Stormy Daniels et Donald Trump, la tornade porno-médiatique

L’affaire Stormy Daniels / Donald Trump secoue les médias depuis quatre mois déjà. Au début, ce n’était qu’un boulet de plus au pied du président des États-Unis : l’idée que ce dernier, alors déjà marié, ait pu coucher il y a de cela douze ans avec une ancienne pornstar. Mais aujourd’hui, tout cela outrepasse le cadre de l’amante dans le placard (dont il était au demeurant déjà coutumier).

Les 130 000 dollars versés en 2016 – quelques jours avant l’élection présidentielle – pour acheter le silence de Stormy Daniels passe aux yeux de la loi pour une tentative de manipulation électorale, au creux d’une campagne déjà largement critiquée pour les zones floues de son financement. Alors que Trump nie les faits dont on l’accuse, il suffirait que cette infraction à la loi du financement électoral soit démontrée, après un témoignage sous serment du Président, pour que celui-ci se retrouve accusé de parjure, et fasse l’objet d’une procédure de destitution – si tant est que les élus du Congrès s’investissent dans l’affaire. C’est ce que nous apprend le New York Magazine, reliant ces événements au scandale Bill Clinton/Monica Lewinsky. Ce scandale nous renvoie aussi aux casseroles que Trump se traîne depuis 2017 : la bonne dizaine de plaintes pour harcèlement déjà déposées par des femmes à son encontre. Cette véritable tornade politico-porno met donc en péril la stature présidentielle.

Pour ne pas s’égarer dans les voies sinueuses du « Stormy-Gate », voici un petit récapitulatif des événements d’une affaire encore en cours. Un petit digest actualisable à l’envi : chaque semaine, c’est une nouvelle page de ce feuilleton médiatico-X qui semble s’écrire.

12 janvier 2018

“Le Président et l’ex-Porn Star”, voilà pour l’intitulé de cette fable un peu spéciale. Tout commence dans les pages du Wall Street Journal aux prémisses de janvier . Les journalistes Michael Rothfeld et Joe Palazzolo nous apprennent que le 17 octobre 2016, Donald Trump aurait versé 130 000 dollars à l’ancienne performeuse Stormy Daniels, Stephanie Clifford de son vrai nom, afin qu’elle taise la relation sexuelle qu’elle aurait entretenue avec le 45e président américain dix ans auparavant. L’égérie de Wicked Pictures aurait rencontré le multimillionnaire en juin 2006, lors d’un tournoi de golf entre célébrités aux alentours de Lake Tahoe. S’en serait suivi un rapport sexuel entre adultes consentants, nous informe le Wall Street Journal, se basant sur les déclarations des proches de Clifford.

Stormy Daniels

D’emblée, Daniels nie ces révélations au gré d’une déclaration publique. Non, affirme-t-elle, elle n’a pas eu de relation sexuelle avec l’actuel Président des États-Unis, leurs rapports se résumant à « des apparitions publiques ensemble, et rien de plus« .  « Croyez-moi, si tel était le cas, vous ne l’auriez pas découvert en lisant les infos, mais en lisant mon livre » appuie-t-elle. De son côté, la Maison-Blanche dément les faits au gré d’un communiqué officiel.

Malgré les tensions que la nouvelle implique (en 2006, Donald Trump était déjà marié à Melania Trump, et le rapport aurait eu lieu quelques mois après la naissance de leur fils Barron), cette annonce pourrait s’apparenter à un inoffensif gossip. Mais pas tant que cela, puisqu’elle questionne directement les conditions du financement de la campagne électorale du républicain. De quoi l’édifier en affaire d’État. Dans les comptes déclarés de cette campagne, nulle trace des cent trente mille dollars versés à l’icône porno. De quoi déplaire au Common Cause, l’association de surveillance des pratiques électorales américaines, qui déposera une plainte. Lors d’un communiqué, le porte-parole Paul Ryan conçoit en ce versement d’argent « une tentative d’influencer l’élection » et exige plus de clarté.

