Bagarre : « Vivre avec son vice c’est un premier pas vers le bonheur »

Ils sont Bagarre, un groupe à cinq têtes avec un corps sculpté pour la fête. Cette hydre sortait l’année dernière l’ep Musique de club et avant de fêter cet anniversaire en grande pompe dans une Machine brulante de désir, on est allé au contact avec eux. Au final, personne ne s’est bagarré mais on a commencé à comprendre un peu mieux ce qui animait ces cinq amis qui rêvent que chaque soirée finisse en bordel intégral.

Il y a pas mal de questions sur le nom du groupe, pour beaucoup de gens Bagarre renvoie à une idée de violence. Quand je vous écoute j’ai plus l’impression que c’est une histoire de domination ou qu’on me pointe du doigt.

Thom Loup. On t’interpelle, clairement. Après, je ne sais pas dans quelle mesure c’est lié au nom ou à la façon dont on écrit et notre intention d’aller au contact avec les gens.
La Bête : Sur la domination dont tu parles, il y a un texte qui parle clairement de ça c’est Claque-le. Après je pense que c’est plus un truc radical ou cru dans le texte qui vient à des moments te dire « alors, t’en penses quoi » ? Ça laisse peu être peu de place à l’idée de se dérober.
T.L : C’est une invitation à se bagarrer avec toi.
L.B : A l’inverse de la violence, on est plus dans une optique de la puissance du pacifisme. C’est comment tu vas exiger ou forcer une tierce personne ou une idée ou une société à se positionner et donc à réagir et à l’amener là où tu veux.

Claque-le, on est dans un fantasme ou dans du vécu ?

L.B : C’est Emma [absente lors de l’interview, ndlr] qui le chante mais ça ne vient pas de son vécu. A l’origine j’avais écrit le refrain avec ces quatre phrases. Je ne sais plus comment on est arrivé à que ce soit Emma qui le chante au final. Ça m’est déjà arrivé de me prendre des claques mais pas dans le délire organisé du BDSM ou d’une domina. L’idée de ce texte était de rendre normal ou banal un truc qui ne l’est pas en soi, même si en secret plein de gens le font ou ont ce fantasme. Le rendre le plus casual possible et de l’amener dans un jargon du quotidien. C’est pour ça qu’on parle de carrelage, de sonnette. C’est le hobby du mec, pour certains c’est la philatélie, pour lui c’est de se prendre des claques.

Vous partagez vos textes du coup ?

T.L : Sur le premier disque on les a tous écrit individuellement mais on avait des prods plus communes bien que ce soit la Bête qui centralisait l’ensemble de la direction artistique.
Cyril : On fait beaucoup d’aller-retour comme sur Claque-le.
L.B : Sur Musique de club c’était un peu chacun chez soi, on avait tous un regard et on en parlait longuement tous ensemble. Celui qui écrivait chantait le texte, à part quelques phrases données.
T.L : C’est comme un contrôle qualité entre nous, un gentil comité de censure. On gerte ce qui est nul et on valorise ce qui est bien.
L.B : On est en train d’écrire un album et on écrit bien plus les uns avec les autres. On se passe des bouts de thèmes et des bouts de textes.
T.L : On va plus dans cette rotation au lead. On est tous le chanteur de l’autre. C’est un peu idéal d’aller plus loin dans cette idée collégiale.
L.B : Quand on écrit un texte un peu intime sur le cul ou un truc de famille, le fait que ce soit un autre qui prenne le relais, ça affirme le texte. L’idée est de pousser celui qui écrit à exagérer ou aller encore plus dans ce qu’il veut dire et de l’assumer.

Le gouffre est pour moi un appel au vice. Est-ce que c’est pour vous cette sensation noire d’avoir envie de faire de la merde ?

