Le film anti-porno que l’on croyait perdu
C’est un petit film que l’on croyait perdu depuis longtemps. La semaine dernière, les historiens de l’Oregon Historical Society ont retrouvé la bobine 16mm de Pages of Death, un court-métrage de propagande anti-pornographie réalisé en 1962. Dans l’espoir de dissuader la jeunesse de consommer des images obscènes et de convaincre leur parents de lutter contre leur diffusion, Pages of Death raconte l’histoire “inspirée de faits réels” de la petite Karen Fleming, 12 ans, assassinée par un adolescent corrompu par son goût pour le porn.
Le film soutient que l’exposition à des magazines et des diapositives pour adultes a suffi à transformer un jeune homme en meurtrier. A cause de ce genre d’images, “les gamins se mettent à penser que le sexe est sale, que l’amour et la luxure sont la même chose, qu’il est normal de se laisser aller à la perversion juste pour rire”, mitraille le détective en charge de l’enquête sur la mort de Karen au commerçant qui a vendu les magazines à son assassin. Comment cela peut-il engendrer des homicides ? On se le demande encore.
Pages of Death a été produit par Citizens for Decent Literature, un groupe Catholique fondé en 1958 par Charles Keating. Cet athlète, avocat et investisseur immobilier s’est fait connaître grâce à son furieux engagement contre la pornographie : les nombreux hôtels dont il était propriétaire interdisaient tout produit pour adulte, y compris les magazines Playboy. Ce prétendu combat pour la moralité ne l’a pas empêché de devenir un grand criminel en col blanc et de déclencher une petite catastrophe financière qui l’a envoyé en prison. Il y a passé un peu plus de quatre années, avant de mourir en 2014 à 90 ans.
Avec son argumentaire absurde et son catastrophisme délirant, le court-métrage financé par notre banquier criminel évoque immanquablement Reefer Madness. Dans ce film réalisé en 1936 à la demande d’une église, l’addiction au cannabis pousse quelques adolescents au meurtre, à la violence sexuelle, à la maladie mentale et au suicide… Et même s’il nous fait ricaner, Pages of Death nous rappelle que les anti-porno existent depuis un bon bout de temps – et qu’ils n’ont pas beaucoup changé.
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