Quelques jours plus tard, le magazine In Touch ressort du placard une interview de Stormy Daniels datée de 2011. La performeuse raconte à la journaliste Jordi Lippe-McGaw sa rencontre avec Trump, lequel jouit alors de l’énorme succès de l’émission de télé-réalité The Apprentice. Dès les prémisses de sa conversation avec celui-ci, Daniels se sent mal à l’aise, dérangée de passer  pour »l’idiote aux cheveux blonds et aux gros seins« . Mais ce qui s’ensuit n’en sera que pire : un rendez-vous nocturne dans une chambre d’hôtel de Beverly Hills. La suite des événements s’est déroulée sur le lit du businessman. Dès que l’actrice a poussé la porte de la chambre, Trump l’y attendait, en pyjama, « à la Hugh Hefner« . « Je peux décrire son machin à la perfection » décoche l’actrice, qui affirme donc avoir eu un rapport sexuel avec l’homme d’affaires – introduit par un très peu enthousiaste « Ugh, here we go« . Daniels y confesse que sa plus grosse crainte eut été que Trump la rémunère pour ce rapport, c’est-à-dire que Trump « [la] considère comme une pute » (« …mais s’il m’avait donné de l’argent, il en aurait donné beaucoup » ajoute-t-elle). La chose la plus bizarre aux yeux de Stormy Daniels, ce n’est pas l’acte, mais ce qui s’ensuit : « Il avait un de mes films en dvd et il m’a demandé de lui dédicacer. Je l’ai fait« .

13 février

Le New York Times apporte sa pièce à l’édifice. Dans un communiqué adressé au journal, Michael Cohen, avocat personnel de Donald Trump, assure avoir versé 130 000 dollars à Stormy Daniels. Il aurait signé lui-même le chèque, à son nom, indépendamment de tout financement électoral. Assurant au New York Times la légalité du paiement, l’avocat souhaite ainsi dédouaner le leader des accusations de détournement de fonds de campagne dont il fait l’objet : à l’en croire, Trump n’aurait pas déboursé un seul dollar à Stormy Daniels.

Michael Cohen, avocat de Donald Trump.

14 février

Mais Stéphanie Clifford n’a pas dit son dernier mot. Réagissant au communiqué de Michael Cohen, qu’elle considère comme une rupture de l’accord de confidentialité convenu avec Donald Trump, elle menace de « tout » révéler aux médias. « Karma will always bite you in the ass” menaçait déjà l’actrice à l’adresse de Donald Trump dans les pages d’In Touch.

16 février

Le site XBiz nous informe d’une trivia triviale : le Musée de l’érotisme de Las Vegas (tout un poème) serait prêt à débourser cent mille dollars afin de pouvoir exposer la robe que portait Stormy Daniels lors de sa nuit en compagnie de Donald Trump. Le Musée était déjà sur le coup concernant la robe bleue de Monica Lewinsky durant le scandale Bill Clinton. Bon goût.

Monica Lewinsky.

24 février

Incursion sulfureuse du côté de Paris Match, parti à la rencontre de Stormy. « Partout où Stormy débarque, désormais, c’est la tornade » nous prévient-on d’emblée (rires). Lors d’un show au stripclub new-yorkais «Gossip», le temps d’une soirée sexy intitulée «Make Thursday Great Again» (rires), la tourbillonnante Stormy apparait « en nuisette rouge qu’elle laisse tomber très vite pour ne garder qu’un string noir et une jarretière ».  Au journaliste curieux de Paris Match, la star glisse d’aveu fou («Je ne pense pas à Trump tous les jours») en confessions frappadingues («J’étais déjà célèbre avant [l’affaire Trump], maintenant c’est vrai que d’autres personnes me reconnaissent, mon public s’est élargi. Je fais la même chose qu’autrefois, à une cadence plus élevée »). Merci pour ce moment.

6 mars

Riposte de Stormy Daniels, qui en compagnie de son avocat Michael Avenatti part déposer une plainte à Los Angeles : la clause de non-divulgation qui l’associe à Trump serait invalide ! Bêtement, l’actuel Président des États-Unis ne l’aurait tout simplement pas paraphé. Dépourvu de cette signature, l’accord de confidentialité serait donc totalement nul et non avenu. Aucune raison pour Stormy de garder le silence plus longtemps. La plainte, qui nous apprend que la relation entre Daniels et Trump se serait étendue de 2006 à 2007 (loin d’être si éphémère), fustige aussi Michael Cohen, accusé d’avoir usé de « tactiques d’intimidation » envers la plaignante et d’avoir révélé au grand public l’existence de cette clause de non-divulgation sans lui en avoir demandé la permission. Anguilles sous roche par ribambelles.

