Le poil : l’avis d’un professionel
Les croyances et a priori sur le poil sont nombreuses et bien ancrées dans l’imaginaire collectif, mais entre les détracteurs et supporters de la toison magique, pas facile de faire la part des choses. Fidèle à son credo de journalisme total, le Tag Parfait a tiré tout ça au clair avec un représentant de la Société Française de Dermatologie : le docteur Serge Dahan de la clinique Saint Jean Languedoc à Toulouse.
Tout d’abord merci de prendre le temps de nous éclairer un peu sur cette thématique. Si vous le permettez, je vais commencer avec la grosse question qui divise les deux camps : le poil est-il sale ?
En lui même, le poil n’est pas sale, on ne peut pas dire cela. Il suffit de se laver, ce n’est pas un problème. Le poil est exactement comme les cheveux à ce niveau-là.
Une des grandes croyances qui perdure depuis des années est que le poil est vecteur de transmission des MST/IST. Est-ce une réalité ?
Chez les personnes qui sont propres et qui vont dormir dans un hôtel, voire plutôt dans les AirBnb qui se multiplient, vous en avez de plus en plus qui peuvent attraper des maladies sexuellement transmissibles, dont la gale, via des sarcoptes, et des poux qui s’accrochent aux poils. Cela n’est pas lié à la propreté du poil, mais plutôt au fait que des parasites peuvent s’y accrocher, exactement de la même façon que sur les cheveux. Il peut aussi y avoir transmission de mycoses lors des contacts si elles sont toujours présentes au niveau des poils, ce qui peut arriver dans certains cas.
Et si finalement le poil avait une vraie utilité pour protéger la peau ?
Il ne faut pas oublier que nous descendons du singe et que cette pilosité en est un des héritages. Le poil a surtout un rôle très important de thermorégulation du corps en augmentant la surface disponible pour l’évaporation de la transpiration, mécanisme primordial pour évacuer la chaleur du corps. À côté de cela, l’emplacement des zones pileuses plus denses, notamment aisselles et pubis, est aussi défini par le rôle du poil en matière de protection contre l’abrasion lors des mouvements peau contre peau. Il participe aussi à la régulation du PH de la peau en réduisant une trop grande acidité qui pourrait être agressive pour la peau. Il y a finalement aussi une utilité de protection solaire pour les zones plus exposées comme les bras et les jambes.
À contrario, qu’en est-il pour l’épilation et le rasage intégral, notamment quand le derme devient abîmé ?
Il y a une légende urbaine qui dit que quand on rase le poil, il repousse plus dur. C’est totalement faux. Sa nouvelle petite taille peut le rendre plus abrasif, mais le principal problème lors de la repousse est que, pour certains dont le poil est frisé ou plutôt épais, on observe des folliculites qui sont des inflammations de la peau fréquentes. Cela intervient lorsque le poil se courbe et vient percer la peau, la rendant plus propice à l’installation d’infections ou de maladies. Ce sont des pathologies que l’on retrouve quelques fois chez des personnes qui se rasent souvent. Je pense à une infection plus particulièrement : les molluscum contagiosum. Ce sont de petites verrues que l’on trouve habituellement chez les enfants, mais dont j’observe une recrudescence chez les adultes qui ont des rapports avec des contacts directs peau nue contre peau nue sans pilosité, notamment au niveau du pubis. Je ne saurais confirmer si le fait d’avoir des poils protège contre cela, mais il est sûr que je le constate bien plus souvent chez ceux qui se rasent.
Tant que nous sommes dans l’épilation, j’ai lu en début d’année que la restriction de l’utilisation du laser et la lumière pulsée aux seuls médecins avait finalement été votée. Vouloir se débarrasser définitivement de sa pilosité serait-il finalement une chose moins anodine qu’il n’y paraît ?
Je crois que c’est quand même mieux ainsi. Évidemment, ce n’était pas n’importe qui avant, les esthéticien·ne·s qui officiaient avaient des compétences, mais les risques étaient tout de même présents. Les dispositifs personnels que vous pouvez acheter dans le commerce sont relativement inoffensifs, voire un peu gadget. Leur puissance est très limitée et ne servira au mieux qu’à retoucher quelques poils épars en complément de traitement. Par contre le matériel dans les instituts de beauté utilise de la lumière pulsée qui est plus dangereuse que nos lasers. Concrètement, une lampe pulsée produit une lumière qui transite dans un filtre qui va laisser passer plusieurs longueurs d’onde beaucoup moins spécifiques que les lasers. Certaines peaux vont ainsi recevoir une lumière inadaptée qui peut les brûler si on monte la puissance. Or pour être efficace, il faut justement monter cette puissance. Ajoutez à cela la gestion des brûlures toujours possibles, les précautions nécessaires dues aux grains de beauté et à la présence de tatouages. Notre matériel et notre savoir-faire restent quand même des arguments importants.
Ceux qui viennent vous voir font-ils souvent référence à une motivation d’ordre sexuelle pour justifier leur besoin d’épilation ? Que ce soit par conformisme aux modèles mainstream ou par leurs pratiques personnelles ?
Non pas du tout, du moins chez moi. Pour autant, je trouve qu’il y a un problème de société avec la prépondérance d’images de corps complètement rasés qui est montrée aux jeunes, dans le porno ou ailleurs. Ils ne veulent plus de poils, trouvant que cela fait moche. Cela donne tout une génération dont la culture du rasage fait qu’ils viennent nous voir pour des épilations au laser, aussi bien les femmes que les hommes d’ailleurs, que ce soit sur le dos, le thorax ou le maillot. Ce sont des demandes que l’on n’avait pas avant et qui remontent à moins de dix ans environ. Personnellement, je leur conseille d’en conserver un peu, ne serait-ce qu’un ticket de métro, histoire de ne pas être complètement dépourvus le jour où ils voudront changer de style. Encore que le côté définitif est surtout vrai chez les femmes. Chez les hommes, c’est une autre affaire, car ils sont toujours soumis à une forte imprégnation hormonale qui fait que les poils qui vont inévitablement repousser seront plus fins et moins denses, mais toujours présents.
Eh bien merci encore docteur.
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