Rencontre avec M’sieur Jérémy, le youtubeur du plaisir
Au milieu de l’océan des Youtubeurs qui parlent régime, fitness, jeux vidéo, high-tech ou politique, on trouve M’sieur Jérémy. Son thème de prédilection : le plaisir. Ses armes ? Les sextoys. Ce reviewer français pas comme les autres s’est donné une mission : faire sauter les préjugés autour des objets de plaisir, parler de sexualité et de plaisir masculin. Rencontre avec ce Lyonnais de 34 ans, qui milite à sa façon sans lever le poing.
Comment es-tu arrivé à te lancer dans le sextoy review ?
J’étais déjà reviewer sur Internet : je présentais des smartphones, des mobiles… et j’avais participé à un blog lyonnais : le Club des Branleurs. Puis de fil en aiguille, je me suis rendu compte qu’on ne voyait pas de mec qui osait montrer leur visage avec un objet dans les mains. Je n’avais plus d’emploi, je trouvais ça fun et ça me permettait de rester actif. Et il y avait aussi ce côté utopique : en parlant de sexualité, de plaisir masculin et sans communautarisme, arriver à banaliser et rendre la chose bénigne, enlever les préjugés, l’agressivité, les phobies qui existent et arrêter de mettre un tabou là-dessus. Je me suis dit que j’allais faire un truc qui me ressemble, pas vulgaire ou trash et je me suis lancé avec le sourire. Je ne regrette pas, mais c’est très dur.
Es-tu un militant du plaisir ?
Je n’aime pas le terme militant – ça me gène toujours – mais y’a un peu de ça sinon je ne serai pas là. L’idée est de dire que ça existe et qu’il faut l’assumer, sans forcément le crier autour de soi, car ça reste de l’ordre de l’intime. Je pense qu’il y a plein de gens qui sont hyper frustrés par leur sexualité ou qui cassent leur couple. Je vois ça dans les messages que je reçois qui ressemblent quand même à des messages de détresse. Je vois des mecs complexés parce qu’ils sont comme moi éduqués par un porno et qui se comparent. Ils sont complètement largués et ils n’osent pas en parler entre eux, car c’est compliqué. Ils me posent ces questions : comment prendre du plaisir, comment en donner, je suis complexé par la taille de mon sexe, j’ai des problèmes d’érection, comment faire plaisir à ma nana…
Quel rapport entretiens-tu avec eux ?
Je suis assez accessible et je rencontre souvent des followers quand je vais dans des salons de l’érotisme ou quand des mecs sont de passage à Lyon. 90% de mes vidéos sont faites suite aux questions que je reçois en privé, sur des produits, des pratiques… C’est pour ça que je ne me considère pas comme un Youtubeur, je suis juste un déballeur de produit. Par la suite, il va y avoir des vidéos un peu plus personnelles sur des sujets qui me tiennent à cœur, mais je ne veux pas être dans la revendication.
Tu t’es inspiré d’autres gens dans le youtube-sextoy-game ?
Dans le Youtube sextoy game français y’a une nana que j’aime énormément qui s’appelle Clemity Jane. J’aime tout chez elle et j’aimerais énormément faire une vidéo en duo. Y’a des gens que j’aime dont j’ai peut-être pris des traits de mise en avant qui sont américains, y’a un duo qui s’appelle Joke Strap que j’aime énormément. C’est très punchy et très souriant. C’est quelque chose qui me ressemble. Mon seul regret c’est de ne pas avoir de grandes connaissances en montage et en image, si bien que les vidéos sont de moins bonnes qualités que ces gens. Puis, je ne copie pas, car je préfère rester moi-même. Quand je n’aime pas un produit, je le dis, quand j’en aime, je le dis aussi. Je ne suis pas payé pour dire du bien ou du mal.
Quelles sont tes relations avec les marques ?
Bonnes. Les marques commencent à me contacter. Mais quand on vient me voir en me disant “on vous propose tant”, c’est surprenant pour moi. Je préfère avoir un produit et faire ma propre idée plutôt que d’être « coaché » : faut faire ci, faut faire ça. Je préfère refuser même si les produits sont super. Sinon, je suis pris sous l’aile de beaucoup de gros love store. Je les remercie et je dois être un des rares à le faire publiquement. Sans eux, M’sieur Jeremy ne pourrait pas exister. Je les aime beaucoup et j’entretiens de bonnes relations avec.
Tu as eu récemment des petits soucis de strikes (signalement) sur Youtube ?
Oui et ça fait super mal. Le principe même de mes vidéos est de montrer que le plaisir n’est pas un tabou et qu’il n’est pas vulgaire, qu’il y a de tout et qu’il faut savoir en parler librement pour arrêter d’avoir cette image du mec avec l’imper… C’est un truc qui m’énerve, j’ai du mal avec cette agressivité de Youtube.
Ce sont des blocages préventifs ?
Non. La vidéo est supprimée et je me prends un avertissement : “Le contenu ne correspond pas à la charte Youtube”.
A priori t’as le droit de faire de reviews de sextoys, y’a pas de nudité par exemple ?