Début avril, nous informe CNN, Daniels décochera d’ailleurs : « si j’avais su que Trump ne l’avait pas signé, jamais je n’aurais signé cet accord de confidentialité, jamais je n’aurais accepté les cent trente mille dollars ! »

12 mars

Pas de répit pour Stormy qui – nous apprend le New York Times – se dit prête à rendre à Donald Trump les 130 000 dollars qu’elle a pu toucher si cela lui permet de dire la vérité, et rien que la vérité. C’est ce que l’on peut lire dans une lettre rédigée par son avocat Michael Avenatti. Si Michael Cohen accepte le marché de l’actrice, l’accord de confidentialité signé en 2016 serait alors nul et non avenu. S’il refuse, cela veut dire que Trump a bel et bien quelque chose à cacher…L’astuce est insidieuse, mais belle. L’heure est à la libération de la parole. Stormy affirme sa volonté de faire annuler par la justice l’accord de confidentialité conclu entre elle et Michael Cohen. L’avocat de « Miss Clifford » rappelle au New York Times qu’il s’agit plus d’une simple bagatelle : « c’est une quête de vérité« .

Michael Avenatti, avocat de Stormy Daniels.

20 mars

Une autre joueuse entre dans la partie ! Son nom est Karen McDougal et c’est une ancienne Playmate. À l’instar de Stormy Daniels, elle aurait entretenu entre 2006 et 2007 une relation avec la vedette des reality shows, rencontrée au sein du manoir Playboy, détaille le New Yorker, et revue plusieurs fois depuis, au tournoi de golf du lac Tahoe de 2006 par exemple (là même où Trump a rencontré Stormy Daniels). Tenez vous bien, son silence aurait été acheté, pour la modique somme de 150 000 dollars. Géré par un proche de Trump, le tabloïd Herald Tribune aurait purement et simplement acheté son témoignage, dans le but de ne jamais le publier.  Ce 20 mars, elle porte plainte ce jour-là auprès du tribunal de Los Angeles. L’une des questions centrales – savoir si la somme déboursée pour acheter le silence de Karen McDougal provient ou non de fonds de campagne illégaux – est toujours d’actualité.

20 mars toujours : un tweet curieux de Michael Avenatti s’insinue sur notre fil Twitter.

Comme le relate le Wall Street Journal, Stormy Daniels est passée au détecteur de mensonges en mai 2011, suite à l’entrevue accordée au magazine In Touch. Ce que démontre ci-contre ce fameux tweet posté par son avocat attitré, lequel aurait déboursé pas moins de vingt-cinq mille dollars afin d’obtenir la vidéo du test. Le hashtag d’Avenatti, #searchfortruth, est on ne peut plus clair quant à la finalité de l’affaire. Résultats du test : Stormy Daniels ne mentirait pas en avouant avoir entretenu une relation sexuelle (non protégée) avec le magnat de l’immobilier. Ou, comme il est énoncé dans le test, une « vaginal intercourse« .

25 mars

Stormy Daniels balance tout dans une entrevue accordée à l’émission culte de CBS : 60 Minutes (grosses audiences au rendez-vous). Ses pensées angoissées avant de faire l’amour à Donald Trump (« tu t’es mise dans une sale situation et de sales choses vont arriver, tu ne mérites que ça« ), ses railleries quant aux tactiques de drague du businessman (montrer à l’actrice un magazine dont il fait la couverture), l’ambiguïté de la relation sexuelle : Daniels affirme que le rapport était consentant, mais qu’elle ne souhaitait pas du tout lui faire l’amour. « Mais je ne suis pas une victime » précise-t-elle au présentateur Anderson Cooper.

Stormy Daniels lors de son entretien à 60 Minutes

« J’étais persuadée, jusqu’au fond de mon coeur, que je faisais le bon choix« , ajoute-t-elle lorsqu’on lui demande pourquoi elle en est venue à accepter qu’on achète son silence à l’aube de la campagne électorale. Les raisons sont limpides : ne pas entacher « une carrière qui a été très difficile à établir » et ne pas exposer ses enfants « à toutes les choses auxquelles je suis exposée aujourd’hui« . À l’identique, quand on lui demande pourquoi elle a initialement nié les faits suite aux révélations du Wall Street Journal, l’actrice raconte que des individus de pouvoir comme Michael Cohen « peuvent faire de votre vie un enfer pas diverses manières« .

Par quelles manières, au juste ? On le devine : chantage, harcèlement, menaces. Des tactiques dont Trump, par l’intermédiaire de ses avocats, est plutôt coutumier (pour vous en assurer, matez donc la super série documentaire Trump : An  American Dream). Pour 60 Minutes, Stormy Daniels l’assure : suite à son interview pour In Touch – il y a de cela sept ans, donc – elle aurait été menacée dans un parking, elle et son enfant. « Un mec s’est approché de moi et m’a dit « Laissez Trump tranquille. Oubliez cette histoire ». Puis il a regardé ma fille et a ajouté : « C’est une bien belle petite fille. Ce serait dommage que quelque chose arrive à sa mère ». Puis il est parti« . Par peur, Daniels n’a rien révélé aux forces de l’ordre.

