6 questions à 2 jeunes auteures de littérature érotique
Pour le lancement de leur nouvelle collection « Point G« , avec des auteures exclusivement féminines, les éditions de La Musardine ont organisé une séance de dédicaces dans leur boutique parisienne, ma librairie préférée, pour les deux premières auteures dont c’est aussi le premier livre érotique : Virginie Bégaudeau et Anne Vassivière. Vous nous connaissez, au Tag nous adorons le concept des toutes premières fois, c’était donc l’occasion d’aller à leur rencontre et de leur poser quelques questions.
Bonjour à toutes les deux. Quelle cruelle déception, moi qui pensais que quand une femme écrit quelque chose d’érotique, c’est obligatoirement pour faire part de ses fantasmes les plus inavouables… Il semblerait que pour vos deux ça ne soit pas le cas.
Virginie Bégaudeau : Il y a toujours une part de fantasme dans la rédaction d’un roman érotique, sans doute plus que pour d’autres ouvrages. Pourtant, en effet, l’écriture de « June » ne résulte pas d’une succession de fantasmes ou de désirs que j’ai jeté sur papier. C’est le road-trip initiatique d’une femme au foyer des années 70 et de son amie, avec laquelle elle a une relation particulière. Ce qui semblait être pour elle l’occasion de se retrouver et de partir à l’aventure, libérée de ses obligations habituelles, devient finalement bien plus épique et dangereux que prévu. C’est l’occasion de découvrir beaucoup de nouvelles choses, certaines plus ou moins agréables, et d’en sortir grandie. C’est plutôt un joli concours de circonstances qui m’a amené à travailler avec La Musardine, en particulier avec Octavie Delvaux. Habituée aux romans historiques, c’était un défi de changer d’univers et sans surprise, j’ai adoré ! Et pour le côté, fantasmes inavouables, il y en a très certainement.
Anne Vassivière : Aucune déception à avoir : Parties Communes vous garantit des fantasmes à chaque étage ! Les miens sont simplement cachés parmi toutes ces histoires d’amour et de sexe. Je les ai placés dans un cadre commun, un immeuble de part et d’autre d’une cour intérieure, dans lequel tous les habitants vont vivre ensemble des moments torrides, d’amour, ou les deux à la fois. J’espère surtout que vous y reconnaitrez les vôtres et que, qui sait, les habitants de mon immeuble vous en suggéreront de nouveaux.
Comment et pourquoi en êtes-vous venues à la littérature érotique ?
V.B : Il n’était pas « prévu » que j’écrive de l’érotisme, cela ne faisait pas partie de mes projets. Je ne lis d’ailleurs pas de littérature érotique, ou très peu… Et elles se résument à Esparbec et Anaïs Nin, parfois Françoise Rey. Je m’imaginais assez mal m’exprimer par ce biais. Un été, j’ai été contactée par mon éditrice qui m’a parlé d’un concours organisé par La Musardine. Je me suis lancée, certaine que l’écriture d’un texte court me serait bénéfique. J’ai gagné le concours et à ce moment, La Musardine réfléchissait sur la Collection .G. C’est tout naturellement que nous avons travaillé ensemble et que le roman « June » est né.
A.V : Ce genre s’est imposé à moi quand je me suis aperçue, en parlant avec mes amies, que nos histoires amoureuses ou/et sexuelles étaient bien sûr un lieu de grands plaisirs, mais également, souvent le terrain de malentendus avec nos partenaires. M’est alors venue l’envie d’écrire des histoires de plaisirs charnels avec pour chacune, une double voix : celles des deux partenaires donnant leur version des faits. Cela donne à la fois des récits touchants, coquins, drôles et existants.
En tant que nouvelles venues dans la littérature érotique, quel genre de public vous attendez-vous à rencontrer ? Sachant que Virginie a déjà des lecteurs dans un tout autre domaine.
V.B : Mon public traditionnel est très féminin en général mais là ce sera la surprise. J’ai bien une partie de mes lecteurs habituels qui est venue acheter mon livre par curiosité mais la question de ce qu’ils entendent par « érotique » peut se poser. Si pour eux il s’agit juste de tenir la main et de suggérer, ce n’est pas le cas et il y en a qui peuvent être déroutés.
A.V : Du coup, tu vas les emmener ailleurs que ce qu’ils avaient prévu et cela va peut-être leur plaire.
V.B : En effet, soit je vais en gagner, soit je vais en perdre.
