Rencontre avec Les Fils du Calvaire

Clément, Jo et Damien forment Les Fils du Calvaire, une entité pop et parallèle à leur autre groupe dOP. Ils ont introduit sous forme de préliminaires leur premier album cet automne avec l’Ep Rester avec toi où on retrouve Miss Kittin ainsi qu’un clip qui se regarde avec une passoire. On les a retrouvés cet hiver dans les bureaux de leur label, pour parler des Fils, de dOP, d’amour et de dope. Un joyeux bordel organisé.

Il s’est passé deux ans entre votre premier titre et l’EP, pourquoi autant de temps ?
Clément : On n’a pas commencé Les Fils du Calvaire avec un objectif prévu de dates et de sorties, ça s’est fait comme ça au début pour le fun. L’album est déjà fini, mixé, tout ça mais ça prend du temps. D’un côté parce qu’on est pas mal occupé, de l’autre, parce qu’on bosse avec Because et on suit leur calendrier et leur stratégie. On se plie à ce tempo-là.

Quelles sont vos influences françaises pour Les Fils ?
Clément : Plein, plein de choses, des trucs par forcément connus. Du rock expérimental psyché belge des années 70 ou des trucs chéper. Dans les textes, il y a forcement des noms comme Gainsbourg qui reviennent. C’est plus des influences d’atmosphères que vouloir faire pareil.
Jo : On a rarement pensé à quelqu’un en particulier. A part sur le morceau sur les toilettes, on s’est dit qu’on allait faire une bossa et chanter façon Salvador. Si t’écoutes pas les paroles, tu peux penser que ça parle d’amour.

C’est quoi justement la genèse de “Qu’est-ce qu’on est bien” ?
Jo : Ça faisait vraiment très longtemps que je voulais faire une chanson sur les toilettes. J’aime beaucoup y être. Avant de monter sur scène avec dOP je vais aux toilettes, c’est mon anti-trac. J’ai pas l’impression que ça a été forcement fait. Les toilettes c’est vraiment le seul endroit où t’es avec toi-même.

Tu fais quoi dedans avant un concert ?
Jo : Quand je peux faire caca, je fais caca. Sinon je me pose, je fume une cigarette, je reste tout seul. Il y a plein de gens, quand ils sont stressés par une situation, qui y vont juste pour respirer. On peut aussi prendre de la drogue, c’est un lieu assez intéressant sociologiquement.

Et pour niquer aussi ?
Jo : Exactement, j’ai plein d’histoires sans fin là-dessus.
Clement : Ça colle aux Fils car c’est beaucoup de dérision. On n’est pas obligé de parler du grand amour, il y a aussi les petits amours. On traite avec affection des sujets légers.

Comment s’est faite la rencontre avec Miss Kittin ?
Clément : On la croise très régulièrement sur des dates de dOP depuis des années. Sans être ultra proche, on a toujours eu un bon feeling.

Quelle est la ville la plus perverse Paris, Berlin ou Lausanne ?
Clément : Elles sont toutes les trois vicieuses.
Jo : Mais Zurich est vraiment vicieuse.
Clément : Il y a une grande culture libertaire depuis très longtemps et ils ont les moyens de leur liberté. Ils se permettent tout et n’importe quoi à n’importe quelle heure. Moscou aussi ça peut être extrême. Mais Paris aussi a sa culture du vice, c’est…
Jo : Beaucoup plus caché, il y a beaucoup plus d’interdits.

Vous êtes plutôt acteurs ou spectateurs dans ces situations là ?
Jo : Je participe dès que c’est possible.
Clément : On n’est pas très voyeurs… (rires)

Les Fils du Calvaire en 2013

Est-ce que vous cultivez cette ambiguïté sexuelle que ce soit dans les Fils ou dOP ?
Clément : On est le reflet de notre génération et de l’ouverture de notre époque. On a aucun complexe à déconner, on a des potes de toutes les sexualités, de toutes les “formes”. On n’est pas non plus revendicatif, c’est pas notre propos. Mais par contre on est à l’aise avec tout le monde.
Jo : On préfère être sensuels que dégueus.

Vous des faux méchants ?
Clément : C’est bien défini. On est méchants mais en faux.

Les Fils du Calvaire en tags porno ça serait quoi ?
Clément : Une triple pénétration chic.
Jo : Deep throat. Je ne le savais pas avant de voir le film. À un moment donné, la fille demande pourquoi elle ne jouit pas, elle va voir le docteur et il lui répond “mais madame votre clitoris est dans la gorge !” C’est pour ça qu’elle doit sucer les bites bien profond pour arriver à jouir.