10 avril

Le FBI s’en mêle et organise une escapade dans les bureaux de Michael Cohen, l’avocat susnommé de Donald Trump. Comme le précise la BBC, cela n’est pas sans attiser l’ire du pourvoyeur de fake news, y allant de ses traditionnels tweets furibards : « C’est une véritable chasse aux sorcières ! » (en CAPSLOCK et avec beaucoup trop de points d’exclamation)

12 avril

Dans la (longue) des Unes chocs de l’ère Trump, il faudra ajouter cette énième impeccable couverture du Time consacré à l’ouragan Stormy. Quelques jours seulement après le raid du FBI, autant dire que cela fait son petit effet. On ne va pas vous faire un dessin, cette illustration vaut tous les discours.

15 avril

Mise en ligne d’un article récapitulatif du Monde, intéressant par sa manière d’appréhender l’image médiatique de Stormy Daniels. Celle-ci y est esquissée comme « la femme fatale du moment, celle qui gâche les nuits et la vie conjugale de Donald Trump« . Une icône du X « haïe ou admirée« , un businesswoman aguerrie qui lors de ses performances s’affiche en costume de Wonder Woman, une femme de pouvoir pour ceux et celles qui la contemplent : volontiers méprisée, elle a le courage de « s’opposer à l’homme le plus puissant au monde« .

Ludique est l’évocation de la prestation de Stormy au bar à strip tease Déjà Vu de Nashville : son numéro a pour blaze « The porn star that trumps them all ! », (« la star du porno qui les bat tous »)« . Désormais, la médiatisation de Trump semble indissociable de celle de l’ex pornstar « aux seins XXL« , et inversement. Vraie « boss » du milieu selon Nina Hartley (la patronne du porno éducatif), Stormy Daniels acquiert avec toute cette affaire une dimension qui la rapproche de l’emblème féministe : « Elle a toujours été libre avec son corps, maintenant elle se sent libre de parler » nous assure-t-on. Joli mot.

16 avril

L’étau se resserre. Quelques jours après le raid du FBI, Stormy Daniels, dixit The Indepedent, part affronter Michael Cohen au tribunal, histoire de revenir plus précisément sur ses « méthodes de travail« . Cohen demande à la Cour l’autorisation du droit de regard de ses avocats sur les documents traités – en lien avec le paiement effectué à l’adresse de Stormy Daniels. Des documents qui peuvent éventuellement l’incriminer.

Oui oui, vous avez bien compris, l’avocat de Trump appelle à la rescousses ses propres avocats.

 17 avril

L’ouragan continue sa route : Stormy Daniels se retrouve en Une de Penthouse Magazine. Anecdotique ? Clairement. Sauf que l’éditeur de la revue pour adultes a insisté pour que figure sur la couv’ un macaron doré : « Collector’s Edition: Stormy Daniels Exclusive … Making America Great Again« . Le clin d’oeil est plutôt subtil (non).

Moins light : le même jour, comme le relève Xbiz, Stormy Daniels est invitée dans l’émission d’ABC, The View. Aux côtés de son avocat Michael Avenatti, elle décide de diffuser à l’antenne un portrait en noir et blanc de l’homme qui l’aurait menacé dans un parking en 2011, suite à son interview pour le magazine In Touch (rappelez-vous). Ce faisant, l’ancienne actrice, qui sur ABC se dit « fatiguée d’être menacée et brutalisée« , persiste et signe. Oui, sa vérité se fera entendre dans les grands médias américains. L’épaulant, Avenatti précise que toute information pouvant mener à l’identification dudit homme sera dûment récompensée, à hauteur de cent mille dollars. Face aux mauvais dires divers, l’avocat l’atteste : « This is serious business« . A ses yeux, les documents qui resurgiront de ce scandale politico-porno pourraient être cruciaux quant à « l’avenir de la présidence« . Wait and see.

18 avril

« A sketch years later about a nonexistent man. A total con job, playing the Fake News Media for Fools (but they know it)!« . Atone depuis des mois quant à ces déboires, le Président Donald Trump évoque pour la première fois Stormy Daniels sur son fameux compte Twitter. Comme d’habitude, il nie ses dires au nom de la calomnie, des manipulatoires « Fake News », des médias propagandistes et consorts. Air connu.

Affaire tumultueuse oblige, cet article sera régulièrement mis à jour. Restez connectés. 

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