« C’est qui la patronne ? » : ces femmes qui font l’industrie X d’aujourd’hui
Vous avez tendance à envisager le porno comme un business majoritairement masculin ? Vous n’avez pas forcément tort. Raison de plus pour s’intéresser à ces femmes qui font bouger l’industrie X d’aujourd’hui. Décentralisation, streaming, uberisation ou réalité virtuelle, le secteur évolue vite, porté par une poignée de femmes déterminées à le faire avancer dans le bon sens.
Shirley Lara
Impossible d’ignorer cette working girl dont le regard plane sur nombre de nos excursions sur internet. Car Shirley Lara n’est rien de moins que la directrice des opérations de Chaturbate, l’hégémonique plateforme de live cam – et la « plus innovante », à en croire la cérémonie des Adult Webcam Awards de 2016. C’est après avoir bossé pour des sites d’informations people que Lara découvre les sites de « solo girl » (des filles se dénudent et performent face-caméra) puis les plateformes de cam. Comme l’indique XBiz, cette accro de fitness croit dur comme fer aux atouts de sa boîte – la pluralité de ses applis, la fidélité de sa communauté, la qualité des expériences qu’elle propose. Bref, « faire de l’argent avec Chaturbate est incroyablement facile » assure-t-elle. Aux yeux de la trentenaire sex positive, interrogée le temps d’une entrevue, Chaturbate propose « la meilleure façon de gagner de l’argent pour les modèles tout en amenant la meilleure expérience utilisateur possible« , c’est à dire en garantissant l’interaction qui selon elle est au coeur du processus. Avec la création des Chaturbate Female Empowerment Award, Lara appuie ses convictions – démontrer que la webcam est une manière pour les femmes de prendre le pouvoir, et pour les travailleurs du sexe de s’émanciper.
Alison Boden
Booster Kink.com à l’ère du stream X gratuit, c’est là l’ambition d’Alison Boden, nouvelle boss depuis mai dernier de Cybernet Entertainment, la compagnie détentrice de la plateforme de fantasmes BDSM et fétichistes . »Faire grossir notre marque, notre influence et notre audience, plus globalement notre compagnie, bien sûr, mais mon but est surtout de changer la manière dont la société perçoit et entend la sexualité » affirme celle qui fut durant huit ans Vice Présidente au département Technologie de Kink. Succédant au fondateur Peter Acworth, elle relève le défi sans frousse, ses quinze années de taf au sein du marché pour adultes parlent pour elle. Depuis ses débuts en 2003 dans le business des sextoys, l’entrepreneuse a tout fait : directrice de marketing, organisatrice de projets, ingénieur-système. Un CV qui ne sera pas de trop pour faire fonctionner la machine à l’heure où « une grande majorité des consommateurs ne paient pas pour les contenus porno« , déplore-t-elle au San Francisco Chronicle. Interrogée par Vice, cette native de Pittsburgh met l’accent sur le talent des réalisateurs qui font Kink, la fine distinction entre fantasmes et réalité éthique (il y est question d’interracial), le respect de la vie privée des consommateurs (c’est ce que défend la Electronic Frontier Foundation, dont elle est membre). Mais aussi sur les vertus quasi humanistes qu’elle entend bien conférer à sa boîte bondage : produire ce porno de niche afin que « les gens se connectent les uns les autres, se sentent normaux en voyant leurs désirs représentés au sein de la société« . Bref, « pour qu’ils se sentent moins seuls« .
Janice Griffith
On adore la performeuse, passionnelle et sulfureuse, et on admire l’entrepreneuse, férue d’innovations investie dans le projet SpankChain depuis 2017 – elle en est la co-fondatrice. Avec cette plate-forme destinée à l’industrie adulte s’appuyant sur la blockchain, Janice Griffith souhaite faciliter le paiement par cryptos lors de votre achat de porno, ainsi que l’interaction entre viewers et cameuses, sans intermédiaires. L’idée derrière « SC » et l’application décentralisée CryptoTitties est ainsi de valoriser les artisans du porn en faisant fi de frais de service trop exubérants – autrement dit, le site ne récupère pas la majorité des gains de celles et ceux qu’il accueille. Le système proposé par SpankChain vous permet aussi de tipper votre camgirl favorite. Pour cette control freak assumée (et amatrice de weed), le blockchain est, comme le porno, un espace de libertés. « La nouvelle génération de pornographes a une chance à saisir et peut faire changer les choses. Les gens nous décrivent comme des employés alors que nous sommes en réalité tous en freelance. Il y a une vraie opportunité de faire changer les choses et je veux y prendre part. Il est temps » teasait l’ambitieuse dans nos pages.