Tu as un clitoris dans la gorge ?
Jo : Peut-être… (rires) En tout cas s’il fallait que je le mette quelque part, je l’aurais mis dans la gorge.
Clément : Moi je me le serais mis dans l’oreille.

Et pour dOP ?
Jo : La même. 
Clément : On est un peu moins chicos, plus plastoc et plumes. (rires) dOP c’est un peu plus carnavalier…

Il y a quelques années vous avez sorti le remix Carte Blanche de DJ Hell, un morceau frontal, pervers, dur. Est-ce que c’était une frontière pour vous ou vous pouvez aller encore plus loin ?
Clement : Ça vient de DJ Hell, il est très pervers. On s’est adapté au personnage. Il ne va nulle part sans escorte, il ne va même pas chercher du lait sans escorte ! (rires) Mais, non on n’a pas de frontière avec ça, on prépare d’ailleurs des trucs bien nervous. À l’époque c’était le morceau le plus hard qu’on avait, on était plus acoustique, doux… On commençait à mettre un pied en Allemagne et dans des scènes plus grosses, plus techno, avec plus de monde. On peut moins jouer un son intimiste et classieux quand on a 2 000 personnes devant soi.

Vous regardez quoi comme porno ?
Clément : Des trucs courts, je vais vite et j’ai pas le temps.
Jo : J’ai quelques actrices fétiche et je ne regarde qu’elles.
Clément : Il y a une chanson dans l’album qui est une lettre pour Angel Dark.
Jo : Ma première actrice fétiche – j’ai travaillé dans un sex shop pendant un an – c’était Michelle Wild.
Clément : Une fois on était en Slovaquie, c’était la deuxième track qu’on jouait. Il arrête le concert et il dit à une nana “Est-ce que tu es Michelle Wild ? Michelle ?”
Jo : J’étais sûr que c’était elle !
Clément : Il a quand même arrêté le concert pour ça !
Jo : J’ai cinq actrices et je reste là-dessus. En ce moment c’est Klara qui est merveilleuse. Y’a que sept vidéos d’elle.

Quand tu bossais dans un sex shop, c’était quoi tes journées ?
Jo : J’arrivais à 8h30, j’allumais 230 DVD pour toutes les télés. Je préparais les cabines. Après y’avait Mamadou qui arrivait, c’était la personne qui bossait avec moi. J’allais en caisse, je mettais les gens dans les cabines… J’ai vécu pas mal de choses intéressantes.

Du genre ?
Jo : Je ne savais pas que les vieux gays, quand ils vont dans des cabines pour se branler, ils prennent du poppers en même temps, ça arrive qu’ils chient… Ils chiaient dans les cabines… Puis la prostitution dans les sexshops c’était vraiment compliqué, car on devait les virer et c’est difficile à gérer. C’était des jeunes gars qui venaient branler des homos dans des cabines.
Clément : L’interview vient complètement de dévier là… Mais c’est cool, c’est pour la beauté de l’art. Cupidon adore ! (rires) [Il lance des flèches imaginaires avec un cintre qui traînait dans les bureaux.]

Comme tu es Cupidon, c’est quoi ta définition de l’amour ?
Clément : C’est la vie. Tout ce qui est bien est amour, et l’amour est bien. Je lance du love à tout le monde pour tout le monde, c’est pour ça que je suis sur cette Terre.
Jo : Nina Simone dit un truc et je suis un peu d’accord : “L’amour c’est quand t’as plus peur”. C’est vrai que quand t’es vraiment amoureux, tu penses moins. La relation est fluide, naturelle. Tu as passé les jeux, les questions, c’est assez plaisant.

Ça ressemble à quoi vos after shows ?
Clément : Ça ressemble aux meilleurs after show que tu peux imaginer, tout simplement. Les meilleurs castings, les meilleurs endroits et les meilleurs produits. Tout ce que tu peux imaginer, on l’a fait avec plaisir et régulièrement. C’était que du kiff mais c’est pas une vie non plus. Nous on le fait pas un week-end de temps en temps, nous c’est 3-4 jours par semaine, toute l’année depuis 8 ans. Au bout d’un moment, c’est ça ta vie et 80 % de ton temps. À un moment tu te reveilles et tu te dis la vie est passée. Nous ce qu’on aime c’est de créer, d’être en studio, faire des choses plus constructives et c’est ça qui nous épanouit. C’est ça qui fait qu’on dort happy le soir.. Quand on dort…

La drogue fait partie intégrante de dOP.
Clément : C’était notre sujet préféré, maintenant ça devient un sujet tabou. On a fait le tour et on essaye de se calmer. Je crois que personne peut dire qu’on a fait la fine bouche là-dessus. Je pense qu’on a régalé sur les cinq continents en long, en large et en travers. Trouve-moi une personne qui s’est plus droguée que moi, je te mets au défi ! (rires) On a enjoy dans tous les sens, on a aussi connu les mauvais côtés dans tous les sens. A notre âge, on est plus dans une dynamique d’essayer d’être juste des humains, des artistes plutôt que d’être des zombies.

