Revenge porn : législation et censure, l’Italie sur le fil
L’affaire Tiziana Cantone secoue toujours l’Italie. En avril 2015, cette jeune femme a fait parvenir plusieurs vidéos de ses aventures sexuelles à des amis sur WhatsApp. L’un d’entre eux a trahi sa confiance et diffusé les images sur Internet. La vie de l’Italienne a basculé. On la harcelait sur le réseau, on la moquait dans la rue. Ses procès contre les géants du numérique et ses tentatives d’isolement n’y ont rien changé. Alors, le 13 septembre dernier, elle s’est pendue.
L’émoi suscité par ce drame est considérable. L’histoire de Tiziana Cantone a fait le tour de la presse et une enquête pour « incitation au suicide » a été ouverte. Même le premier ministre, Matteo Renzi, s’est exprimé sur l’affaire : « A l’échelle d’un gouvernement, nous ne pouvons pas faire grand chose. Il s’agit principalement d’une lutte culturelle, politique et sociale. Notre engagement est de faire tout ce que nous pouvons ».
Mais à y regarder de plus près, les lois italiennes en matière de porn et de harcèlement restent obsolètes. Techniquement, la production et la diffusion de contenu pornographique est condamnable selon les articles 528, 529 et 725 du codice penale. En gros, tout objet, publication ou activité pouvant offenser les bonnes moeurs est passible de poursuites. Dans les années 1980, on ne rigolait pas avec ces textes ! Tout contrevenant pouvait voir son matériel de tournage confisqué.
Aujourd’hui, ces lois ont été balayées par l’arrivée d’Internet ; le porno n’est plus considéré comme illégal en soi en Italie. Le truc, c’est que d’autres problèmes comme le revenge porn sont apparus avec l’avènement du réseau. Voilà pourquoi, en janvier 2014, la chambre des députés a déposé un projet de loi qui vise à mettre en place des « dispositions pour la prévention et la lutte contre le phénomène de cyber-harcèlement ». La dernière lecture datant de février 2016 semblerait répondre à cette impératif face au humiliation et autres revanches sur le web. Le suicide de Tiziana Cantone a permis aux législateurs italiens de remettre cette proposition de loi sur le devant de la scène. Celle-ci définit l’objet de sa lutte comme suit :
« Par le terme ‘harcèlement’ nous entendons l’agression ou l’intimidation répétée, d’une personne ou d’un groupe de personnes envers une ou plusieurs victimes, provocant en elle(s) un sentiment d’anxiété, de peur, d’isolement ou d’exclusion à travers des actes ou des comportements abusifs ou de violence physique ou psychologique, incitant au suicide ou à l’automutilation, à la menace ou au chantage, au vol ou à la détérioration, à l’offense ou à la moquerie envers des sujets comme la race, la langue, la religion, l’orientation sexuelle, l’opinion politique, l’aspect physique ou la condition personnelle et sociale de la victime »
Cet extrait de l’article 1 de la loi a été revu sept fois par la chambre des débutés. Pourtant, d’après Boingboing, le texte n’apporte absolument rien aux victimes de cyber-harcèlement : « Après une recrudescence du revenge porn, écrit le magazine en ligne, les députés italiens cherchent à mettre en place une loi qui ne préviendra en rien les abus, et permettra un phénomène endémique et incommensurable de censure de l’internet italien, sans règles ni amendes pour abus ». Tous les médias italiens, y compris les blogs, webzines et autres réseaux sociaux seraient, en effet, tenus de supprimer toutes moquerie ou contenu diffamatoire signalé par un plaignant si le texte était appliqué. Si la garde n’est pas montée correctement, les propriétaires du contenu devront payer une amande de 100 000€.
Ce qui gêne Boingobing, c’est le caractère liberticide de cette loi : si elle venait à être adoptée, elle pourrait très bien être utilisée à tour de bras comme un outil de censure. Ce qui risquerait de mettre le monde de la pornographie, entre autres, à la merci de la frange la plus réactionnaire de l’Italie.
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