Derrière la porte de la chambre 206
Un soir de février, me voilà en direction du Grand Amour, hôtel et lieu de vie branché cul du 10e arrondissement. Un projet audio-porn orchestré par Olympe de G., Piu Piu, Lele et Antoine Bertin m’attend ; une expérience sonore inédite qui se vit sans les yeux. Son nom de code : Imaginary Porn Experience.
Dans les rues froides et humides, je presse le pas pour ne pas rater ma session, notée très précisément à 18h40. J’arrive sur place, un petit monde quasi exclusivement féminin s’affaire dans un boudoir cosy, verre de vin rouge à la main. Olympe de G. m’accueille, je croise Lele dont j’ai le privilège de découvrir le visage, l’équipe d’Audible qui distribue et soutient le projet, ainsi que la rédactrice en chef du Journal du Hard sont aussi de la partie.
Cette session audio-porn a été tournée au préalable dans la chambre 206 de l’hôtel et rejouée ce soir-là au même endroit à travers un simple système audio : un téléphone, un casque fermé. Un threesome mental où l’auditeur se retrouve acteur passif de la scène et spectateur actif de ses réactions.
Lele nous emmène avec une fille de la plateforme Audible vers un escalier de service, deux étages plus haut, nous nous retrouvons les pieds sur une moquette aux ornements phalliques, face à Piu Piu muette, en peignoir en soie, devant deux casques et un téléphone. Sans un mot, elle nous invite à utiliser ces casques. L’expérience commence.
Une voix collée au creux de l’oreille nous interpelle et nous annonce qu’un couple a très envie de nous voir, dans une chambre, au bout du couloir. Gênés par la situation, excités sans doute par cette intrusion auditive, on repose les casques et on se dirige vers cette fameuse chambre 206. Piu Piu ne dit toujours pas un mot, nous ouvre la porte et nous invite à prendre un nouveau casque. On s’assoit au bord de ce lit face à un miroir, qui sera le témoin muet de nos réactions. Je n’ai jamais rencontré la fille assise à ma droite, elle non plus. Une caméra du Journal du Hard braquée sur mon visage vient ajouter un regard à la situation. La crispation se fait sentir, comme dans Reservoir Dogs, un oeil sur chacun pour voir qui bougera le premier.
L’expérience imaginaire reprend. Une porte s’ouvre, on regarde, pas de porte. La spatialisation et la précision du son binaural nous surprennent, on a l’impression d’entendre des fantômes. Un couple s’approche et s’installe derrière nous pour commencer sa petite affaire. On entend, on y croit, mais on ne voit toujours rien, si ce n’est nos reflets incrédules dans le miroir. Et si nous étions nous-mêmes des fantômes d’une vie passée ? Cette considération métaphysique est arrêtée par la voix du début, qui vient nous susurrer des cochonneries en option ASMR. Crue et insistante, la voix nous excite, nous bouscule, puis nous laisse une nouvelle fois au milieu d’un couple dont le volume sonore augmente au rythme des coups de reins.
Après un roulement de batterie sur des paires de fesses, leurs ébats devient de plus en sonore, pornographie auditive sans ambiguïté, rehaussée par cette voix qui reprend de plus belle pour nous exciter.
L’expérience dure quelques minutes, qui nous paraissent bien plus longues, puis s’arrête sur une impressionnante fenêtre qui s’ouvre vers l’extérieur (dont la définition sonore est suffisamment précise pour nous donner un courant d’air virtuel). Les joues rouges, face à nous-mêmes, on reste stoïques, le sourire gêné.
Avec sa Chambre 206, Olympe de G. vient défricher un genre qui ne demandait qu’à être mieux exploité. Si le son comme support d’excitation continue d’exister à travers le téléphone rose, Reddit ou les expériences ASMR, une vraie mise en scène sonore qui permet de nous projeter entièrement dans une scène virtuelle manquait encore. Sorte de réalité sonore augmentée, cette expérience en appelle d’autres (en cours de réalisation) qu’on a très hâte d’écouter avec plus d’intimité.
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