Ça bouffait la création ?
Clément : Les autres ont plus de contrôle que moi, ils arrivent à en pendre juste quand c’est fun. Personnellement je suis parti un peu plus loin et c’est pas que fun à la longue. Ça peut te détruire tes relations, ton talent et beaucoup de choses comme ta santé. Mais ça c’est pas très important. (rires) Je te dis ça et je suis pas un “repenti”.
Jo : On a quand même pris des kilomètres de fun avec la geudro.
Clément : Avec ou sans, on était déjà des déconneurs avant. Mais en tant que musicien, je me rends compte le nombre d’heures que ça me bouffe. Je pratique pas mon instrument et je suis pas efficace en studio ou sur scène. La drogue à haute dose ça peut aussi plus te fermer que t’ouvrir. Quand t’es une personnalité très sociale et que ton métier est d’être sur scène et faire passer un bon moment à des gens, si t’es pas à l’aise avec toi-même, c’est pas possible. Mais on n’a rien contre la drogue, les drogués et les dealers.
Jo : Écris ça en rouge !

Toi tu t’es mis au sport ?
Jo : À fond oui. Je cours et je fais de la musculation.

C’est aussi une autre forme de dope.
Clément : C’est totalement ça. Ton corps sécrète des trucs. Plus t’en fais, plus t’as envie d’en faire, c’est un truc de ouf. Quand tu sors de deux heures de sport le matin, t’as plus envie d’autre chose, même fumer une clope. T’es un peu drogué au bien-être, c’est vicieux.
Jo : Y’a plus d’un an je me suis arrêté de boire pendant trois mois. Par contre, pour le coup, ça a été très, très dur car je me suis emmerdé profondément. Eux avaient l’impression que je faisais la gueule tout le temps. Ça c’est très, très dur. J’ai besoin de boire pour me détendre.
Clément : On était sur un super message pour les jeunes et là tu dis que si tu bois pas tu t’emmerdes !

FilsduCalvaireRue

Comment se présente 2016 ?
Jo : Ça va être assez incroyable. L’album des Fils sort, dOP revient avec un maxi.
Clément : C’est la machine à découper des arbres ! Pourtant c’était pas prévu, on pensait que ça allait mourir et là ça arrive. Attention les yeux et les oreilles.
Jo : Ça va faire mal.

À quel niveau ?
Clément : La musique, le set-up, le live. Tout. On arrête de rigoler.
Jo : On va pousser les limites. Pour Les Fils, on a fait un premier show intéressant et je suis très excité que ça commence vraiment. La seule frustration  c’est qu’on avait plein de concerts prévus et plein de concerts annulés.

Vous mettez un peu une frontière entre les deux projets au niveau de la com ?
Clément : On essaye car on n’a pas envie de parler que de dOP quand on parle des Fils du Calvaire. Deuxièmement c’est pas forcément destiné au même public : c’est de la chanson française, c’est pas un projet que de club, que de nuit. On aime bien aussi le côté surprise, on préfère qu’ils découvrent le projet sans a priori d’avant.
Jo : En live avec Les Fils y’a pas d’ordi, c’est que des musiciens.
Clément : C’est pas le même feeling non plus sur scène. On n’a pas forcement envie que les Fils aillent jouer dans des clubs à 3h du matin. On est plus dans un truc d’écoute à heure normale mais en semaine.
Jo : J’ai hâte du jour où y’aura un concert des Fils à 19h30 à Rouen et qu’il va falloir faire un concert à 3h du matin à Moscou avec dOP.
Clément : Rouen-Moscou ? Dans ce sens là c’est cool, dans l’autre sens c’est plus dur.
Jo : On est très heureux de ce maxi des Fils et très fier de ce qui arrive.
Clément : On y croit grave. Surtout dans ces périodes complètement tendues, sans grandir le truc, c’est un projet tellement détendu. C’est pas du rock, du rap, du machin. C’est notre génération, au niveau des paroles, des beats, de la musique… Ça donne envie de se prendre main dans la main.

Photo en une par © Myqua

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