B.Sensory : j’ai testé la littérature érotique augmentée
En 2014, Le Tag vous parlait déjà de B.Sensory, un projet de lecture numérique sensorielle né dans l’esprit de l’entrepreneuse Christel Le Coq. « Amatrice de lecture érotique, j’ai eu envie de conjuguer le pouvoir des mots au potentiel des objets connectés pour imaginer une nouvelle manière de lire et prendre du plaisir, en solo ou en duo, » explique-t-elle sur b-sensory.com. Trois ans plus tard, la start-up française a franchi les obstacles techniques et financiers et nous livre son Little Bird, un sextoy framboise qui se connecte via Bluetooth à une appli de lecture érotique ludique, téléchargeable sur smartphone et tablette.
Début avril, Christel Le Coq fait parvenir un coffret blanc et rose B.Sensory dans les bureaux du Tag. À l’intérieur, sur son matelas de velours noir, se délasse le Little Bird, un genre de gros spermatozoïde rose en silicone tout doux et garanti sans phtalates ; sa queue est particulièrement souple et contient le récepteur Bluetooth. Dans le double-fond du package, cohabitent une dosette de gel lubrifiant intime et un câble USB, pour recharger la bête. Je glisse le paquet dans mon sac à dos et le ressors une semaine plus tard, avec la bénédiction du printemps dont les températures clémentes invitent à l’érotisme. Trop impatiente, je ne lirai pas la notice.
Direction l’App Store. Je télécharge l’appli sur mon téléphone. On me demande de créer un compte avec pseudo. « LulaDuTag ». Je commence la balade. L’interface aux couleurs acidulées est plutôt bien fichue. Les rubriques littéraires se distinguent de celles dédiées au Little Bird. Le dispositif B.Sensory recouvre plusieurs fonctions. Je peux lire des contenus érotiques sans utiliser l’œuf vibrant ; opter pour le sextoy seul, l’application se transformant en télécommande ; ou bien combiner les deux, et me laisser guider par les histoires de cul dont certains passages modifiés visuellement déclenchent tel ou tel mode de vibration quand on les effleure. S’ajoutent à cela des « jeux à deux » – envoi de sextos, prise de contrôle du sextoy… – à réaliser côte à côte ou à distance.
Faux départ
Dans la rubrique « Mon Little Bird », on me propose « d’appairer » le sextoy. Il s’agit de le connecter pour la première fois à l’application. Pour ce baptême, la marche à suivre ne s’invente pas. Je découvre qu’il faut commencer par charger le Little Bird pendant trois heures – ce que j’aurais anticipé si j’avais consulté le mode d’emploi. Il est trop tard. Je le laisse branché sur mon laptop, ajournant ma lecture masturbatoire au lendemain. Ellipse. « Débranchez votre Little Bird et procédez à son appairage en appuyant sur le bouton appairage dans les trois minutes suivant le débranchement. » Traduction : plugger le sextoy sur l’ordi avec le câble USB et le déplugger aussitôt, puis appuyer sur le bouton « appairer » qui apparaît dans la section « Mon Little Bird » de l’appli. Ça y est, le petit oiseau est prêt à prendre son envol.
Je le passe sous l’eau tiède et le nettoie lentement au savon ; on ne rigole pas avec l’hygiène. Dans ma chambre, j’entrouvre la fenêtre qui laisse entrer cette brise parfaite. Je rejoins mon lit en petite culotte, Little Bird dans la main gauche, smartphone dans la main droite. Mes pieds s’enfoncent dans mes draps. Je me rends dans la librairie virtuelle de B.Sensory. Avec déjà près de soixante auteurs et des éditeurs partenaires tels que La Musardine, Les Éditions Blanche ou la Collection Paulette, le choix est large. Il y a une catégorie « Nouveautés gratuites », le reste est accessible moyennant l’achat de crédits, uniquement sur le site. Christel m’a conseillé de souscrire au « Pack Flirt » pour bénéficier de trois textes offerts.
Entre imaginaire et frustration
J’ajoute la nouvelle Artémis de Stéphanie Eden dans ma « Bibliothèque ». Elle débute par l’extrait d’un poème de Gérard de Nerval, « Artémis », issu du recueil Les Chimères. L’héroïne punk, Emma, nous entraîne dans une aventure bisexuelle, s’interrogeant sur la notion de fidélité. Chaque errance, chaque caresse, chaque pénétration est entrecoupée de références à Patti Smith, Joy Division, The Clash, The Smiths, Dead Kennedys. Je m’enfonce dans cette lecture rock, le Little Bird à proximité. Un premier passage flouté. Quand je le touche, les lettres deviennent nettes et provoquent des vibrations – le délicieux mode « Extase ». L’équipe de B.Sensory a soigneusement échafaudé un jeu de piste que je m’efforce de suivre. Tout s’articule autour de l’imaginaire et de la frustration.
Je ne suis pas amoureuse du style, mais je dois reconnaître que les scènes de baise, lesbiennes comme hétéros, sont rondement menées. Les préliminaires sont doux. « Des baisers sur sa nuque. Elle a toujours les yeux fermés, et ce léger sourire en coin que je connais bien et qui me fait continuer. » L’excitation monte. « Je la pénètre de plus en plus fort dans les deux orifices simultanément. Elle s’est accroupie pour mieux sentir les caresses. » Le Little Bird se pose entre mes cuisses. Toujours ce vent qui transporte les derniers rayons du soleil. Je mets la lecture sur pause, le fap sur play. J’essaie tous les modes de vibration et tombe d’accord avec « Volupté ». Je me laisse aller à mes propres fantasmes. Prévu pour un usage externe et interne, le sextoy est efficace. Artémis me rappelle à l’ordre. L’orgasme clitoridien éclot entre « Elle gémit » et « Dans ma bouche, le goût de son orgasme naissant ».
B.Sensory est un pionnier en matière de lecture érotique connectée. Ses inévitables défauts, comparables à ceux des premiers aéroplanes, ne vous éloigneront pas du septième ciel pour autant. La singularité et l’intensité de l’expérience amorcent le débat : et si l’avenir de la littérature se trouvait au fond de nos chattes ?
Le Little Bird est en vente ici. Prix : 129€.
Packs de lecture : « Pack Flirt », 3 crédits gratuits – « Pack Désir », 5 crédits, 5,99€ – « Pack Plaisir », 10 crédits, 9,99€ – « Pack Passion », 20 crédits, 17,99€.
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