T.L : Ça part un peu de là, mais avoir envie de faire de la merde induit une notion de contrôle qui n’y a pas forcément dans ce que j’ai écrit. C’était sur des tendances qui sont parfois plus fortes que toi et l’idée de la pulsion qu’elle soit bonne ou mauvaise. C’est quelque chose qui te contrôle où tu n’es plus vraiment toi-même. Là c’est un texte qui parlait d’auto-destruction avec une histoire d’amour au milieu. Le vice de son propre vice.
L.B : Dans nos textes on n’a pas peur de dire : allons au bout de nos envies et de nos vices. Ce n’est pas sale. On est plus à s’auto-accepter à travers tout ce qui nous est arrivé.
T.L : C’est un aveu. Faut t’aimer dans ce gouffre et dans cette merde qui est en toi. Vivre avec son vice c’est un premier pas vers le bonheur.

Si vous étiez un animal vous seriez quoi ?

Mouss : Un singe ou un truc qui bouffe tout le temps.

Un concombre de mer ? C’est juste une bouche et un anus. (rires)

L.B : Le raton laveur, c’est mignon. Au Canada j’aime beaucoup l’idée que ça pique de la bouffe, que ça nique des câbles et que ça ruine tout. C’est un peu devenu la mascotte de l’undergound canadien. Le voleur gentil avec son masque de Zorro. Une saleté agréable.
T.L : Je pourrais être une chienne, je suis très loyal à mon maître.
M : Moi ça serait un singe de ouf, tu peux faire ce que tu veux où tu veux. Genre un petit singe au Zoo de Vincennes qui se branle devant tout le monde.

Je vous vois plus comme une hydre à cinq têtes, ça se passe comment quand vous n’êtes pas d’accord ?

L.B : C’est comme un couple mais poly-amoureux, on se prend la tête.
T.L : Mais c’est pour construire quelque chose car on a tous un but commun. Comme dans un couple, ça se passe bien mais parfois y’a des moments durs à passer. On est des amis à la base avant d’être des musiciens. C’est une histoire collective qu’on écrit. Tu parles d’hydre mais c’est pas faux car on est tous les jours ensemble, on fait le business ensemble, de notre vision et de notre carrière au moindre mot qu’on a dans nos chansons, on est devenu une famille mafieuse.

Si vous étiez un tag porno ?

L.B : Y’a un tag bagarre. Un ring où des meufs luttent et se mettent des godes ou se lèchent. Au début c’était ça, puis quand je suis revenu sur Coqnu, y’avait plus de keums et c’était plus violent, genre fausse baston. Mais au fond y’a jamais un seul tag.
T.L : T’es toujours dans le crossover, c’est ça qui est bien.
L.B : C’est la loi d’internet, t’as besoin de tout.
T.L : Si je peux en dire trois, je dirai : amateur, swingers et bagarre.

Le porno peut être une source d’inspiration ?

L.B : Quand Vald a sorti son clip Selfie #3, je me suis dit que le mec était fort. Y’a aussi Adanowski ; lui c’était plus porno chic. Mais ce ne sont que deux exemples. Pour le porno avec Bagarre, ce qui peut me toucher, c’est cette espèce de communauté internet qui va vagabonde de la pop culture au porno, comme Stoya par exemple. Faire du do it yourself en imbriquant plein de trucs comme le féminisme ou le veganisme…

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Garçon Sauvage #7 avec Bagarre au Sucre à Lyon

Vous vous êtes rencontrés en soirée, vous continuez à sortir ensemble ?

L.B : On sort moins car on a moins le temps mais quand on sort, on est souvent ensemble. C’est les soirées des Fils de Venus. On va plutôt dans le soirées club de la scène LGBT/gay que dans les pinces fesses du monde de la musique pop/rock. Ça peut être La SALE!, on a joué et mixé pour eux, Garçon Sauvage à Lyon. Et avec le temps qu’il nous reste, on le passe quand même ensemble.

Quelles sont vos relations avec le collectif Fils de Venus ?

T.L : Un couple libre.
L.B : On est né à la même période. J’ai rencontré Olivia Cristiani à la première soirée Fils de Venus. On a grandi ensemble, on est amis, on partage les mêmes idées à tous les niveaux.

Vous sortez où à Paris ?