Bella French
Sous ce nom romantique se cache la co-fondatrice de la plateforme de vente de vidéos ManyVids. L’ancienne actrice X montréalaise, autoproclamée « sapiosexuelle » et « ninja vegan en devenir », n’a jamais caché ses désirs d’indépendance, de ses débuts en tant que camgirl à ses intentions mécénales chez ManyVids : « Je souhaite révolutionner l’industrie du divertissement pour adultes, en donnant aux créateurs de contenus les outils nécessaires pour rencontrer le succès, suivant leurs propres exigences, un traitement juste et le soutien de leur communauté » détaille-t-elle à Xbiz. French fait la part belle aux créations originales et alternatives face à un vieux monde qui s’écroule. Cette licenciée en commerce de la Montréal Business School peut aujourd’hui se targuer de gérer le numéro un des sites de vente de clips porno. Cela fait déjà cinq ans que la plateforme carbure, bien aidée par le charisme des camgirls et la qualité éditoriale des studios qui s’y exposent – Owen Gray par exemple.
Ela Darling
On ne présente plus l’autoproclamée VR Porn Queen. La texane s’est d’abord effeuillée pour Craiglist, le temps de quelques shooting softcore, avant de s’envoler à Los Angeles – c’est là que commence sa carrière dans le porno avec son entrée chez Kink (la série des Fucking Machines). C’est en cofondant VRTube en 2014 que cette ancienne bibliothécaire se voit propulsée pionnière dans le domaine de l’érotisme en réalité virtuelle – elle n’a alors que 31 ans. Son idée est fantasmatique au possible : scanner en 3D des actrices et les intégrer dans un environnement virtuel, explorable à 180 et 240 degrés. Darling poursuivra sur sa lancée deux ans plus tard en contribuant au projet Cam4VR de Cam4, porno immersif à 360° et en 3D.
Celle qui se définit comme une « fucking nerd » défend depuis des années l’apport d’une réalité virtuelle de grande qualité au sein de l’industrie pornographique, continuité logique d’une culture qui n’a cessé de se réinventer au fil des innovations technologiques. « Au fil de mes années de taf au sein du marché VR pour adultes et plus précisément à travers mon expérience chez Cam4VR, j’ai compris que la réalité virtuelle avait besoin de l’industrie pour adultes, et l’industrie pour adultes de la réalité virtuelle » explique-t-elle à Xbiz. Le temps d’une entrevue, Darling dit être inspirée par Nina Hartley, la porte-parole du porno éducatif, et Louise Houston, l’un des grands noms du X queer. Des valeurs sûres pour une artiste militante, engagée au sein du Adult Performer Advocacy Committee, lequel a pour effet de protéger les droits des performers et leur assurer un environnement professionnel plus sain. Comme elle l’indique dans le portrait que lui a consacré Rolling Stone, la réalité virtuelle lui permet en ce sens de faire du X un medium inclusif, adressé « aux hommes blancs, mais aussi aux personnes de couleur et à tous les types de corps, aux personnes blessées ou handicapés« .
Erika Lust
Productrice, cinéaste et business woman, la suédoise Erika Lust est la figure de proue de la pornographie féministe. Avec sa série de clips XConfessions initiée en 2013 (plus de cent aujourd’hui), cette diplômée en sciences politiques fait la part belle aux fantasmes de son audience – laquelle génère ses scénarios – et à une vision authentique du sexe. Vision qu’elle ne cesse de défendre, de sa plateforme avant-gardiste Lust Cinema à sa boîte de distribution Erotic Films. Reconnue pour son illustration du plaisir féminin et ses exigences de conditions de tournage « éthiques« , Lust bosse avec des équipes majoritairement féminines et se fait la voix d’un X aux antipodes des productions mainstream trop phallocentrées. « Mes films renvoient une image positive de la sexualité et en illustrent la grande variété en décrivant le sexe comme quelque chose de drôle et plein de passion. Je dirige des films pour les gens qui ne veulent pas voir du sexe présenté sous un angle cheap, sans goût et vulgaire. Tous ces trucs autour du « porno pour femmes » et du « porno pour hommes » sont des mythes » nous explique-t-elle. Suivant ces convictions intimes, Lust tente tout, du « porno sans sexe » pensé pour YouTube à sa ligne de vêtements porn-positive, Power Pussy. Des fripes auréolées de slogans forts type : “Eat pussy, it’s organic”. Of course.
Women In Adult
Le magazine spécialisé Xbiz a eu la riche idée de lancer en 2006 la rubrique Women In Adult. Une mise en lumière de ces femmes de l’ombre qui évoluent dans ce secteur réputé (à juste titre) très masculin. Une centaine d’interviews et de portraits vous attendent, une manière de voir le secteur sous un autre angle.
Super intéressant tous ces différents profils