A.V : De mon côté, j’ai fait lire mon manuscrit aussi bien à des amis femmes que hommes car tous se posaient des questions sur les relations amoureuses. Il y en a qui ont adoré car ils y ont trouvé des réponses, des éclairages et des choses dans lesquelles ils se reconnaissaient. Mais il y en a aussi un ou deux qui ont été choqués : c’est trop cru pour eux. Dans mon entourage, les retours ont été positifs et depuis la publication, les critiques sont bonnes. Parties Communes est en train de trouver son lectorat, masculin et féminin. Je suis agréablement surprise que ce roman soit autant apprécié par les femmes que par les hommes.
V.B : En tout cas, j’ai constaté lors d’une séance de dédicaces en province qu’il y a énormément d’hommes qui se sont inscrits. Peut-être pour le côté minette qui va signer un livre érotique ! Après, il y en avaient aussi qui m’avaient suivie pour mes romans historiques et qui venaient acheter du livre érotique, par curiosité. En fait on ne sait pas qui va être notre public, ça va être la surprise.
Dans le cas de la littérature classique, il n’y a pas vraiment de synergies avec les nouvelles technologies, contrairement à son pendant érotique, notamment avec le projet B. Sensory auquel participe La Musardine. Comment voyez-vous cette évolution ?
A.V : Je trouve cette idée intéressante mais pour moi, c’est un gadget. Ce n’est pas vraiment un élément de renouvellement de la littérature érotique. Bien sûr, il y a de la place pour cette technologie, comme pour toutes les formes de plaisir. En vérité, mon livre peut se lire d’une main, celui de Virginie aussi !
V.B : Ce qui a toujours été le cas, en fait.
A.V : Je n’ai pas vraiment envie de dire à mes lectrices où elles doivent rire, ni où elles doivent jouir. Ce qui va m’exciter ne sera pas forcément ce qui excitera la lectrice ou le lecteur.
Les femmes prennent une place de plus en plus importante dans la culture porn, notamment avec la nouvelle vague du porno féministe. Est-ce que vous vous inscrivez dans ce mouvement avec la collection .G ou est ce juste une façon de cibler un public féminin ?
A.V : Il y a tellement de stéréotypes sur comment doit se comporter une femme, c’est-à-dire être plutôt passive, que si on écrit avec des mots crus, on va forcément nous dire que l’on revendique quelque chose. Moi au départ, je ne suis pas partie en me disant que j’allais revendiquer quoi que ce soit. J’ai écrit de la façon qui m’était naturelle et sur un sujet qui m’interrogeait. Si écrire sur le sexe librement et en tant que femme, c’est faire acte de féminisme, alors oui, je revendique le droit d’écrire de cette façon là, d’assumer ma sexualité et de la vivre pleinement. La collection Point G est exactement dans cet état d’esprit. Maintenant, on peut se demander si il y a une écriture masculine et une écriture féminine. C’est une question intéressante à se poser.
V.B : Je suis assez d’accord avec Anne sur cette liberté d’écrire. Après, ce que je trouve intéressant avec cette collection c’est la volonté d’avoir quelque chose qui n’existe pas ou peu, une littérature qui ne met pas automatiquement la femme en objet d’une domination, consciente ou pas. Une proposition différente de la romance érotique où elle est jeune, elle est belle, elle est pauvre, lui il est beau, il est riche et il va la sauver. Là ce n’est pas le cas, comme dit Anne, on a le droit d’écrire ce que l’on veut, si demain on a envie de raconter que quelqu’un se fait prendre par 15 personnes, que ce soit une femme ou pas, on aura la liberté de le faire. Cela peut être ça le côté féministe, même si pour certains le terme a un côté péjoratif, dans le sens où ce serait de la littérature par des femmes, pour des femmes et que les hommes sont exclus. Ce qui n’est absolument pas vrai.
Maintenant que vous avez écrit toutes les deux votre premier livre érotique, allez-vous rester dans ce domaine ? Passer sur autre média mais toujours dans l’érotisme ?
V.B : J’aimerais bien continuer dans ce domaine, mais peut-être écrire du roman historique érotique. C’est ma première base et c’est ce que j’aime faire. Pourquoi pas, mais ce ne sera pas sur commande et seulement si j’ai envie de l’écrire. Pas question de me dire que je dois en pondre un nouveau pour le mois prochain. J’ai quand même déjà une idée pour un deuxième opus.
A.V : Dans mon cas, vu que l’action se passe dans un immeuble pour conserver l’unité de lieu, je peux écrire un antépisode, mettant en scène les situations amoureuses des personnages 20-30 ans avant, pour savoir ce qui s’est passé dans leur jeunesse. J’envisage aussi une suite. La porte est ouverte dans les deux sens. J’ai déjà commencé à y travailler.
Merci à vous deux et bonne chance pour la suite.
Les romans sont disponibles sur le site de La Musardine ou en boutique.
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