Tour d’horizon des remixeurs du porn
La culture porn est vaste, grande et en perpétuelle évolution. Créée par l’industrie porno, elle prend sa dimension culturelle à travers notre regard. Mais entre la création et la réception, peu d’interactions se créent si ce n’est quelques échanges et commentaires sur les tubes porno devenus plateformes sociales. Pendant que l’énorme majorité des fappeurs se contente du porno comme d’un support masturbatoire, d’autres, plus créatifs, s’en servent comme matière première pour créer de nouvelles formes de pornographie. Compilateurs ou remixeurs, les fappeurs-créateurs oeuvrent pour le bien de la communauté. En voici un premier panorama.
Les compilateurs
Le compilateur est un collectionneur qui développe une attirance particulière pour une actrice, un acteur, une production, un tag ou une pratique sexuelle. Son but est simple : dérouler sur une durée plus ou moins longue ses trouvailles et offrir à la communauté des versions condensées de ses obsessions.
Si on connaît rarement le nom de ces monteurs du dimanche, on connait tous leurs créations, qui ont l’insolence d’être plus regardées que les extraits des vidéos originales qu’ils mettent bout-à-bout. La compilation porno est sans doute la version la plus populaire des petites créations propres aux tubes. Elle fait partie intégrante de la porn culture depuis ses débuts et possède d’ailleurs sa propre catégorie, qui ne souffre étonnament pas des signalements des studios.
Les vidéos les plus vues offrent bien souvent le spectacle à l’infini de cumshots enchaînés, manière efficace d’atteindre la finalité dès le départ : du sperme comme s’il en pleuvait, appuyé par un montage frénétique. Mais ces compilations dont le succès ne se dément pas depuis plus de dix ans ne sont pas que l’apanage des fappeurs pressés. Elles permettent aussi de regrouper le meilleur des tags ou des performeurs en une seule vidéo. Les amateurs de tags moins populaires que les cumshot et big boobs s’en servent ainsi pour satisfaire leur belle curiosité. Les compilations de pegging, self-cumshot ou de selfpiss sont d’une efficacité redoutable pour les fappeurs monomaniaques et aventureux qui en ont marre de perdre leur temps à creuser les tubes.
Longtemps cantonnée au cadre purement amateur, pourvu d’un montage bricolé avec les moyens du bord, la compilation a finalement séduit les studios et les professionnels qui s’en servent à leur tour pour attirer les spectateurs feignants. Une technique astucieuse qui prend de plus en plus d’ampleur sur les tubes gratuits.
Les compilateurs sont des diggers, des collectionneurs : leur travail consiste à sélectionner puis compiler leurs trouvailles. Ils sont la partie immergé de l’iceberg des remixeurs, des utilisateurs anonymes au service du bien commun dont les créations sont plus fonctionnelles que créatives. On les remercie bien chaleureusement pour leur travail. Mais allons plutôt voir leurs collègues plus créatifs…
Les remixeurs
Toujours en surface, on retrouve les remixeurs qui défilent sous la bannière du PMV (pour Porn Music Video). Monteur-mélomane, le remixeur de PMV voit les tubes comme des chaînes de télé en proposant des clips musicaux de leurs performeurs ou tags favoris. Transformant Pornhub en MTV, ils voient le porno comme une banque d’images qu’ils reprennent, retravaillent, synchronisent, jusqu’à obtenir une nouvelle oeuvre.
Tout aussi connues que les premières compilations, les vidéos tagguées PMV se retrouvent souvent dans les plus gros hits du fap de la semaine. Certains remixeurs ont même une fanbase importante comme le célèbre Evilone99 ou Drethewatcher. La Porn Music Vidéo est une forme d’art porno-pop à part entière avec ses stars, ses fans, ses courants musicaux, ses concours et ses obsessions (comme les culs bien sûr, featuring Peaches ou les éjaculations, sur Pump up the jam).
Oeuvrant plus pour la beauté de l’art que pour l’efficacité masturbatoire, les PMV rédéfinissent les contours du porno comme support masturbatoire, en lui donnant une dimension pop et cool. Passant à travers les mailles des demandes de suppression DMCA (autant pour l’image que pour le son), les PMV semblent également jouir d’une certaine tolérance des producteurs porno et d’une ignorance certaine du monde de la musique. Celui-ci ne doit pas se douter qu’à l’heure actuelle, des dizaines de milliers de personnes écoutent du Nicky Minaj sous le flot incessant d’images hardcore.
Si chaque créateur, tel un DJ, développe son propre style, on remarque une proportion assez sévère à remixer du porno sous fond d’EDM, dubstep, reggaeton ou de rap, collant ainsi aux charts américains et latins, le tout sur un montage frénétique sous stéroïdes. Cependant, loin de la foule de ce Spring Break qui dégénère, on retrouve aussi quelques artisans qui travaillent ce tag avec amour et douceur. C’est le cas de Henry the hill avec son hypnotique “cocaine girls”, qui tourne en boucle dans les bureaux du Tag Parfait.