A D : On ne sort plus beaucoup.
L.B : On va à la Folie, au Batofar, au Social Club quand y’avait les Jeudi O.K. de la SALE!.
T.L : Le Rex Club y’a 5-6 ans.
C : A la Java un peu
L.B : La Java elle a un peu un karma cradingue qui est cool, tu sais qu’il se passera toujours quelque chose. Sinon on va là où les soirées qui nous intéressent se font. On peut aussi dire ceux qu’on n’aime pas, c’est peut-être mieux ? Si on peut n’en citer qu’un, qui représente tous les enculés de Paname, c’est le Nüba.
C: Ou sinon y’a le Faust, l’enfer sur terre.

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Chantal la nuit

C’est quoi votre meilleur souvenir de club ?

T.L : Garçon Sauvage au Sucre à Lyon c’était assez unique. C’était une soirée avec Chantal La Nuit qui a réussi à emporter par son enthousiasme, plein de gars à se travestir pour la soirée et à créer à une ambiance, libre, fou et très second degré. On a joué vers 2h30, c’était taré, y’avait plus de gens sur scène qu’en bas.
L.B : Ça me faisait penser qu’Internet était devenu un lieu. Tu pouvais y faire ce que tu veux, y’avait rien de choquant, comme si y’avait une normalité assez puissante. T’as envie d’y retourner, quelque soit ta sexualité et y’a pas d’enjeu par rapport à ça. Même si a un moment de la soirée, ça twist quand même sans que ce soit une orgie. Bien qu’il n’y ait pas problème de se faire sucer sur le dancefloor. C’était une des soirées les plus cool de ma vie. C’était plein de vie. C’est cool de voir plein de gens réunis kiffer sans se prendre la tête. C’est un parallèle complet avec l’idée de Bagarre.
T.L : L’autre gros souvenir de club c’est quand on a joué à La Bellevilloise. C’était le nirvana. Tout le monde avait enlevé ses sapes, il faisait beaucoup trop chaud, y’avait des gens partout.
L.B : C’était la première fois qu’on vivait un truc comme on avait vu sur Youtube. Au cours du concert, on a du reprendre le pouvoir sur la soirée, les gens s’auto-alimentaient, ils n’avaient même plus besoin de nous !

Qu’est-ce que vous faites en rentrant de club ?

M : Je me fais des pâtes.
T.L : Perso, je rentre me branler et je dors.
L.B : Parfois j’aimerais bien baiser mais je suis trop défoncé pour ça, alors je dors.

Et le lendemain ?

L.B : Le lendemain tu baises à fond par contre.
T.L : Ça dépend l’heure à laquelle tu rentres. Si tu rentres vraiment de club vers 5-6h ça veut dire que tu ne baises pas. J’ai jamais baisé en club d’ailleurs, tu ne rencontres pas les gens là-bas. T’es là t’attends sur le quai du métro avec tes potes avant de rentrer à perpette. T’as ce bruit à la station Grands Boulevards qui fait “wouuuuahh” parce qu’ils veulent pas qu’il y ait de clochards….
L.B : Sauf si tu rentres de club à 2h du mat avec une target. Mais à un moment il faut choisir, soit tu vas clubber sois tu vas baiser.

L’album est prévu pour quand ?

T.L : On espère d’ici un an.
L.B : On a vraiment envie de s’offrir un bon moment avec ce premier album. On veut un beau truc.

Comment ça s’annonce le 21 à la Machine ?

L.B : On a envie d’un bon gros bordel.
T.L : D’une grosse orgie, on veut que des enfants naissent de cette soirée.
L.B : On a fini la programmation avec des gens qu’on estime vraiment, avec des vrais contrastes entre eux. On a quelque chose qui nous ressemble et qui ressemble au public.

Pour finir, si je vous dis cinq titres sexuels, vous me répondez ?

Tommy Genesis – Art
Devo – Whip it
Spice – So Mi Like It
Dancer – Number nine
Placebo – Mets ton doigt dans mon cul

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