquille : déshab.
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