Les hypnotiseurs
En marge de ces vidéos, la communauté sissy est un courant alternatif, riche et méconnu de la culture porn. Cette insulte qui veut dire “efféminé” (mais que dans ce contexte l’on traduira plutôt par “tapette”) réappropriée et revendiquée par ses membres, définit un monde où le porno serait un vecteur entre ce vous êtes : un homme hétérosexuel et votre vraie nature, une femme « bitchy » et soumise. Se nourrissant de la culpabilité qu’ont certains hommes hétérosexuels à regarder du porno transsexuel, le mouvement sissy se repose sur des valeurs d’apprentissage (comment devenir “une parfaite sissy”) et de transgression ou féminisation (vous aimez le porno hétéro mais au fond ce sont les hommes et les bites qui vous obsèdent). Cette communauté étant complexe, notre but sera avant tout d’apporter un petit éclairage sur les vidéos qui émergent de cette sub-culture.
Le mouvement sissy voit la culture porn comme la matière première de ses fantasmes. Cette communauté assez structurée se retrouve sur Reddit ou des blogs spécialisés, mais surtout sur les tubes porno où leurs créations peuvent être partagées, commentées, analysées et servir de support masturbatoire (ou d’apprentissage), un tube entièrement dédié à la cause existe même : Hypnotube. Si l’idée principale est de devenir une parfaite sissy, alors quoi de mieux qu’une compilation porno pour arriver mentalement à traverser le miroir, et devenir le temps d’une vidéo l’objet de ses fantasmes ?
Sous le tag sissy hypnotic (ou sissy trainer), on retrouve des vidéos qui possèdent souvent la même trame : des images de porno hétéro très dominant qui basculent parfois vers des images de porno transsexuel avec une voix hypnotisante qui vous pousse à devenir l’actrice dominée, une musique planante ou bourrine (type EDM), le tout rehaussé d’un filtre rose ou violet, censé ajouter un côté vaporeux à l’ensemble.
Ces créations prennent la suite du travail des remixeurs, avec toute une dimension transgressive et hypnotique plutôt spectaculaire (bien que flirtant énormément avec l’homophobie et l’humiliation avec l’utilisation courante du terme « faggot »). Si cette communauté n’a pas la popularité des remixeurs, elle demeure très active et créative, poussant le genre dans d’autres interstices au fil de concours et de nouvelles créations toujours plus hypnotiques.
Les performeurs
Pour le moment, toutes ces vidéos vous mettent dans une position de spectateur passif qui s’abreuve d’images, le cul bien vissé à sa chaise. Pourtant, d’autres remixeurs ont décidé de faire suer les fappeurs et de leur faire relever quelques défis. On les appellera : les performeurs.
Les vidéos les plus connues de ce mouvement « actif » se retrouvent sous le terme de Cock Hero (ou Fap Hero pour sa version hentai). Inspiré du fameux jeu de guitare, Guitar Hero, le but est de branler en rythme votre manche (celui que vous avez entre les jambes). Une petite barre défile sous les images et vous devez tenir bon jusqu’à la fin, sinon vous avez perdu (même si vous avez joui, ce qui n’est jamais vraiment perdu). On en a déjà parlé ici, c’est assez fun, on vous laisse le loisir de relever ce défi pas trop compliqué.
D’autres vous proposent de relever un challenge plus complexe : le “poppers challenge”. L’idée n’est plus de fapper en rythme mais de prendre des inhalations plus ou moins profondes de poppers quand une voix robotique vous invite à le faire. Puis, à vous de vous masturber comme un dératé et tenir le coup (ou le choc). Ces vidéos assez courtes sont rythmées par une musique agressive sous amphétamine et une montage frénétique digne des meilleurs moments du mouvement speed-core. Un défi pour le corps et l’esprit qui vous garantit un mal de crâne impressionnant, un état second… et un orgasme intense sous nitrites d’amyle. Ceci dit, on touche parfois au sublime avec cette vidéo (featuring la star du PMV, Evileone99) qui pourrait servir de spot anti-porno tellement elle tabasse le crâne.
Enfin, les derniers utilisateurs qui cochent toutes les cases de cet article sont tous une synthèse des autres : un mix génial entre un défi poppers hypnotique pour devenir la parfaite sissy fan de hardcore. Un concept que seule la culture porno dans toute sa grandeur peut nous offrir. Une plongée vertigineuse dans les sous-sols des tubes. Ou dans les profondeurs d’un couloir méconnu du Palais de Tokyo.
Les chilleurs
En marge des poppers challenge speedés et des remixeurs porno d’EDM, on trouve aussi une petite frange de remixeurs qui ne laissent pas amadouer par les beats matraqueurs et les crises d’épilepsie. Chez les remixeurs-chilleurs, on monte des vidéos dans des vapeurs colorées, des voix douces, on prend son temps, on explore ses fantasmes en douceur et on plane, loin, parfois aidé d’un petit coup de poppers de temps en temps.
Certains poussent même le concept de JOI (« Jerk off instructions » qui commence enfin à prendre en France) sur des terres proches de l’hyptotisation avec du Virtualy JOI . Une compilation avec effet-miroir, où vous êtes aidé par l’incrustation d’une très belle teub à l’écran. Celle-ci vous guidera jusqu’au plaisir le plus profond.
Les frontières de la création
Ce petit panorama n’est sans doute pas exhaustif et se cantonne de scruter ce qu’il se passe (presque) en surface sur un des principaux tubes porno, comme vous avez pu le voir, Pornhub. D’autres créations et idées sont certainement en train d’émerger sur d’autres tubes ou des sub-reddits encore vierges de notre exploration. À vous d’éveiller votre curiosité et de continuer à laisser des commentaires sous ces vidéos car si la création a ses limites, la bienveillance des fappeurs elle, semble contrairement aux spectateurs sur Youtube, sans limite.
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