C’est toujours borderline, car y’a beaucoup de sextoys réalistes. C’est pas forcément des produits que je montre tout le temps parce qu’ils ne me passionnent pas (j’aime bien les sextoys qui ressemblent à tout sauf des sextoys), mais il y a les vaginettes d’actrices… Dès qu’il y a le mot “actrice porno” ou “sextoy”, je me fais striker. Et 99% de mes vidéos n’ont pas accès à la publicité sur Youtube à cause du sujet. Dernièrement, j’ai fait une vidéo sur les lubrifiants, je me suis fait striker alors que je ne parle que de ça… mais j’utilisais le mot fist-fucking…
Vois-tu des changements s’opérer dans la société française à propos des sextoys ?
Je vois un changement sur les objets de plaisir grâce à Tenga notamment ; les gens sont plus open. Par contre, quand je me présente dans un groupe qui n’est pas censé savoir que je fais ça, typiquement à Pôle-Emploi, lorsque je dis que je présente des sextoys, les trois quarts des gonzes me répondent “tu présentes des godes ???” Ils ne savent pas ce que c’est à part les clichés véhiculés : la pompe à pénis et la poupée gonflable. Il y a un problème sur assumer le plaisir, le pire étant celui du plaisir anal qui semble remettre en cause leur sexualité alors que ça n’a rien à voir.
Dans une des dernières vidéos, tu as dit ne toujours pas trouver ton point P ?
C’est compliqué. Ce n’est pas forcément où je prends le plus de plaisir. C’est quelque chose que j’aimerai faire si j’étais en couple or, je suis un éternel célibataire et ce n’est pas le genre de toys que je vais sortir au premier rendez-vous. Y’a des produits qui m’ont fait avoir certaines sensations assez intéressantes, on m’a même parlé de stage par Nouveaux Plaisirs avec la sexothérapeute Nathalie Giraud. Je n’ai pas encore trouvé même si j’ai lu le Traité d’Aneros dans tous les sens.
C’est un orgasme on va dire… exigeant.
Faut connaître son anatomie et être patient. Faut être dans des conditions psychologiques pour être vraiment dans une envie de se faire plaisir. C’est ce que je regrette avec tous mes tests, car j’ai l’impression d’être une machine… Je vais peut-être ralentir les vidéos et prendre plus de temps avec les produits.
Dans ta vie privée, est-ce que tu utilises beaucoup de sextoys ?
À force de les tester, ça devient compliqué. Je reçois plus d’une demi-douzaine de colis par semaine qui comportent beaucoup de choses. Ma daily routine c’est d’aller les chercher au Amazon Locker. Y’a des produits que j’aime, mais je reviens souvent sur les mêmes. J’aime beaucoup les sextoys de vibration de type pulse, comme le Hot Octopuss. Le Fleshlight aussi.
Si tu devais partir sur une île déserte, tu partirais avec lequel ?
Je prendrais un Fleshlight réaliste, déjà parce que ça fait plaisir visuellement. Y’a des plaisirs rapides et bourrins et y’a des plaisirs pour prendre du plaisir. Donc j’opte pour le bourrin.
Qu’est-ce que tu vois arriver en termes de produits dans un futur proche ?
Je vois depuis quelques mois de plus en plus de masseurs prostatiques, ça veut donc dire qu’il y a une réelle demande. Je reçois aussi de plus en plus de produits qui mettent en avant d’autres sensations : des produits qui font du son, de la vibration. Il y a aussi la réalité virtuelle qui commence à arriver, mais je ne sais pas très bien si ça va marcher. C’est contraignant, car t’en finis plus de connecter des trucs. J’ai commencé une vidéo, au bout d’un quart d’heure je n’avais encore rien fait…
C’est vrai que la VR reste un peu “la séance du mois”, la main reste beaucoup plus pratique au final.
C’est bizarre, mais c’est intéressant cette idée de sexe virtuel global avec différents produits : les produits sensationnels, visuels, automatiques, sextoys pour couple avec applications à distance. Il va y avoir une sorte de progression sur ces sextoys mais en tant qu’utilisateur, je prends quand même plus de plaisir avec des sextoys basiques et traditionnels qu’avec ceux qui sont bourrés d’électroniques et qui me saoulent assez vite.
La réalité virtuelle, des sextoys de plus en plus réalistes et un jour des robots sexuels. Il y a une peur de remplacement chez certaines personnes. Qu’est-ce que tu en penses ?
Je n’y crois pas des masses. La plupart gens qui ont recours à ça sont des gens assez esseulés, dans des endroits très esseulés ou dans une vie qui ne leur permet pas d’être dans des rapports sociaux pratiques. Ou des gens hyper timides. C’est un tabou la sexualité de l’handicap et il ne faut pas rire de ça et juger. C’est le sujet de mes vidéos, prendre du plaisir, l’assumer sans forcément le revendiquer. Ça fait partie de la vie. Il y a quelques années de ça, tu te cachais, maintenant tu as des love store superbes. C’est moins tabou, c’est plus esthétique.
Retrouvez M’sieur Jérémy sur sa chaîne Youtube, Pornhub, son site, Facebook et Twitter.
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